impact des APE sur le developpement des pays enclavés le cas du Mali( Télécharger le fichier original )par Matiéré Bassian DIARRA IUG/UFP université de Bamako - Maîtrise en commerce international 2007 |
Conclusion etrecommandationsIl est prématuré à ce stade d'avoir une position définitive sur les orientations que devrait prendre lors des négociations sur les APE. La seule analyse technique ne suffit pas à définir des positions de négociation. Le gouvernement malien aura à prendre en considération des équilibre interne entre secteurs plus ou moins mis en situation de fragilité avec la conclusion d'un APE, des équilibres entre groupes sociaux - producteurs vs. commerçants - et des enjeux nationaux avant d'adopter des positions qui d'ailleurs pourraient évoluer au gré du changement de contexte régional. Nous voudrions en conclusion seulement mettre en exergue quelques points importants de notre étude et qui doivent éclairer les décisions des autorités maliennes dans leur processus de négociation. 1 L'analyse de l'impact se fait certes au niveau d'un pays, mais il faut avoir à l'esprit que l'APE met en jeu les relations entre des pays qui ont eux-mêmes noué des liens commerciaux avec le Mali. Les conséquences de la conclusion d'un APE sont donc fonction du choix qu'auront effectué les autres partenaires du Mali, que ce dernier conclut ou non un APE. Par exemple, si la CEDEAO signe l'APE, les importations totales augmenteront entre 10% et 21%, celles en provenance de l'UE de 32% à 59%. Si seule l'UEMOA signe, les augmentations seront respectivement de 10 à 19% et 32 à 59% et si la CEDEAO en entier renonce à un APE mais que l'intégration régionale s'achève, les importations totales augmenteront de 2%, celles en provenance de la CEDEAO d'environ 85%. Pour illustrer ce propos, on peut penser à une filière comme la viande bovine. Dans l'hypothèse où les pays côtiers concluraient un APE et indépendamment du choix du Mali, l'importation de viande européenne à moindre coût sur le marché africain limiterait les débouchés pour le bétail malien. Les simulations réalisées indiquent une perte de part de marché de plus de 30000 têtes. Pour l'aviculture moderne, le débouché à l'exportation pourrait se tarir presqu'entièrement avec une perte de marché d'environ 35%. Dans tous les cas, le Mali ne peut pas se désintéresser du choix de ses partenaires économiques puisqu'ils auront des conséquences inéluctables sur son économie. Puisque les accords se concluent presqu'exclusivement au niveau d'un groupe de pays, le Mali doit faire sa voix au sein des instances de la CEDEAO et de l'UEMOA, quelque soit son choix final. 2 L'impact peut difficilement être raisonné globalement. Une analyse branche par branche s'impose en fonction du mode d'insertion des entreprises concernées dans le commerce international. Il est assez évident que les activités fortement consommatrices d'intrants importés d'Europe gagneront à bénéficier d'un accès libre de droit de douanes à leurs moyens de productions et consommations intermédiaires. L'analyse réalisée atteste d' une grande fragilité de l'industrie malienne. Par exemple seuls les deux tiers des entreprises étudiées se sont révélées rentables au cours de deux exercices successifs. Si l'on tient compte du coût d'opportunité internationale de l'utilisation des facteurs de production, on peut avoir une image de la compétitivité des entreprises. Il ressort que près des deux tiers des entreprises de l'échantillon ne sont pas compétitives et rentables à la fois. Suite à l'APE, sur 34 entreprises étudiées, 15 verront leur compétitivité s'améliorer, 11 se détériorer et 8 ne verront aucune modification de leur situation. Parmi les entreprises gagnantes, on retrouve les entreprises d'articles de matière plastique et de métallurgie. Pour les entreprises de chimie et agro-alimentaires, le bilan est mitigé avec autant de gagnants que de perdants. Dans le secteur agro-alimentaire les enjeux sont divers. Outre la question de la viande bovine déjà évoquée, on doit mentionner les cas du sucre et du lait. Pour le premier, la production nationale est encore mineure par rapport à la demande - ce qui est assez pertinent compte tenu de la relativement faible rentabilité et compétitivité de la production sucrière nationale - et une baisse du tarif n'aura qu'un impact réduit à l'échelle macro-économique. Mais compte tenu des choix d'investissement dans le secteur, la rentabilité ne pourra être atteinte qu'avec une politique de protection minimale. Pour le lait, la production nationale est au contraire importante et l'analyse économique incite à son accroissement compte tenu de la forte valorisation des ressources nationales qu'elle génère. Il serait illogique d'accentuer l'accès des produits européens subventionnés. Mais il faut reconnaître que la situation est autre pour des produits qui représentent peu d'enjeux comme les fruits et légumes ou les huiles pour lesquels peu d'investissements nationaux ont été réalisés. On suggère que soient négociées des exemptions à la baisse des tarifs pour les filières agricoles qui valorisent fortement les ressources nationales (et qui ne sont pas subventionnées contrairement à celles exportées par l'UE) - viande bovine, lait, aviculture - ou qui présentent un intérêt stratégique pour le pays - le sucre et le blé en tant que substitut du riz. cas des cigarettes, de la farine de blé, de la fripe dont la fiscalité de porte est de l'ordre de 20% à laquelle s'adosse une fiscalité intérieure importante : 19 lignes tarifaires totalisent à elles seules 44% de la fiscalité de porte et 46% de la fiscalité intérieure. Il serait donc logique que le pays se garde la possibilité d'actionner ce « levier fiscal » dont l'abaissement ne correspond à aucune rationalité économique. Il convient donc de négocier des dérogations à l'abattement tarifaire pour les filières industrielles de produits de consommation qui sont pourvoyeuses de fortes recettes fiscales : les produits laitiers vendus en pharmacie, le blé dur, les cigarettes, la farine de blé, les véhicules particuliers de transport, la friperie. 