1-Gestion locale des ressources naturelles
:
Depuis des siècles les ressources naturelles sont
gérées en cinquième région par les
communautés locales comme des ressources communautaires. Dans le cercle
de Douentza la problématique de la conservation et de la gestion des
ressources se présente sous deux aspects selon que l'on est sur les
zones de plateau ou dans les zones de plaines. Le plateau se caractérise
par un espace réduit et des ressources très limitées (sols
superficies) soumises à des pressions d'exploitation et des processus de
dégradation (érosions) très intenses. Très
tôt les communautés sonrai et Dogon ont su développer des
techniques adaptées au milieu , basées sur un savoir local de
conservation des eaux et des terres particulièrement dans le domaine de
la production agricole (transport de terre ; murettes de pierre ; protection et
surveillance ; production de fumure organique). Les dogon ont une forte
tradition de gestion et d'aménagement des ressources. Pour Thomson et
Coulibaly si les Dogon « avaient mal gérées les ressources
du plateau » sur lequel ils ont trouvé refuge au moment des
troubles civils et dynastiques du XV au XIX siècle « ils auraient
du descendre vers les plaines plus riches mais aussi exposées aux
attaques ». Les villages, descendus s'installer dans les plaines au
début du XIX siècle, ont conservé, quelque fois en les
assouplissant, leurs traditions de gestion des ressources naturelles.
Par contre dans les zones de plaines et de dunes, ou l'espace
ne constitue pas une contrainte et ou les ressources sont nombreuses par
rapport au plateau, l'approche de la gestion et de la conservation des
ressources est tout a fait différente. Les peuls, leurs serfs, les
Tamasheq ont appliqué des systèmes de gestion des ressources
moins élaborés, sans doute parce que leurs ressources
étaient plus abondantes. Tous ces groupes exercent un certain
contrôle sur l'accès et l'utilisation des ressources à
travers des arrangements institutionnels locaux.
Les activités des communautés dans le domaine
de la gestion des ressources naturelles sont nombreuses. Les populations sont
pour la plupart conscients de la disponibilité limitée des
ressources naturelles ce qui explique les actions menées par les
communautés pour les protéger ou pour en interdire l'utilisation
abusive. En exemple nous pouvons citer le cas de la mare « Férendi
» reconnue comme propriété du village de Oualo. Cette mare
est située dans la plaine Yaïré entre les villages de Oualo
et Almina. Elle fait l'objet d'un
42
surcreusement chaque quatre ans à la date de
surcreusement fixée par le village de Oualo. Les villages participants a
cette activité en plus de celui de Oualo sont ceux de Almina, Kara et
Tombori. Cette mare fait également l'objet d'une pêche collective
annuelle à une date entre le mois de mai et de juin fixée par le
village de Oualo et officiellement communiquée aux villages qui
participent au surcreusement. Cependant tous les villages
intéressés peuvent participer à la pêche
collective
Comme presque partout au Mali, les coutumes et droits
traditionnels se caractérisent par : « la quasi-absence du mode
d'appropriation individuelle ; l'inaliénabilité de ces
ressources. En effet la terre et les autres ressources appartiennent toujours
à une collectivité : le village, le lignage ou la famille
»i
Les principaux acteurs impliqués dans la
gestion des ressources naturelles sont le chef de village et son conseil et les
chefs des ménages. Dans le cercle de Douentza le chef de village est
considéré comme le propriétaire des terres et des
ressources. L'accès à ces ressources est subordonné
à des procédures spécifiques. Pour les terres cultivables,
le prêt de parcelle est conditionné au consentement
préalable du gestionnaire du domaine et à l'engagement de ne pas
planter d'arbre, ni de dépasser les limites.
L'accès aux autres espèces ligneuses ou
herbacées e aux chaumes des champs,
pour la cueillette, la coupe de bois ou les
pâturages, est libre, même pour les
étrangers.
