CHAPITRE VI Décentralisation et Gestion des
Ressources
La décentralisation et la réforme du
code domanial foncier ont été mentionnées à tous
les niveaux comme des processus pouvant beaucoup d'influence sur la gestion des
ressources naturelles tant au niveau des collectivités
décentralisées qu'au niveau national.
1- La réforme du régime foncier
:
Suite à la conférence nationale de 1991
et sous la pression du monde paysan, pour revoir en profondeur la politique
agricole du Mali et jeter les bases nouvelles de la collaboration des paysans
et de l'état. Le gouvernement de transition mis en place après le
régime militaire dictatorial du Général Moussa
Traoré, suspend le code forestier « une des sources de
soulèvement des ruraux et engage une réflexion de fonds liant
foncier et décentralisation. (Diallo ; 1996). La révision de la
loi forestière commença en 1992 par des consultations au niveau
régional et national (DNEF ; 1993). Li était prévu une
modification du Code Domanial et Foncier de 1986 et de préciser les
domaines de compétence des futures communes. Un projet de charte
foncière fut lancé. Un observatoire du foncier fut mis en place
avec comme mission d' étudier les pratiques foncières et leurs
dynamiques dans d'importantes régions agro écologiques »
(Delville ; 1999). Ceci dans le souci d'apporter un appui aux projets de
développement et d'alimenter le débat foncier.
L'ambition de cette démarche était de
renoncer à Code Domanial et Foncier pour adopter une charte
foncière dont « l'enjeu est de sécuriser les droits en
clarifiant les normes foncières et les formes d'arbitrage, afin de
réduire l'ambiguïté sur les normes légitimes »
(Delville ; 1999). Fin 1995, les nouvelles lois (la loi N°95-003 et la loi
N°95-004) forestières furent signées et les services des
Eaux et Forêts commencèrent leur diffusion dans les villages. La
réforme foncière au Mali continua avec la signature de la loi
N°01-004 portant Charte Pastorale en République du Mali. Cette loi
fixe les grandes orientations en matière de pastoralisme. Elle met
l'accent sur les principes fondamentaux ci-après :
- la mobilité des animaux
- l'utilisation durable des ressources et la
préservation de l'environnement
- l'accès équitable aux ressources
pastorales
- la gestion participative et
décentralisée des ressources pastorales
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- l'importance dévolue aux organisations
pastorales
- l'exploitation paisible des ressources pastorales et
la gestion locale des conflits liés aux activités
pastorales
2- La décentralisation
Après le renversement du régime
militaire en 1991 et la démocratisation, un processus
général de décentralisation fut entamé. La
troisième république adopta, en Janvier 1993 une loi portant
libre administration des collectivités territoriales. Ce processus a
conduit à la création de 703 communes sur l'ensemble du
territoire national. Les premières élections communales furent
tenues au courant de l'année 1999. Ces « élections
marquaient l'aboutissement de plusieurs années de conceptualisation,
d'élaboration d'un cadre légal et institutionnel, de
négociations politiques, de préparation et de démarrage de
ce processus institutionnel, mais qui n'est qu'à son début avec
le bouclage du premier mandat des conseils communaux en 2004 »(Coulibaly
et Hilhorst ; 2004 :1)
Le nouveau système d'organisation
administrative du Mali comprend trois niveaux : région, cercle et
commune qui sont tous des collectivités territoriales. La commune est la
dirigée par un conseil communal qui élit le maire en son sein. La
commune constitue la collectivité territoriale de base jouissant de la
personnalité juridique. Le village n'est pas une collectivité
décentralisée, il est défini par l'article 60 du code des
collectivités territoriales comme étant la communauté de
base en milieu rural sédentaire.
La décentralisation se définit comme
« le système qui permet à une communauté humaine sur
une portion du territoire de s'administrer par des organes élus. La
collectivité territoriale ainsi créée est dotée
d'une personnalité juridique distincte et s'administre librement sous le
contrôle de l'état. La décentralisation est donc le partage
du pouvoir, des compétences, des responsabilités et des moyens
entre l'état et les collectivités territoriales
(Helvétas/PAD; 2002 :5)
Le transfert de compétences demeure le
fondement de la décentralisation. Il consiste pour l'état
à céder, à transmettre aux collectivités
territoriales décentralisées certaines de ces
prérogatives. Il consiste à identifier et délimiter les
domaines de responsabilité entre l'état et les
collectivités décentralisées « le transfert de
compétences a lieu par voie législative
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c'est-à-dire par un texte de loi voté par
l'assemblée nationale et promulgué par le chef de l'état
» (Helvétas/PAD; 2002 :12). Une collectivité territoriale ne
peut exercer que les compétences qui lui ont été
légalement transférées. Le transfert de compétences
doit être obligatoirement accompagné des transferts concomitants
des ressources et des moyens nécessaires à l'exercice des
compétences.
