Résumé
Les enjeux des Accords de Partenariat Economique (APE)
pour l'Afrique de l'ouest et le Mali
Le principe de l'APE en Afrique de l'ouest
L'accord de Cotonou englobe un ensemble de dispositions qui
régiront les relations entre l'UE et les ACP. Nous nous concentrons dans
cette étude sur son volet commercial.
Les APE doivent être signés entre l'UE et des
entités régionales. Pour l'Afrique de l'ouest, c'est la CEDEAO
qui est choisie. La feuille de route des négociations de l'APE
adoptée en mars 2004 lors de la réunion technique CE-CEDEAO est
claire : il s'agit - à travers l'APE - de créer progressivement,
conformément aux règles de l'OMC, d'une zone de libre
échange entre la CEDEAO et la Communauté européenne
pendant une période de douze ans à compter du 1er
janvier 2008 1.
Mais, comme il existe encore différents régimes
douaniers au sein de la zone CEDEAO, la création d'une ZLE avec l'UE
implique une modification du tarif douanier d'ampleur différente. Une
mise à niveau préalable a donc été prévue.
Il s'agit pour les Etats non- membres de l'UEMOA d'« élaborer un
programme régional d'adoption du TEC en indiquant les mesures
transitoires, les mesures d'exception et celles d'accompagnement ». Les
négociations commerciales en vue de la conclusion d'un APE portent alors
aussi bien sur la suppression des entraves au libre-échange que sur la
période transitoire de désarmement tarifaire et sur la gamme des
produits couverts par ledit Accord.
Les enjeux commerciaux en Afrique de l'ouest et au
Mali
Les pays de la CEDEAO exportent déjà vers l'UE,
mais principalement des produits complémentaires de ceux d'Europe, en
particulier des produits tropicaux. Grâce aux accords établis avec
les pays ACP et à l'initiative « Tout sauf les armes » en ce
qui concerne les PMA, ils bénéficiaient jusqu'à
présent d'une légère préférence tarifaire
vis à vis des produits originaires de pays concurrents d'Amérique
Latine et d'Asie. Mais la présence d'obstacles non tarifaires est
souvent considérée par les opérateurs comme la contrainte
majeure à la pénétration du marché
européen.
C'est donc au niveau des importations en provenance de l'UE que
se trouve l'enjeu principal pour les pays ACP et donc la CEDEAO. Le risque
d'écoulement unilatéral, sur les marchés africains, de
produits européens issus des stocks d'intervention de la
Communauté
1 Feuille de route, p 1
européenne à l'aide de subventions à
l'exportation (les fameuses restitutions) a souvent été
souligné, sur la base des expériences passées. Ce fut le
cas pour les céréales, la viande et les produits laitiers.
Des intérêts nationaux pas toujours
convergents
Actuellement les disparités tarifaires avec le TEC
UEMOA et la diversité des situations sont très grandes. Certains
pays comme le Nigeria gardent des tarifs très élevés,
d'autres comme la Gambie et le Cap Vert ont des régimes très
libéraux. Le Ghana a une structure tarifaire proche de celle de l'UEMOA
mais avec une classification très différente et de nombreuses
exemptions. L'établissement d'un APE représentera donc pour les
différents pays de la CEDEAO un saut plus ou moins important vers le
désarmement tarifaire.
Au niveau de la région, des problèmes
spécifiques peuvent se poser à certains pays et pas à
d'autres. A titre d'exemple, le coton est un enjeu essentiel pour plusieurs
pays sahéliens dont le Mali sans pour autant constituer un
intérêt majeur pour toute la CEDEAO. De même, les
importations de viande à bas prix de l'UE par certains pays
côtiers peuvent compromettre les intérêts des pays
d'élevage. Autant de difficulté d'identifier des terrains
d'entente sur les produits devant faire l'objet de mesures de sauvegarde.
Une appréciation doit donc être portée sur
les forces et faiblesses d'une adhésion à un APE pour chaque pays
au sein des entités sous-régionales. On considère que
c'est cette appréciation permettant de réaliser cette balance
entre avantage d'un accès plus favorable au marché
européen et désavantage d'une compétition accrue sur son
marché intérieur qui décidera chaque pays de la
région à accepter ou non de rentrer dans un APE.
