B- L'importance de la musique
La musique... C'est quelque chose qui te reste ancré
dans la tête pendant longtemps, je pense que c'est ce qui marque le film
! Alison, 21 ans
La bande originale d'un film est sans doute le premier objet
connexe, le premier dérivatif du film à être
commercialisé. Aujourd'hui, certains artistes ou certains groupes se
font connaître ou accroissent leur notoriété en participant
à une bande originale, qui sera diffusé à la radio. le
groupe Aaron s'est par exemple fait connaître en interprétant le
titre phare du film de Philippe Lioret Je vais bien, ne t'en fais
pas119. De même, parmi des chansons extraites de films
qu'on retrouve encore sur les ondes Eye of the Tiger du groupe
Survivor, qui appartenait à la bande originale de Rocky III. Si
certains films reprennent des chansons déjà connues, d'autres
apparaissent comme des tremplins pour
118 Nous avons vu que nous pouvions conférer le titre
d'amulette au film fétiche de salon, du fait de sa fonction identitaire
et rassurante. Même si le film accompagne symboliquement le parcours des
spectatrices, il faut rappeler que les spectatrices ont un rôle actif, du
moment où elles « choisissent » leur film culte ou l'affichage
d'une photo. Il y a quelque chose de l'homo faber dans l'intervention
de l'individu, puisque qu'on peut considérer que l'affichage, la mise en
exposition du symbolique contribue à la construction identitaire de la
personne, à la fois être organique et inorganique.
119 Le titre phare de la BO, intitulé U-Turn (Lili) est
diffusé actuellement. Il est d'autant plus poignant pour les personnes
ayant vu le film que dans la fiction, c'est un titre écrit pour
l'héroïne. Cette chanson, le thème du film, apparaît
alors comme un personnage à part entière.
des musiciens. Ainsi, le jeune groupe avignonnais
Makali commence à se faire connaître depuis sa
participation à la bande originale du film de Ridley Scott, Une
Grande Année (USA, 2006). Plus que de l'illustration sonore, la
musique est un élément incontournable, dont on se souvient, qu'on
partage et qu'on diffuse au même titre que le film lui-même.
La musique, c'est donc important pour toi ?
Oui, très. Parce que c'est ce qui conditionne en partie
ton état d'esprit... Si tu as à une musique, au moment où
ça fait peur, et que tu entends, je ne sais pas moi... Le ruisseau...
Forcément, c'est beaucoup plus décontracté, alors que
c'était pas du tout ça dans la scène ... Non, il faut que
ça corresponde, soit que tu aies la musique qui corresponde au film, par
exemple dans un thriller psychologique, avec un truc un peu travaillé...
Pas à la Yann Tiersen... Plutôt vachement de trucs, sans
paroles... Vraiment, des mélodies, des choses comme ça... soit,
il faudrait que la musique soit complètement décalée,
à l'inverse de ce que tu vis dans le film... Ben justement, il y avait
une scène un peu comme ça dans Les jolies choses, une
scène de grève, et il y avait une musique de boîte à
bijoux, tu sais les boîtes à bijoux que tu ouvres... Eh bien, je
trouve que ça te marque d'autant plus comme une musique, d'autant plus
que le morceau est complètement décalé par rapport
à ce que tu vois sur les images, à ce qui est
présenté sous les yeux... La musique, ça me permet de me
remémorer des scènes, et de me rappeler... Des fois, même
sans avoir à acheter le CD ou quoi, parfois, tu entends la musique qui
est passée dans un film et hop... Tu as une vieille réminiscence
et tu te rappelles, tu ne sais plus forcément dans quel film
c'était, tu ne te rappelles des fois plus du titre mais tu te souviens
de tel ou tel acteur est en fait, tu as juste en mémoire la scène
en fait, et c'est comme ça que tu retrouves des moments qui t'ont
marqué...
Hélène, 23 ans
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(...) La musique... Je connais... Je connais le titre de
certaines chansons... Je sais, qu'il y avait une chanson chantée par
Patrick Swayze, « She's like the Wind », il y avait « Hungry
Eyes » aussi... Il y a aussi beaucoup de chansons d'Ottis Redding... Donc
c'est vrai que la BO... Elle est tellement riche... Et puis, on
l'écoutait aussi dans les boums ! Tu vois, tous les slows qui nous
passaient... Ouais, les slows... En plus, les musiques de
films, à cette époque... C'était ce qu'on
écoutait le plus comme musique...
Amélie, 29 ans
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La musique fait partie intégrante du film, davantage
dans Dirty dancing puisque la musique sert de support à
l'action (la danse) et à l'histoire. La bande originale de ce film a
connu beaucoup de succès puisque la chanson (I've had) the time of
my life ( chantée par Bill Medley et Jennifer Warnes) a reçu
en 1988 l'Oscar de la meilleure chanson de film. En 2007, la chanson She's
like the wind chantée par Patrick Swayze passe encore sur les
ondes. Ce qui est caractéristique de Dirty dancing, c'est que
les titres des chansons et/ou le nom des interprètes sont connus, et
sont cités de manière anecdotique au même titre que le
souvenir d'une scène ou d'une réplique.
Pour le 20e anniversaire du film, un CD anniversaire a
été commercialisé, regroupant à la fois le DVD du
film et la bande originale. Il semblerait que les producteurs du film aient
été sensibilisés à l'immense succès de la
musique, et au fait qu'elle continue à être "d'actualité".
Jacqueline Nacache souligne l'importance de la musique de films à
Hollywood : " cependant, bien que le cinéma hollywoodien et
créer un « concept » de musique de film, sa
spécificité apparaît ailleurs, dans la façon dont il
sait faire parfois de la musique un élément non plus redondant
mais dominant 120» (p.89). Dirty dancing n'est pas le seul film qui a
marqué les esprits par sa bande originale, les spectatrices
interrogées citent Bodyguard, Grease, Top Gun,
Ghost... Autant de films dont on retrouve les thèmes à la
radio, en illustration sonores (reportages) ou dans les compilations de
musiques de films.
La bande originale est donc un moyen d'intégrer
l'univers d'un film au quotidien. Mais pour le producteur du film, c'est
également un moyen à la fois de diffusion et de consommation qui
se met au service de l'objet cinématographique. Nous pouvons alors la
considérer comme un indicateur de l'importance du film dans l'univers de
la personne qu'il évoque. La bande originale, appartient à
l'espace privé dans son mode de réception, nous pouvons donc
considérer que cet élément est révélateur
d'une cinéphilie parallèle, parmi tous les éléments
du film que le spectateur s'approprie. La cinéphilie domestique
120 NACACHE, Jacqueline, Le film hollywoodien classique, Armand
colin, cinéma 128, Paris, 2005, 128p.
devient un mode de consommation, un aspect de la culture
cinématographique révélateur des nouvelles tendances, d'un
mode de comportement qui a évolué au fil des années sur
lequel il convient de nous interroger.
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