La question de l'accès au marché européen
doit être considérée sous différents angles, d'une
part en terme de droit d'accéder et d'autre part d'opportunité
économique.
- Le droit d'accès
Avec la signature d'un APE, le droit d'accès risque de
peu évoluer dans la mesure où 100% des produits industriels et
80% des produits agricoles, soit en réalité 92% des produits des
pays ACP entrent en franchise de droit sur le marché européen.
Compte tenu des protocoles bananes, sucre et viande bovine, en
réalité, seulement 1% des exportations agricoles est soumis
à une protection tarifaire. Aucune obligation ne portait sur les taux de
douanes pratiqués par les pays ACP vis à vis des produits
européens. En définitive, les pays ACP
bénéficiaient d'un accès privilégié à
l'UE en comparaison des autres pays en développement.
Ceci conférait aux pays ACP un avantage relatif sur
les autres PED ne bénéficiant que d'un schéma SPG
(systèmes de préférence généralisé)
européen accepté par l'OMC dans le cadre de la clause
d'habilitation. On considère que l'avantage tiré de ce
système était une augmentation de marge commerciale de
près de 10% pour les produits concernés (10,8% pour la zone UEMOA
et 3,9% pour le Nigéria).
Ces préférences étaient les plus
marquées pour des produits concurrençant les
produits
européens, en particulier ceux faisant l'objet d'un
protocole particulier : bananes, viande
12 Etude du Cerdi, 1998
bovine, sucre. Certains en profitaient notablement plus en
raison de leur orientation productive : c'est le cas de la Côte d'Ivoire
en Afrique de l'ouest grâce au protocole banane et dans une moindre
mesure le sucre.
L'accord de Cotonou doit poursuivre cette logique d'ouverture
aux produits des pays ACP en l'approfondissant, mais elle s'inscrit dans une
tendance à la généralisation de cet accès à
l'ensemble des pays en développement dans un contexte de
libéralisation croissante des échanges et de conclusions
d'accords commerciaux avec les pays du Maghreb, l'Afrique du Sud, le Mercosur
etc.
Ce qui se dessine donc avec l'accord de Cotonou en terme
d'accès n'est pas tant une plus grande ouverture pour les pays de la
CEDEAO qu'un effritement du différentiel d'avantage concernant
l'accès dont ils bénéficiaient vis à vis des PED
non signataires des accords de Lomé. L'accès
préférentiel s'érode progressivement.
- L'opportunité du marché européen : un
intérêt qui s'effrite
Mais le droit d'accès est peu en regard de l'avantage
procuré par la possibilité de vendre ses produits aux conditions
du marché européen. Du fait de son système de
préférence communautaire, la Politique agricole commune (de l'UE)
permet aux prix intérieurs d'être supérieurs aux cours
mondiaux dans des proportions qui peuvent être considérables, par
exemple trois fois plus pour le sucre.
Or sous la pression budgétaire et des engagements
à l'OMC, les systèmes de soutien à l'agriculture
européenne ont évolué considérablement, passant
d'un système de subvention par les prix aux aides directes aux
producteurs. Les prix des produits agricoles ont donc chuté et cette
tendance se poursuit avec pour objectif de se rapprocher des cours mondiaux. Il
en résultera mécaniquement un effritement des facilités
d'accès au marché européen pour les pays ACP.