Le Règlement des conflits entre actionnaires dans les sociétés anonymes de l'espace OHADA : analyse et perspectives( Télécharger le fichier original )par Julien Hounkpe Université d'Abomey Calavi (Bénin) - DESS Droit des Affaires et Fiscalité 2006 |
B- Les différences du retrait avec le mécanisme d'exclusionL'esprit de l'action en retrait est, en réalité totalement différent de celui qui préside à l'action en exclusion : alors qu'il s'agit en matière d'exclusion, d'évincer un actionnaire dont le maintien de la présence peut paraître préjudiciable pour la continuité de l'entreprise, le demandeur à l'action en retrait entend, pour sa part, se désintéresser totalement et définitivement du sort de cette entreprise. Dans le premier cas, le législateur a entendu protéger les intérêts de la société alors que, dans le second, c'est la protection des intérêts de l'actionnaire sortant qui est poursuivie. Cette différence de ratio legis, qui n'est pas sans effet sur l'appréciation des justes motifs qui doivent exister pour fonder la demande, en entraîne d'autres sur le plan du régime mis en place. Il ressort de ce qui précède, que la preuve de l'existence de « justes motifs » présente, par rapport à la procédure d'exclusion, deux particularités fondamentales: - contrairement aux « justes motifs » de l'article 641 C. Soc. qui vise avant tout la recherche de l'intérêt de la société, c'est l'intérêt personnel de l'actionnaire demandeur qui est ici à l'avant-plan dans le cadre de la procédure de retrait. - la reprise ne peut être exercée que contre l'actionnaire qui est à l'origine des « justes motifs ». Il faudra donc établir un lien de causalité entre le juste motif invoqué et le comportement de l'actionnaire contre lequel la demande est dirigée. La notion de « justes motifs » comme condition de fonction est donc plus restreinte qu'en matière d'exclusion ou de dissolution judiciaire puisque toute possibilité d'obtenir gain de cause sur cette base sera exclue si la situation qui justifie la demande ne peut être imputée à un ou plusieurs actionnaires en particulier. Lorsqu'ils sont plusieurs, quid de la proportion dans laquelle les actionnaires à l'origine des justes motifs devront racheter les actions du retrayant ? En matière d'exclusion, la loi prévoit que la reprise s'effectue au prorata du nombre d'actions détenues par chacun, à moins qu'il en ait été convenu autrement. Cette précision n'est pas portée par l'article 643, alinéa 3, traitant de la reprise des titres en matière de retrait. Doctrine et jurisprudence considèrent toutefois que cette règle de reprise proportionnelle s'applique mutadis mutandis à la procédure de retrait : les actionnaires responsables des justes motifs reconnus par le juge seront tenus de reprendre les actions en proportion de leur participation dans la société102(*). Entre actionnaires comme dans un couple, lorsqu'on ne s'entend plus, il est préférable de rechercher une séparation élégante à l'amiable. Mais lorsque c'est impossible, soit parce que les positions de chacun sont trop éloignées, soit parce que la rationalité est absente, l'exclusion et le retrait sont des procédures judiciaires rapides et efficaces pour en sortir. Les procédures d'exclusion et de retrait ne sont pas élisives d'autres modes, statutaires ou conventionnels, de résolution des conflits. La pratique en a révélé deux : la médiation et la conciliation. * 102 E. Pottier et M. de Roeck, op. cit., p .583. |
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