Partie I Le film fétiche de salon : le
parangon Dirty Dancing
Chapitre I Analyse de l'objet
Dirty dancing est sorti en 1987 au cinéma,
aussi, peu nombreuses sont les jeunes filles entre 20 et 35 ans aujourd'hui
à l'avoir vu sur grand écran. Néanmoins, il n'a eu de
cesse d'être partagé et débattu par cette
génération de jeunes femmes. En étudiant la
réception de ce film étatsunien, il ne s'agit pas
d'étudier uniquement un objet cinématographique mais
également, par la force des choses, par la force de sa diffusion, un
objet télévisuel.
Ainsi, nous avancerons que Dirty dancing est un film
avant tout domestique. Cette première caractéristique nous permet
de joindre les termes « de salon » avec ceux de « film
fétiche ». Par film fétiche, nous entendons parler de films
ayant fait l'objet d'une réception bien spécifique d'un public
étudié bien spécifique dans la réception à
la fois participative, active, qui fait l'objet d'une analyse sauvage
de la part de ce public rencontré. En effet, les personnes
interrogées se livrent à une analyse subjective de leurs propres
pratiques, et de facto, de leur propre personne.
Le film fétiche de salon est alors le film domestique
par excellence, celui que notre public féminin regardera, seul ou en
groupe, mais toujours dans un espace domestique. Domestique à
la fois de manière physique, dans un lieu que l'on reconnaît, ou
que l'on habite, mais domestique aussi dans le sens ou symboliquement, il
s'agit de domestiquer un dispositif, un support et de se les approprier.
A- Présentation de l'objet
Réalisé par Emilio Ardolino, Dirty
Dancing est une comédie romantique12 américaine,
sortie en France le 23 décembre 1987, c'est à dire quatre
mois13 après sa sortie américaine14.
Le film raconte l'histoire de Frances
(Frédérique en Version Française) «
Bébé » Houseman, jeune fille de 17 ans, qui part en vacances
avec ses parents dans une pension familiale. Elle rencontre alors Johnny Castel
et sa bande de danseurs, issus d'un milieu social inférieur. Ces
derniers ne vivent que pour la danse. Alors qu'elle doit remplacer la
partenaire habituelle de Johnny, elle fait «
l'apprentissage de l'amour »,
parallèlement à celui de la danse, contre l'avis paternel. Jeune
et rêveuse, elle va découvrir petit à petit les
aléas de l'existence sur fond de quête personnelle.
En France, Dirty Dancing sort sur les écrans
français en même temps que Les Innocents15
d'André Téchiné, et Les Dents de la Mer 4 : la
revanche16. A l'époque, le public connaît
déjà La Boum17 et
Flashdance18. Dirty Dancing est un petit (film,
réalisé avec un) budget de 6 000 000 de dollars. Le film
connaît cependant un succès phénoménal comme le
souligne il y a peu Joël Augros : « L'important succès de
Dirty Dancing (Dirty Dancing, Emile Ardolino) en 1987 (63 millions de dollars
de recettes en salle aux Etats-Unis) conduit la compagnie indépendante
Vestron à doubler le nombre
12 « comédie romantique » est la
catégorisation la plus souvent utilisée, on parle aussi de «
comédie sentimentale » et de « teen-movie ».
13 En effet, le film est sorti le 21 Août
1987.
14 Dirty Dancing ( titre original : Dirty
Dancing) d' E. Ardolino, ( Etats- Unis, 1987) Produit par Linda Gottlieb
et distribué par Artisan Entertainment. Le film est sorti le 21
Août 1987 aux Etats-Unis.
15 Les Innocents, d'André
Téchiné, Drame (France), 1h35, 1987, avec Sandrine Bonnaire,
Simon de La Brosse et Abdellatif Kechiche.
16 Les Dents de la Mer 4 : La Revanche (titre
original Jaws : the revenge) , de Joseph Sargent, Aventure (USA),
1h29, 1987, avec Lorraine Gary, Lance Guest et Mario Van Peebles.
17 La Boum, 1et 2 sont deux films
réalisés par Claude Pinoteau , avec Sophie Marceau, Brigitte
Fossey, Claude Brasseur et Pierre Cosso. Réalisés en 1980, 1982.