5 hypothèses pour simuler l'impact des
APE
On considère donc raisonnable d'envisager que la
position des différents pays de la région vis à vis de la
signature d'un APE puisse évoluer. On convient alors que selon la
configuration de l'entité régionale qui signera un APE, les
conséquences pour les différents pays membres de cette
entité seront différentes. A chaque configuration pourraient donc
correspondre des hypothèses différentes d'évolution du
commerce extérieur.. L'impact des APE sur le Mali dépendra donc
des hypothèses faites sur les groupements régionaux qui signeront
l'accord avec l'UE - CEDEAO ou UEMOA ou CEDEAO sauf l'UEMOA - et des
hypothèses de modification des flux commerciaux qui en
résultent.
On envisage 5 scénarios dont on évaluera
l'impact en terme de modification des flux commerciaux pour le Mali:
Scénario 1 l'APE est conclu avec la CEDEAO
Scénario 2 l'APE est conclu avec l'UEMOA
Scénario 3 aucun APE n'est conclu en Afrique de l'Ouest
Scénario 4 l'APE est signé avec le reste de la
CEDEAO sans l'UEMOA
Scénario 5 pas d'APE mais l'intégration
régionale est achevée.
L'agenda établi pour la CEDEAO : la feuille de
route
La feuille de route établit le calendrier de discussion et
de mise en oeuvre de l'APE:
· de mars 2004 à juin 2005, définition des
priorités d'intégration économique et commerciale de la
région, formulation et mise en oeuvre du programme d'amélioration
de la compétitivité et de mise à niveau des entreprises
· de juillet 2005 à juillet 2006, élaboration
de l'architecture globale de l'APE et du projet d'accord
· de septembre 2006 à fin 2007, tenue des
négociations sur l'accès au marché. Ces
négociations se fondent sur les résultats des études
menées de décembre 2003 à décembre 2004 et en
2004-2005 pour ce qui est des secteurs sensibles et des entreprises en
difficulté. Parallèlement, des programmes de mise à niveau
pour chaque pays dans le domaine de l'environnement des affaires, des
infrastructures et des services marchands seront formulés en 2004-2005
et mis en oeuvre jusqu'en 2020.
Les échanges commerciaux du Mali et la place
qu'y occupe l'UE
Le commerce extérieur malien
En 2003, la valeur totale des importations du Mali
s'élevait à plus d'un milliard d'Euros. Le commerce
extérieur au Mali représente environ 50% du PIB. Au cours de la
période post- dévaluation, le commerce extérieur du Mali a
progressé, au taux moyen annuel de 14.2% pour les exportations et de
5.3% pour les importations, soit une amélioration moyenne du
déficit commercial de 20.2% par an.
Toutefois, la période post-dévaluation se
caractérise par une relative détérioration des termes de
l'échange de 0.7% par an en moyenne. Cette détérioration
s'explique par la structure commerciale du Mali qui rend le pays
vulnérable à la baisse tendancielle des cours des matières
premières exportées et au renchérissement des prix de ses
principaux produits d'importation.
Dans sa structure, le commerce extérieur du Mali est
dominé par trois grands groupes de produits - le coton fibre, l'or et
les animaux vivants - qui totalisent plus de 90% de la valeur totale des
exportations du pays . La diversité est plus grande à
l'importation.
La politique commerciale du Mali
La libéralisation de l'économie est
consacrée depuis l'adoption des premières politiques d'ajustement
du début des années 80.
L'application du TEC fait suite à l'adoption par le
Mali du code communautaire des douanes. A ce titre, les produits des pays de
l'UEMOA circulent librement (sous certificat d'origine) et les produits de pays
tiers sont soumis aux mêmes taux de TEC.
La rationalisation des procédures douanières a
consisté en la simplification des formalités administratives de
commerce réduites à la levée d'intention d'importer ou
d'exporter auprès de la Direction nationale du commerce et de la
concurrence (DNCC) et d'un certificat d'origine auprès de la Chambre de
commerce et d'industrie du Mali (CCIM) ainsi que la
suppression de la TCI sur la farine de blé au profit
de l'instauration d'une valeur de référence sur ce produit.