Un des arrangements les plus répandus
était une organisation villageoise qui règlementait
l'accès et l'exploitation des ressources forestières. Les
ressources faisant l' objet de cette réglementation sont : le bois de
feu, le bois vert pour la construction, le charbon, le bois destiné
à la fabrication des outils, les terres, les produits de cueillette, les
pousses d'herbe destinées à nourrir le bétail local et
transhumants. L'accès de ces ressources est généralement
réservé aux communautés. Par exemple le ramassage de bois
mort pour des besoins domestiques est généralement libre pour les
résidants tandis qu'une autorisation des autorités villageoises,
généralement du chef est nécessaire pour la coupe du bois
vert. Les forêts, les pâturages et les points d'eau sont
gérés comme des ressources communes, par contre les terres
arables sont la propriété des villages qui en
assurent I accès et la gestion. Ces arrangements se
font le plus souvent au niveau local de manière simple et facile
à comprendre pour les communautés résidentes et les
utilisateurs externes des ressources. La plupart des systèmes
d'appropriation sont établis au niveau du village, sauf celui sur les
pistes de transhumance, datant du conquérant Sékou Amadou qui
gérait l'utilisation des terres dans le delta intérieur du Niger
et des terres environnantes au début du XIX siècle. Des couloirs
de transhumance furent percés pour permettre la mobilité des
troupeaux peuls entrant et sortant du delta pour se nourrir selon les
changements de saison. Il officialisa la fonction de « Jowro » et
leur accorda la gestion des pâturages. Les Jowro étaient
désignés par les chefs de clan en fonction de leur
compétence en élevage et de leur intégrité. Ils
avaient pour fonction de gérer la transhumance des animaux en provenance
et à destination des pâturages de la région, en fonction
des pluies saisonnières et des inondations fluviales. La plupart de ces
pistes de transhumance existe encore et sont reconnus par les agriculteurs.
Les communautés locales ont aussi des dispositifs de
surveillance et de mise en application. Des groupes de jeunes sous la direction
d'un ancien en général étaient chargés de parcourir
les terres du village. Les infractions étaient sanctionnées au
niveau local selon la gravité de l'acte.
2 - Tentatives étatiques de gestion des
ressources :
Durant la colonisation les terres, les forêts sont
devenues officiellement propriété de l'état. Le
décret colonial du 04/07/1935 affirmait le contrôle de
l'état sur la plupart des ressources naturelles. Cependant à
Douentza comme un peu partout au Mali, le pouvoir de l'état était
limité et les institutions locales continuaient d'exercer leur
contrôle sur la gestion des ressources. Après
l'indépendance, les autorités des premières et
deuxième République, ont étendues leur emprise sur les
ressources naturelles renouvelables. Le processus commença dans les
années 1970 et le code forestier du 30 janvier 1986(loi 86-43) paracheva
le contrôle de l'état sur les ressources. Les nouvelles
réglementations imposaient des restrictions à l'abattage des
arbres dans les forêts domaniales et les aires protégées.
Certaines dispositions du code autorisaient les agents du service forestier
à règlementer de nombreuses espèces poussant sur les
terres des agriculteurs. Les communautés locales ne sont plus
impliquées dans la gestion des ressources. Il faut avoir un permis
délivré par le service forestier pour pouvoir couper du bois. Le
système imposé par le code forestier rendait la coupe
légale du bois excessivement cher aux autochtones. Les exploitants
commerciaux qui respectaient la réglementation pouvaient couper
là ou ils
44
voulaient, même sur des aires les
communautés, elles-mêmes avaient protégées voire
plantées.
Les contrevenants au nouveau code étaient
passibles d'amende voire d'emprisonnement. Les responsables locaux qui
tentaient de résoudre les différends sur les ressources par
l'application d'une réglementation locale se voyaient infliger des
amendes. Cette affirmation du contrôle de l'état sur les
ressources avait ouvert la voie à un long affrontement entre
utilisateurs locaux et fonctionnaires de l'état, responsables de la mise
en application des lois. Les réglementations locales sur les ressources
qui avaient fait leurs preuves dans la pratique ont été mises de
côté. Cette attitude s'est traduite par une dégradation des
ressources et la multiplication des conflits entre les
utilisateurs.
Avec l'avènement de la troisième
république et l'engagement du processus de décentralisation les
initiatives locales de gestion des ressources des ressources par les
communautés locales ont refleuries. Elles sont stimulées par des
mesures d'accompagnement officiel et par divers organismes internationaux et
locaux.
L'état intervient dans la zone à travers
les structures issues de la réforme du M A E P (Ministère de
l'Agriculture de l'Elevage et de la Pêche) au niveau du cercle par le S L
R C (Service Local de la Réglementation et du Contrôle) et
à la base par un poste de contrôle. Au plan technique, en
matière d'Appui Conseil d'Aménagement et d'Equipement Rural
(AACAER), il y a au niveau local un agent et le Service Local d'Appui Conseil
d'Aménagement et d'Equipement Rural au niveau du cercle. Ces structures
sont chargées de la vulgarisation agricole et de la
réglementation des ressources. Elles sont chargées d'apporter le
message technique aux communautés locales ainsi qu'aux divers
utilisateurs des ressources.
Les enquêtes démontrent l'importance des
institutions coutumières locales dans la gestion quotidienne des
ressources naturelles
Dans la zone il existe des brigades de surveillance
chargées de surveiller et de protéger les ressources ligneuses
contre les coupes abusives et l'exploitation frauduleuse des produits de
cueillettes (fourrages, gommes, gousses et fruits)
Les actions des communautés dans la gestion et la
protection des ressources sont soutenues par les services techniques et les ONG
intervenants dans la zone.