Si la décentralisation est vue comme un processus
complexe qui permettrait aux populations de participer pleinement au
développement et de participer aux prises de décisions
importantes les concernant, dans la pratique la situation est plus
ambiguë. C'est ainsi que la loi N°096-50 portant principes de
constitution et de gestion du domaine des collectivités territoriales
stipule dans son article 11 que les collectivités territoriales sont
responsables de la gestion, de l'aménagement, de la conservation et de
la sauvegarde de l'équilibre écologique de leur domaine.
D'après l'article 14, les organes délibérants des
collectivités territoriales peuvent procéder à des
délégations de pouvoir aux autorités villageoises (MDRI ;
1999 )
Ainsi les conseils ruraux seront chargés
d'aménager et de gérer toutes les ressources naturelles de leur
ressort. Ainsi toutes les terres du domaine public seront
transférées aux collectivités territoriales de base.
La nouvelle législation permet aux communes de
déléguer la gestion de leurs ressources naturelles à
d'autres organisations telles les villages ou les associations. Parmi les
nombreux défis qu'implique la décentralisation figure celui de
l'harmonisation des relations entre les conseils des communes rurales
récemment mises en place et les diverses institutions coutumières
locales. Ces dernières se considèrent toujours comme les
véritables sources de pouvoir et d'autorités au niveau local.
3- Organisations non gouvernementales intervenant
dans la gestion des ressources naturelles
Dans la zone plusieurs organisations non gouvernementales
interviennent dans l'aménagement des ressources naturelles et la
protection de l'environnement. Ces organisations interviennent aussi par le
biais de séances d'information, d'éducation et de communication
afin de favoriser une bonne cohabitation.
· ALCOP
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Elle intervient à travers trois volets :
- aménagements hydro agricoles
- aménagement de terroirs villageois
- lutte contre la pauvreté
Les interventions de ALCOP dans le domaine de l'environnement
sont issues des préoccupations des populations. Elles ont porté
sur :
La conservation des ressources phytogéniques
L'éducation environnementale dans les écoles
La création d'arboretum
La protection des espèces menacées
· NEF
La NEF est une ONG américaine qui
intervient dans le cercle de Douentza. Elle joue aussi le rôle de Centre
de Conseil aux Communes (CCC). Ces interventions concernent
L'exploitation et la gestion des marchés ruraux de
bois
La vulgarisation agricole
L'implication des élus et des acteurs dans la
prévention et la gestion des conflits et la protection de
l'environnement
Assistance dans l'élaboration des plans de
développement et la recherche de financement incluant les aspects
environnementaux
Aménagement des forêts parcs et réserves
Hydraulique villageoise
4- Les Initiatives locales de gestion
décentralisées des ressources naturelles
Au mali, la transition démocratique intervenue en 1991
confirma l'échec de la gestion étatique des ressources
naturelles.
C'est dans ce cadre que la NEF depuis 1991
appuie un programme d'aménagement et de gestion des ressources dans le
cercle de Douentza. Ce programme est axé sur deux volets : la
décentralisation et la vulgarisation. Les objectifs de ce programme sont
de sécuriser les systèmes de production et de responsabiliser les
acteurs dans la gestion des ressources de leur terroir.
Le cercle de Douentza, dans l'arrondissement de Boré
dispose de 106.070 hectares de forêts, lieux où s'exercent les
activités agro-sylvopastorales. Placé sous la gestion
étatique
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cette forêt est devenue l'objet d'une exploitation
abusive et anarchique par des personnes étrangères à la
région. Pour pallier à ce problème, le programme a
réalisé un certain nombre d'activités visant à
impliquer et responsabiliser les populations locales dans la gestion
décentralisée des ressources naturelles. Ceci en procédant
à la mise en place de treize associations villageoises dans les treize
villages suivants : Melo ; N'doukoye ; Tibouki ; Tété-ompto ;
Wari ; Bima ; Batouma ; Pouti ; Koressana ; Nyingo ; Korendéou,
Boré et Amba. Le programme a également mis en place nue
association supra villageoise regroupant ces treize associations villageoises
connue sous le nom de Waldè Kelka
a- les associations villageoises Kelka
Le but de ces associations est de protéger et
gérer l'environnement. Ce sont des associations à but non
lucratif dont l'adhésion est libre et ouverte à toute personne
résidant dans le village. Les instances dirigeantes de ces associations
sont : l'assemblée générale ; le comité directeur
et le comité de surveillance. Les décisions relatives à la
réglementation en matière de gestion des ressources sont prises
en assemblée générale ou les diverses sensibilités
socio professionnelles sont consultées. Les règles portent sur
- les mesures de protection de l'environnement (interdiction
d'abattre ou de mutiler les arbres surtout les essences
protégées, de cueillir des fruits crus, de permettre la
divagation des animaux)
- l'exploitation forestière : il faut une autorisation
du chef de village pour couper du bois vert. La coupe pour les besoins
domestiques est autorisée pour les autochtones et aux voisins pour la
réalisation d'ouvrages collectifs. La coupe pour le commerce est
interdite.