Ces deux films racontent l'apprentissage de la vie de Vic, au début et
pendant son adolescence. Elle découvre l'amour, la vie, les conflits, et
la musique classique grâce à Denise Grey, qui joue une grand
mère dynamique et moderne.
18 Flashdance, film musical
d'Adrian Lynes, réalisé en 1983 (USA), avec Jennifer Beals et
Michael Nouri. Jeune adulte, Alex travaille comme soudeur le jour et danse dans
un cabaret la nuit. Mais guidée par sa passion pour la danse, elle va
tout faire pour entrer dans une prestigieuse école. Le film raconte
l'effort de l'héroïne pour concilier rêve et
réalité, ainsi que le travail, condition nécessaire
à la réalisation de ses rêves.
de films produits... »19 En effet,
Dirty Dancing est alors un film indépendant, le
réalisateur et les comédiens ne sont pas des grosses têtes
d'affiche. Toutes les critiques ne sont pas élogieuses à l'instar
de celle de Télérama :
« 1963. le docteur Houseman, sa femme et leurs deux
filles passent les vacances d'été dans un camp de loisirs...Le
film fut un triomphe mondial. En dépit d'une succession ahurissante de
clichés sur les sixties, la drogue, les jeunes et le sexe. Avec
dénouement sirupeux, proclamant, évidemment, la victoire de
l'Amour, de la gentillesse et de la morale. Musique insipides et
chorégraphies filmées sans imagination. G. C » 20
Pourtant, vingt ans après, on parle de film
culte. Dirty Dancing fait partie de ces
références culturelles populaires et féminines
récurrentes. Nous pouvons noter des références à ce
film dans des lieux de paroles parfois inattendus, bien souvent sur le ton de
l'anecdote. On peut citer , une scène de shopping dans Sex and the
City 21(saison 6, épisode 19).
« Anthony: «On ne laisse pas Bébé
dans un coin!!»
Charlotte: Quoi ?
Anthony: Dirty dancing!!»
Ici, le personnage d'Anthony fait clairement
référence au film en en citant une réplique
essentielle.
Plus récemment, sur TF 1, nous avons pu assister
à une scène de « porté » faisant directement
référence au film. Cette imitation a été
réalisée dans l'émission de real-TV « Secret Story
», les candidats s'amusaient alors autour et dans la piscine. L'extrait a
été montré dans l'émission quotidienne du 24 juin
2007.
19 Joël Augros est maître de
conférences en économie du cinéma à
l'Université Paris VIII. Il participe à l'ouvrage collectif dont
est tiré cet extrait : AUGROS, Joël, Hollywood 1980-1990,
in GIMELLOMESPLOMB, Frédéric (sous la direction de), Le
Cinéma des années Reagan, un modèle Hollywoodien ?,
Paris, Nouveau monde édition, 2007, p.40.
20 Télérama, Hors-série
le guide du cinéma chez soi - 10 000 Critiques pour mieux
choisir vos films, Paris, Editions Télérama, 2002.
21 Sex and the city, série
américaine, crée par Darren Starr en 1998 qui comporte six
saisons et 94 épisodes. Cette série raconte les histoires
amoureuses de quatre célibataire new-yorkaises jouées par Sarah
Jessica Parker, Kim Catrall, Cinthia Nixon et Kristin Davis. L'épisode
auquel nous faisons référence ici s'intitule « An
Américan Girl in Paris (part one) ». La série s'est
arrêtée en 2004.
De plus, la société de jeux vidéos
Codemasters online gaming a annoncé, pour l'automne, la sortie
d'un jeu vidéo pour PC Dirty Dancing a l'occasion du
20ème anniversaire de la sortie du film.
Ce film traverse les années, et pourtant demeure une
référence omniprésente. Pourquoi ? Quel rôle a
joué Dirty Dancing dans la construction du patrimoine culturel
des spectatrices rencontrées ? Quelle place ce film a t'il aujourd'hui ?
En analysant son afficherie et en arguant des horizons d'attentes du public de
notre étude, nous allons étudier la réception et la
participation jusqu'à aujourd'hui.
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