La fiscalité
Sur la période 1997-2002, les recettes fiscales ont
représenté 83% des recettes totales de l'Etat et sont
constituées à 65% d'impôts indirects. La fiscalité
de porte a représenté 15% en moyenne des recettes fiscales de
l'Etat, la fiscalité sur les importation (y compris TVA et iscp), la
moitié.
On constate une baisse de toutes les sources de recettes de
l'Etat en 2002, année d'un véritable choc fiscal
consécutif au ralentissement de l'activité économique
induite par la crise ivoirienne. Les importations ont baissé de 9.6% en
valeur. La reprise des importations aux niveaux d'avant crise s'est
opérée grâce à la substitution des axes
Bamako-Conakry, Bamako- Accra et Bamako-Dakar à l'ancien corridor
ivoirien.
La signature d'un APE accompagnée d'un abattement
tarifaire entraîne une diminution des prélèvements
douaniers que peut compenser l'augmentation du volume des importations en
provenance de l'UE. Cette modification des flux d'importation dépend de
l'élasticité des échanges par rapport à la pression
fiscale.
La modification des flux d'importation sous les
différents scénarios Scénario 1 : APE avec la
CEDEAO
Sous ce scénario, l'APE est conclu entre l'UE et la
CEDEAO; par conséquent, l'abattement tarifaire s'applique sur toutes les
importations du Mali en provenance de l'UE et de l'ensemble des pays de la
CEDEAO i.e. de l'UEMOA et du reste de la CEDEAO.
La nouvelle situation d'abattement tarifaire pourra se
traduire par une augmentation des importations totales de 10% sous
l'hypothèse la plus probable d'élasticité constante de -1
dont +32% pour l'UE et de 21% si les recettes douanières devaient ne pas
baisser. Sous cette hypothèse, l'accroissement des importations en
provenance du reste de la CEDEAO devrait être de 87% contre 59% pour les
importations en provenance de l'UE.
Scénario 2 : APE avec l'UEMOA
Dans ce cas de figure, les nouveaux tarifs (officiels comme
appliqués) UE qui seront appliqués aux produits en provenance de
l'UE seront ceux déjà en vigueur dans l'UEMOA. Les modifications
de flux sous ce scénario différeront très peu de celles du
scénario précédent puisque le reste de la CEDEAO, ici non
concerné par l'APE, ne représente que 2% des importations du
pays.
Ce scénario se traduira par une augmentation des
importations en provenance de l'UE, de 59% ou de 32% selon les
hypothèses d'élasticité, soit une augmentation totale des
importations de 19% ou de 10% toujours selon les hypothèses.
Scénario 3 : pas d'APE et statu quo
Dans l'éventualité d'une non signature d'APE
par les organismes sous-régionaux d'intégration (UEMOA, CEDEAO),
il ne devrait pas se produire de modification de flux d'échanges
commerciaux. Mais, si l'arrangement TSA est remis en cause, les exportations du
Mali vers l'UE pourraient diminuer en raison des barrières tarifaires et
non tarifaires que l'UE serait amenée à ériger contre
elles. Cet impact négatif ne devrait pas être trop important
puisque les exportations des PMA sont depuis longtemps en franchise de droit de
douane et de contingent sur les marchés de l'UE.
Scénario 4 : APE avec CEDEAO sauf UEMOA
L'UEMOA pourrait redouter la signature d'un APE au motif des
pertes de recettes fiscales et considérant qu'elle
bénéficie déjà pour les PMA des mêmes
avantages, grâce à l'initiative TSA, la Côte d'Ivoire - seul
PED de la zone - se contentant du système de préférence
généralisé. Si alors le reste de la CEDEAO conclut l'APE,
les exportations européennes dans cet espace pourraient se substituer
à celles de l'UEMOA e.g. les exportations maliennes de bétail et
dérivées diminuer au bénéfice de la viande et de la
volaille d'Europe.
Scénario 5 : pas d'APE mais intégration
régionale CEDEAO
En cas de rejet de la proposition européenne d'APE de
la part des Etats d'Afrique de l'Ouest qui choisiraient plutôt d'achever
leur processus d'intégration régionale, on assisterait à
une intensification des échanges commerciaux dans cette nouvelle Union
avec probablement le Nigeria comme principal fournisseur des autres pays au
détriment de l'UE.
L'impact de cette éventualité se traduirait par
une augmentation de seulement 2% du volume total des importations du Mali pour
un accroissement de 87% des importations en provenance du reste de la CEDEAO.
Ainsi, la modification des flux commerciaux est plus importante en cas d'APE
que sous la seule intégration sous-régionale achevée.