4 Les arguments en faveur de mesures de sauvegarde ou de compensations ne manquent pas: o Le gain - lorsqu'il existe, c'est à dire pour les entreprises qui s'approvisionnent sur le marché européen - pourrait tout aussi bien être obtenu par des mesures favorables à l'importation des intrants, au delà de ce que consent déjà le TEC et donc, sans faire rentrer en ligne de compte l'APE dont les conséquences négatives sont multiples pour les PMA. Les bénéfices pourraient aussi bien être obtenus par décision unilatérale de l'UEMOA d'abaisser encore les tarifs pour les intrants. o L'accès privilégié au marché européen n'a pas donné la preuve de son effet dynamisant sur les exportations maliennes (-14% par an depuis 1998 d'après les données de la CNUCED). Les obstacles non-tarifaires semblent plus importants que les tarifs pour pénétrer le marché de l'Union européenne. o L'argument théorique de l'augmentation de l'efficacité économique grâce à la libéralisation des échanges ne tient pas dans un contexte où les prix internationaux véhiculent des distorsions de marché au niveau des grands pays exportateurs : les prix mondiaux, e, particumier dans le secteur agricole ne reflètent pas les coûts de production et ne peuvent donc pas servir d'étalon à la mesure de la compétitivité internationale. Il faut donc admettre que la libéralisation ne garantit pas une augmentation de l'efficacité économique dans tous les secteurs. o L'impact social n'est pas négligeable puisque pour les entreprises industrielles les plus compétitives (40% de notre échantillon), on estime une perte d'emploi de 3% et pour le secteur agro-alimentaire, le transfert de valeur ajoutée se fera surtout en faveur des secteurs liés au commerce d'importation et non des agriculteurs réputés être la population la plus pauvre du pays. Dans un contexte où les partenaires au développement insistent sur la lutte contre la pauvreté, ceci ne devrait pas laisser indifférent. o L'APE présente peu d'intérêt pour le Mali sachant que pour les PMA l'accès au marché des pays développés est déjà inscrit dans les accords de l'OMC. Seule la Côte d'Ivoire au sein de l'UEMOA ne bénéficierait pas - à l'inverse des 7 autres pays PMA - de l'accès hors droit au marché de l'UE. La structure d'exportation de la Côte d'Ivoire ne l'incite toutefois peut-être pas à rechercher un accès meilleur qu'elle ne l'a déjà. La question se pose également au Nigéria et au Ghana de l'opportunité peut-être limitée de bénéficier d'un meilleur accès face au risque de se déprotéger de certaines importations européennes. Les conditions sont donc réunies pour que le Mali trouve des appuis auprès de ses partenaires de la CEDEAO pour exiger des aménagements au régime de libre-échange afin d'en limiter les aspects négatifs. 5 Il convient d'exiger une compensation pour la baisse des recettes fiscales par une aide budgétaire (non ciblée). L'estimation du manque à percevoir prévisible se fait sur la base de l'évaluation la plus certaine qui est l'évaluation en statique (en faisant l'hypothèse d'une poursuite du système actuel d'enregistrement, avec ses faiblesses) soit 18 milliards FCFA. et d'une contribution à l'adaptation du secteur productif à la concurrence européenne accrue. 6 La CEDEAO devrait pouvoir prendre des mesures en vue de compenser les pratiques déloyales résultant de subventions octroyées par les pouvoirs publics d'un pays non membre de la CEDEAO à l'image de ce que pratique la Communauté européenne dans le domaine des transports.40 On peut en l'occurrence considérer le soutien fourni par les Etats européens à certains secteurs économiques comme l'agriculture, légitimé par des raisons environnementales ou sociales, mais dans la stricte mesure où cela n'influence pas les niveaux de rentabilité des entreprises dans les pays tiers. Pour les produits de l'UE qui bénéficient de soutien et concurrencent les produits maliens, il convient donc d'exiger une compensation envers le Mali à hauteur du soutien procuré à ces produits en Europe, assis sur les volumes écoulés au Mali. Enfin, le Mali devra aussi saisir l'occasion pour que la coopération contribue à l'approfondissement et la modernisation de son système douanier autour duquel, comme nous l'avons vu, existent des gains d'efficacité de la collecte fiscale. 40 RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales dans le cadre de la fourniture de services de transport aérien par des pays non membres de la Communauté européenne |
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