En dépit de ces efforts, il subsiste toutefois - aux
dires des opérateurs - des entraves à la libéralisation
complète des échanges, aux plans tarifaire et administratif,
notamment le certificat d'intention d'importer, (même s'il a l'avantage
de permettre un recensement statistique des opérations de commerce) la
patente d'exportateur, l'obligation de rapatrier dans les 180 jours les
recettes d'exportation convertis en francs cfa dans une banque de la place
(pour tout montant supérieur à un million de Fcfa), la lenteur
dans le remboursement de la TVA payée sur les intrants utilisés
dans la production de biens exportés.
La place de l'UE dans les échanges du
Mali
L'Europe représente une part importante des
exportations du Mali (45% en moyenne par an sur la période 1995-00 -
dont 22% pour l'Union européenne), suivie de l'Asie (25%), de l'Afrique
(20% - dont 17% pour l'UEMOA) et de l'Amérique (11%).
En 2003, l'UEMOA était le principal fournisseur du
Mali, à part quasiment égale avec l'UE puis le reste du monde.
Les pays de la CEDEAO qui ne font pas partie de l'UEMOA participent pour
seulement 2% dans les importations du Mali.
En revanche, le Mali ne représente que 0,02% du
commerce de l'UE avec les pays tiers. Cette part très faible permet de
relativiser le risque pris par l'UE pour se protéger des importations de
pays ACP (sucre, bananes, viande notamment).
Le Mali n'est que le 10ème partenaire de
l'UE au sein de la CEDEAO. Il ne représente que 2% des échanges
de la CEDEAO avec l'UE : 3% des importations en provenance de l'UE et 0,6% des
exportations à destination de l'UE, ceci sachant que la CEDEAO
elle-même ne représente que 1,1% des importations de l'UE en
provenance de pays tiers et 1,3% des exportations de l'UE vers
l'extérieur.
Le Mali est donc un partenaire mineur de l'Union
Européenne par rapport à ses voisins de la CEDEAO qui ne font pas
partie de l'UEMOA : Mauritanie, Guinée, Ghana et Nigéria sont de
plus importants partenaires de l'UE. Le Nigéria et le Ghana en
particulier avec des balances commerciales relativement
équilibrées pour des flux de respectivement 5 et 1 milliards
d'euros sont des portes d'entrée potentiellement importantes pour des
produits européens en direction du reste de la CEDEAO.
La structure des importations du Mali depuis
l'UE
Si les biens de consommation finale représentent
près de la moitié des importations du Mali en provenance de l'UE,
les biens de production (machines etc.) en représentent plus du quart ce
qui indique le créneau stratégique pris par l'UE dans la
structure productive malienne.
Les importations de produits agricoles et agroalimentaires
occupent 17% du volume total. Il s'agit surtout de produits transformés
à base de céréales (biscuiteries, pâtes, etc.) et de
produits laitiers. Les matières brutes (céréales et
sucres) représentent moins de 2,5% du total.
Les catégories 1, 2 et 3 de l'UEMOA sont
représentées à part à peu près égales
dans les importations du Mali, autour de 30%. Il convient d'abord de
rappeler qu'en 2003, l'UE est de
loin le principal fournisseur des produits de la
catégorie 0 composée des médicaments, équipement
médical, journaux et livres. Elle représente également
plus du tiers des importations de biens de catégorie 1 constituée
de biens d'équipements et de matières premières.
Les exportations du Mali vers l'UE
Le coton représente à lui seul environ les deux
tiers des exportations du Mali vers l'UE. Les cuirs et peaux
représentaient également une valeur significative mais ce
deuxième poste d'exportation ne dépasse pas 11% de la valeur
totale. L'or n'est que peu vendu vers l'Europe.
On peut dire que près de 80% des exportations du Mali
sont constitués de biens intermédiaires pour l'industrie
européenne. Les produits de consommation finale ne représentent
que 14% dont la moitié sous forme de réexportation. Il est
attendu que la signature d'un APE s'accompagne d'un accroissement des
exportations sur le marché européen avec une meilleure
exploitation des filières porteuses, notamment par une politique
d'incitation à l'investissement privé, national et
étranger. Malheureusement, cette promotion des exportations pourrait
être contrariée par la persistance des barrières non
tarifaires érigées par l'UE contre les produits ACP. Cette
question devra être approfondie.
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