Les effets des APE sur les recettes fiscales
liées aux importations
En 2003, l'UE a représenté 23% des recettes
fiscales sur les importations du Mali, soit un peu moins du poids de la zone
dans les importations totales (32.5%). Par contre, au seul regard de la
fiscalité de porte (droits liquidés moins la fiscalité
intérieure), les importations depuis l'UE fournissent 32.5% du total.
Ainsi, sur les 182 milliards de francs cfa de droits et taxes en 2003, l'UE a
représenté 42 milliards et sur les 52 milliards de francs cfa de
droits de porte, elle a représenté 17 milliards.
Quelques produits apparaissent comme stratégiques
compte tenu de leur apport en terme de fiscalité de porte et de TVA
qu'ils subissent. C'est le cas des cigarettes (resp. 22% et 42%), de la farine
de blé (resp.22% et 18%), du sucre en poudre ou granulée
(resp.20% et 16%) des véhicules, d'articles de friperie (resp.22% et
18%).
Effet statique global sur les recettes fiscales
En statique, la variation de recettes est simplement
égale à la différence entre les recettes attendues sous
l'APE et les droits liquidés ou recettes obtenues si les volumes
échangés ne changeaient pas. Ainsi, sur les données de
2003, la perte de recettes aurait été de 27 milliards sous le
scénario 1, de 25 milliards sous le scénario 2 et de 2 milliards
sous le scénario 5. Ces variations de recettes sont calculées non
pas par rapport aux recettes perçues mais par rapport aux recettes qui
auraient été perçues par simple application des tarifs
officiels.
Quel que soit le scénario, les plus fortes pertes sont
occasionnées par les produits de la catégorie 3, celle des
produits finis.
Il faut toutefois relativiser ces pertes vu la non
application stricte des tarifs officiels. Ainsi, toujours en 2003, les droits
liquidés ont été non pas de 209 milliards mais de 182
milliards de francs cfa, soit un différentiel de 27 milliards
représentant 13% des droits dus. Tandis que les produits de la
catégorie 2 sont plus strictement taxés (98% de taux
d'application et une fiscalisation intérieure appliquée à
92%), les produits de la catégorie 3 ne sont taxés qu'à
76% des tarifs affichés, soit un manque à gagner de 24%. Ces
manques à gagner sont liés à des exonérations et
autres exemptions.
On doit considérer que le même système
d'exonération et d'exemption se maintiendra. Les pertes de recettes
seraient alors de 10% sous le scénario 1, soit une perte de près
de 18 milliards de francs cfa par rapport à la situation d'avant APE, 16
milliards dans le scénario 2 et 1,5 dans le scénario 5. Compte
tenu que l'ensemble des droits perçus en 2003 sur les importations
agro-alimentaires en provenance de l'Union européenne est de 6,8
milliards Fcfa, on estime le manque à gagner lié à
l'application de l'APE sur ces produits à un peu plus de 3 milliards
FCFA de recettes.
Par rapport à la pratique actuelle, les pertes de
recettes seraient moindres si l'APE s'accompagnait d'une application
mécanique des tarifs officiels. Corrigées de ces taux
d'application, les pertes de recettes sous l'APE se chiffreraient à
environ un milliard Fcfa. Mais cette hypothèse est théorique et
néglige la rationalité politique ou économique des
exemptions et exonérations.
Effet dynamique
De telles pertes pourraient davantage s'amenuiser si le
libre-échange s'accompagne d'un accroissement du volume des
importations.
Il peut être attendu que si l'application de nouveaux
tarifs sous l'APE conduit à une diminution des droits de douane, les
consommateurs vont réagir aux prix bas par un accroissement de leurs
achats, les producteurs réagiront pour vendre moins et les importations
seront en conséquence majorées.
L'estimation des effets dynamiques se fait par la prise en
compte des élasticités des importations par rapport à la
pression fiscale. On peut dire globalement que l'effet de la baisse du tarif
sur les recettes de porte résulte de deux mouvements contraires :
l'effet net est tiré vers le haut par l'accroissement des importations
suite aux tarifs plus bas et vers le bas par des niveaux plus bas de tarifs. A
ces deux effets, il faut ajouter la diminution attendue de la fraude, des
exonérations, entraînant une amélioration de la collecte de
recettes.
On raisonne à augmentation des volumes importés
en proportion de la diminution des tarifs.
Par rapport au tarif officiel, les pertes de recettes passent
de 27 milliards de francs cfa sous le scénario 1 à moins de 13
milliards sous le même scénario.
Si l'on tient compte des taux d'application effectifs des
tarifs, les pertes de recettes fiscales se situeraient à moins de 9
milliards de francs cfa contre 18 milliards s'il n'y avait pas d'effet
dynamique ce qui représente 5% de perte par rapport à la
situation actuelle.