B. LA MEDECINE DU TRAVAIL
Si l'appréciation de la COTOREP est déterminante
pour accorder la reconnaissance de « travailleur handicapé »,
celle de la médecine du travail qui intervient en aval notamment, au
moment de l'embauche, n'est pas moins importante, bien que la loi du 10 juillet
1987 ne fasse pas expressément référence à la
médecine du travail dans le dispositif d'insertion socioprofessionnelle
des personnes atteintes d'une déficience.
18 Commission départementale d'éducation
spéciale : Structure quasiment identique à la COTOREP mais pour
les enfants. Cette commission évalue le taux d'incapacité de
l'enfant, décide de l'attribution de l'allocation d'éducation
spéciale et s'occupe de l'orientation scolaire des enfants
handicapés.
19 Cf. infra, Partie II, Chapitre I, Paragraphe I.
Les missions de la médecine du travail s'inscrivent dans
le code du travail et du décret du 28 décembre
198820.
Le médecin du travail dispose de deux rôles
déterminants concernant l'appréciation du handicap. En effet,
après avoir évalué au niveau médico-professionnel
la situation de la personne, il va remplir un rôle de conseil
auprès du chef d'entreprise.
Qu'entendre par évaluation
médico-professionnelle ? C'est le code du travail dans ses articles R
241-41 et suivants qui donne au médecin un certain nombre de moyens pour
suivre l'intégration des personnes handicapées en milieu
ordinaire du travail21
Pour commencer, tout salarié est tenu de passer un
examen médical préalable à l'embauche ou au plus tard
avant l'expiration de la période d'essai. Cela est aussi le cas pour les
examens médicaux relatifs à la détermination de l'aptitude
au poste de travail en vue éventuellement de proposer une meilleure
adaptation à la personne atteinte d'une déficience. Le
médecin peut aussi prescrire des examens médicaux
complémentaires quand il y a un doute sur d'éventuelles
affections susceptibles de constituer une contre indication au poste de
travail22. Il est tout à fait possible, pour un demandeur
d'une reconnaissance de travailleur handicapé, de présenter
à l'appui de sa requête, un certificat médical
délivré par le médecin du travail de
l'entreprise23. Cependant, le médecin est exempt de
s'associer à l'établissement d'un fichier de personnes
handicapées sur la base de données administratives ainsi que de
participer à l'identification des personnes atteintes d'un handicap pour
lesquelles, le secret médical s'applique totalement. Cependant, il peut
établir sur le certificat médical décrivant le handicap,
les atteintes fonctionnelles par rapport aux exigences du poste et des
conditions de travail, étant précisé que seul le demandeur
peut saisir la COTOREP pour être reconnu « travailleur
handicapé ».
De plus, plusieurs examens médicaux périodiques
obligatoires ont lieu afin d'assurer le maintien du salarié à son
poste de travail. C'est la raison pour laquelle, il a été mis en
place, pour les travailleurs handicapés, une surveillance
médicale particulière24. Ainsi, le médecin du
travail exerce un suivi médical particulier pour les personnes
handicapées et les salariés qui viennent de changer de type
d'activité et cela pour une période de 18 mois. Cette
surveillance médicale particulière favorise,
20 Modifiant le titre IV du Livre II du code du
travail (Articles R 241 et suivants).
Par exemple, l'article R 241-43 du code du travail dispose que
« l'employeur est tenu de prendre en considération les avis qui lui
sont présentés par le médecin du travail en ce qui
concerne l'application de la législation sur les emplois
réservés et les personnes handicapées, et le cas
échéant, de faire connaître les motifs qui s'opposent
à ce qu'il y soit donné suite. »
21 Cet article concerne aussi le milieu
protégé de travail, celui-ci ne rentrant pas dans le cadre de ce
mémoire, je ne le traiterai pas ici.
22 Etant entendu que ces examens sont pris en charge
par l'employeur
23 Circulaire CDE du 24 mars 1988 du ministère
des affaires sociales et de l'emploi.
24 Article R 241-50 (arrêté du 11 juillet
1977) : « (...) Le médecin du travail exerce une surveillance
médicale particulière pour (...) les handicapés (...). Le
médecin du travail est juge de la fréquence et de la nature des
examens que comporte cette surveillance médicale particulière
».
a priori, l'action du médecin en vue de prendre les
mesures appropriées, permettant une prise en charge précoce des
pathologies et de leur évolution et par conséquent d'assurer un
aménagement optimal des postes en vue du maintien du salarié.
Qu'il s'agisse de mutations ou de transformations de poste, le
médecin du travail peut les proposer, à partir du moment
où cela est justifié par des considérations tenant
à l'âge, la résistance physique ou l'état de
santé du travailleur. Ce genre de propositions érigent alors le
médecin du travail en un conseiller « particulier » de
l'employeur.
Au delà d'être le conseiller du chef
d'entreprise, il est celui des salariés, des représentants des
salariés et des services sociaux au sein de l'entreprise. Il peut ainsi,
permettre une amélioration significative des conditions de vie et de
travail dans l'entreprise, mais aussi, adapter des postes et apporter une
expertise sur les rythmes de travail à la physiologie humaine. Pour que
cela soit possible et efficace, le chef d'entreprise doit être
très coopératif et soucieux de l'intégration des personnes
souffrant de déficience dans son établissement. Eu égard
à cette coopération, lorsqu'un salarié est
déclaré inapte à reprendre le poste qu'il occupe,
l'employeur est tenu de lui proposer, en s'appuyant sur les conclusions
écrites sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des
tâches existant dans l'entreprise, et après avis des
délégués du personnel, un autre emploi correspondant
à ses capacités et aussi similaire que possible à l'emploi
qu'il occupait. C'est ainsi qu'il lui proposera mutations transformations de
postes ou aménagement du temps de travail25. Si l'employeur
ne fait pas de propositions de mesures individuelles, il devra justifier par
écrit les motifs qui expliquent le refus de reclassement de la personne
concernée.
Ainsi, pour l'employeur, le fait de prendre
sérieusement en considération les observations du médecin
du travail facilite l'appréhension des problèmes issus de la
déficience des personnes concernées.
En réalité, force est de constater que cette
coopération n'est pas si développée dans les entreprises,
ce qui a pour effet de réduire la portée des mesures de
reclassement en faveur des personnes handicapées au sein de
l'entreprise.
Il est donc de l'intérêt de tous les acteurs de
l'entreprise26 de donner un sens à la culture d'entreprise,
qui tienne compte des difficultés qui frappent des personnes
handicapées, dans l'entreprise, et qui limitent leur intégration,
dans le collectif. C'est à cet égard que le médecin du
L'article R 241-32 précise de plus que le médecin
du travail dispose d'un temps complémentaire pour accomplir cette
mission, à concurrence d'un temps minimal d'une heure par mois pour 10
salariés.
25 Cf. infra, Partie II, Chapitre II, paragraphe I
travail facilite les rapports de travail au sein de
l'entreprise pour peu que celle-ci fasse le choix d'une attitude citoyenne, en
accordant d'une part, une attention particulière à
l'évolution des pathologies susceptibles de modifier le rendement
professionnel donc préjudiciable pour l'entreprise elle-même et la
personne ; et d'autre part, en respectant son obligation d'emploi de personne
handicapée, que ce soit pleinement ou par le biais de moyens
exonératoires comme l'adoption d'accords d'entreprise27.
|