Au niveau de la région, des problèmes
spécifiques peuvent se poser à certains pays et pas à
d'autres. A titre d'exemple, le coton est un enjeu essentiel pour plusieurs
pays sahéliens dont le Mali sans pour autant constituer un
intérêt majeur pour toute la CEDEAO. De même, les
importations de viande à bas prix de l'UE par certains pays
côtiers peuvent compromettre les intérêts des pays
d'élevage. Autant de difficulté d'identifier des terrains
d'entente sur les produits devant faire l'objet de mesures de sauvegarde.
Une appréciation doit donc être portée
sur les forces et faiblesses d'une adhésion à un APE pour chaque
pays au sein des entités sous-régionales. On considère que
c'est cette appréciation permettant de réaliser cette balance
entre avantage d'un accès plus favorable au marché
européen et désavantage d'une compétition accrue sur son
marché intérieur qui décidera chaque pays de la
région à accepter ou non de rentrer dans un APE.
On peut s'attendre à ce que la mise en oeuvre
d'accords de libre-échange conduise aussi à une reconfiguration
du commerce intra-régional.
Ainsi, dans la zone UEMOA, les produits agricoles
représentent une très large part des échanges avec l'UE,
alors que cette part est nettement moindre pour le Ghana et très
minoritaire pour le Nigeria. Il en va de même du solde des
échanges : très déficitaire au niveau de l'ensemble UEMOA
et au niveau de l'ensemble des pays du CILSS, légèrement
excédentaire au niveau du Ghana et globalement équilibré
pour le Nigeria. Au sein même de l'UEMOA, le solde commercial de la
Côte d'Ivoire est très excédentaire, celui du Niger est
équilibré, alors que les autres pays ont un solde très
déficitaire.
u Si par exemple, le Nigéria renonce à
participer à un APE au sein de la CEDEAO, on peut penser que l'UEMOA
reprendra l'initiative d'un APE et que les règles du tarif
extérieur commun en vigueur n'auront été qu'une
anticipation de l'unification plus poussée du marché
ouest-africain : le libre échange avec l'UE sera propice à
l'accroissement des importations mais sans qu'un pays puisse en profiter pour
servir de plateforme de transit vers ses voisins : les flux changeront
peut-être en intensité mais aucun pays n'en tirera d'avantage
unilatéral.
u Si l'APE sert à instaurer rapidement une zone de
libre-échange nouvelle, on ne manquera pas d'observer des modifications
importantes de flux : des pays-frontières orientés sur le
commerce transfrontalier (Bénin avec le Nigéria ou Gambie avec le
Sénégal) verraient leur position remise en cause. En particulier,
le Nigéria qui constitue un pôle d'attraction économique
pour tous les pays d'Afrique de l'ouest - y compris le Mali - à travers
du commerce informel ou incontrôlable, n'aurait plus un
intérêt aussi marqué à recourir à cette forme
d'importation. Il pourrait en résulter un manque à gagner pour
les pays les plus proches, mais au contraire un gain de part de marché
pour les producteurs des autres pays de la zone (au détriment des
producteurs nigérian par exemple).
u Si l'union douanière ouest-africaine se
réalise, en plus du cas de figure précedent, il faut
considérer que le Nigéria constituera une porte d'entrée
supplémentaire pour des produits venant de l'UE mais aussi d'autres pays
que l'UE. Parallèlement, le Nigéria serait susceptible de capter
une partie des flux d'importation régionaux en provenance de l'UE en
faisant valoir le marché de consommation important qu'il
représente pour des entreprises européennes. Ceci pourrait
influer sur les importations de l'UEMOA à partir de l'UE.
Ces modifications des flux sont encore peut-être plus
importantes en ce qui concerne les exportations. Certains pays risquent en
effet de gagner des parts de marché au bénéfice d'un
accès plus favorable que celui octroyé par le système de
préférence généralisé. Ceci concerne les PED
au sein d'un groupe régional qui accèderait à un APE.
Précisément cela concerne la Côte d'Ivoire et le
Nigéria. Dans ce cas, ce gain d'avantage à l'exportation vers
l'UE pourrait se faire au détriment des PMA.
seront différentes. A chaque configuration pourraient
donc correspondre des hypothèses différentes d'évolution
du commerce extérieur.
Se pose également la question de la gestion des
espaces frontières à la zone d'intégration choisie. La
négociation conduite dans le cadre de l'Afrique de l'Ouest devra
s'articuler avec la négociation conduite entre l'UE et l'Afrique
centrale, de manière à éviter les disparités trop
grandes en matière de régime commercial, susceptibles de nourrir
des flux commerciaux informels.
On considère que c'est cette analyse que chaque pays
de la région sera amenée à faire qui le conduira à
accepter ou non de rentrer dans un APE. Nous ne faisons ici que fixer les
données du problème, sachant qu'il nous est impossible ici
d'apporter une réponse circonstanciée pour chacun des pays de la
zone CEDEAO qui aura à réaliser cette balance entre avantage d'un
accès plus favorable au marché européen et
désavantage - tout au moins à court terme - d'une
compétition accrue sur son marché intérieur.