- L'exploitation pastorale : les règles portent sur
les points d'eau, les parcours du bétail, les gîtes
d'étape, les pistes de transhumance. les pâturages sont
règlementés selon les saisons. En saison sèche les
pâturages sont libres dans la forêt et dans les champs en cas
d'accord avec les agriculteurs. En hivernage l'accès aux zones agricoles
est interdit aux animaux et la culture dans le domaine pastoral est aux
agriculteurs. Les éleveurs ne sont autorisés à faire
abreuver leurs animaux qu'aux niveaux de points d'eau bien
déterminés
- L'exploitation agricole : pour tout défrichement il
faut l'autorisation préalable du chef de village. Cette autorisation
n'est accordée qu'à la condition d'épargner les essences
protégées. Tout défrichement dans les zones
traditionnellement
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réservées aux pâturages est interdit.
Cependant les limites imprécises des pâturages font que les
éleveurs sont parfois lésés.
L'observation de ces règles est surveillée par
des équipes de volontaires villageois patrouillant permanemment sur
l'étendue du terroir pendant la saison sèche. En hivernage, les
équipes sont relayées par une surveillance collective de la
communauté. Pendant cette période la surveillance est d'autant
plus facile que les producteurs des villages passent le plus clair de leur
temps dan leurs champs.
Le non respect de ces règles entraîne des
sanctions consistant en des amendes négociées en fonction de la
gravité des dégâts et de la bonne foi du coupable. A
défaut l'association fait appel aux services forestiers pour imposer la
sanction, ou choisir d'interdire l'accès des ressources au coupable
· l'association supra villageoise Waldè
Kelka
L'association supra villageoise est née de la
volonté commune des villages riverains de la plaine de protéger
leur environnement et de résoudre les conflits liés à la
gestion des ressources naturelles. Elle est composée des treize
associations villageoises dont chacune y est représentée par
trois délégués siégeant à l'assemblée
générale annuelle et par un représentant élu au
comité directeur. L'association est dotée d'une commission aux
conflits composée de cinq membres. Ceci dans le but de résoudre
les conflits dépassant le niveau villageois et de gérer les
pistes de transhumance. L'association supra villageoise a également
élaboré une convention avec le comité de
développement local qui l'autorise à participer à la
gestion des ressources naturelles de la forêt de Kelka.
Rôle des associations dans la gestion des
conflits
Les associations villageoises Kelka interviennent surtout dans
les conflits fonciers et la coupe du bois. Dans les cas de conflit opposant des
membres de l'association, ils sont en général tranchés par
les instances dirigeantes de l'association. Dans les cas de conflit opposant
avec les non membres ou les personnes étrangères aux villages, il
est en général fait appel aux autorités villageoises pour
régler le différend. Les conflits sont résolus selon les
traditions locales. Dans les cas de conflits entre deux associations, il est
fait appel à l'association supra villageoise pour résoudre le
différend. La médiation dans ce cas est assurée par les
commissaires aux conflits, en cas d'échec de ceux-ci, le conflit est
soumis au comité directeur, puis à
l'assemblée générale. Ceci dans le cadre du dialogue, de
la concertation et la conciliation des parties impliquées.
b-les conventions locales du cercle de Douentza
Les conventions locales sont des ensembles de
règlements rédigés de maniéré participatifs
par le plus grand nombre possibles de parties prenantes, afin de promouvoir une
gestion équitable et durable des ressources naturelles. Elles visent
à surmonter le risque de voir les intérêts d'un groupe
étouffer ceux des autres
Les conventions servent à la résolution des
conflits et aussi à la gestion des ressources
naturelles. Elles sont le plus souvent orales. Seules les
décisions prises sont légalisées sous forme
écrite. Celles écrites sont difficiles d'accès et ne sont
pas disponibles ou sont difficiles à obtenir. Il existerait beaucoup
de conventions informelles entre village pour gérer les limites et
l'exploitation des ressources. Elles ont été, pour la
plupart, élaborées par des ONG partenaires des villages sans
la participation des services techniques de l'état. Toutefois les
conventions qui gèrent l'espace pastoral sont insuffisantes. Bien
qu'il existent de nombreuses conventions, elles sont pour la
plupart méconnues et leur application presque nulle. Parmi ces
conventions, l'on pourrait citer : -Convention entre le Comité
Local de Développement de Douentza et l'Association
Supra Villageoise WALADE KELKA
52 L'objet de la convention est l'aménagement
et la gestion des ressources agricoles, sylvicoles et pastorales des
différents domaines, la prévention et la gestion des conflits.
Elle a été élaborée le 06 Septembre 1995 à
Douentza.
Proposition de Convention de Gestion de l'espace
pastoral de Bilel Paté
Elle a été réalisée par le
GIE GAD en Avril 1999 dans l'objectif de la sécurisation et de la
Gestion d'un espace pastoral autour de la pompe solaire de Bilel Paté
dans l'arrondissement de central de Douentza.
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