Premier paragraphe : Multitude et ambigüité des
conditions exigées
Les conditions de l'opposabilité de la cession des
parts sociales à la société sont énoncées
aux articles 110 et 111 du C.S.C. La rédaction de ces deux articles
prête à confusion. En effet, ces articles invoquent une multitude
de conditions exigées pour rendre la cession des parts sociales
opposable à la société. Deux séries de conditions
sont prévues respectivement par ces deux articles. La question qui se
pose est de savoir si ces conditions sont cumulatives ou alternatives.
L'ambigüité règne et on ne peut prétendre fournir une
réponse. Cependant, une analyse exégétique conduit
à admettre que l'ensemble de ces conditions s'impose pour rendre la
cession opposable à la société.
La première série de conditions est
prévue par l'article 110 du C.S.C. qui exige deux conditions cumulatives
pour rendre la cession opposable à la société. Il s'agit
d'une part du respect des conditions fixées à l'article 109 du
C.S.C. et d'autre part de la signification de la cession à la
société.
La deuxième série de conditions est
prévue par l'article 111 du C.S.C. qui exige deux conditions
alternatives pour rendre la cession opposable à la
société. En effet, il faut procéder soit à
l'inscription de
la cession sur le registre des associés soit à sa
signification selon les conditions édictées à l'article
109 du C.S.C.
L'examen de l'ensemble de ces conditions suscite les remarques
suivantes :
D'abord, le législateur renvoie futilement, à
deux reprises, à l'article 109 du C.S.C. Le premier renvoi
s'opère au niveau de l'article 110 du C.S.C. qui exige le respect des
conditions fixées à l'article 109 du C.S.C. pour rendre la
cession opposable à la société. Or, ces conditions sont
relatives à la procédure d'agrément. Elles constituent les
règles de fond de la cession des parts sociales et ne peuvent en aucun
cas être considérées comme des formalités
d'opposabilité même si leur respect préalable est
nécessaire.
Le deuxième renvoi intervient dans l'article 111 du
C.S.C. qui prescrit la signification de la cession des parts sociales selon les
conditions édictées à l'article 109 du C.S.C. Or, il n'y a
aucune trace de cette signification dans l'article 109 du C.S.C. et on ne peut
l'assimiler à la formalité de notification qu'il prévoit
puisqu'elle ne concerne que le projet de la cession et qu'elle est
édictée pour répondre à d'autres fins que ceux de
l'opposabilité.
Il s'en sort que ces deux conditions ne peuvent être
retenues comme servant à rendre la cession des parts sociales opposable
à la société.
Ensuite, il ressort de l'article 111 du C.S.C. que la cession
des parts sociales peut être rendue opposable à la
société par son inscription sur le registre des associés.
Néanmoins, on déduit de ce
même article que l'inscription sur le registre des
associés incombe obligatoirement au gérant, vu que ce registre
est tenu sous sa responsabilité, ce qui prête le flanc à la
critique. En effet, confier une formalité visant à rendre la
cession opposable à la société au gérant de
celle-ci revient à lui imposer une obligation d'auto-information qui
n'est guère concevable.
De plus, on déduit de l'article 111 du C.S.C. que cette
inscription ne peut intervenir qu'après l'accomplissement de la
formalité d'enregistrement ce qui semble être une exigence
superflue d'autant plus qu'elle prolonge sans raison la date
d'opposabilité de la cession à la société.
Enfin, l'article 110 du C.S.C. requiert la signification de la
cession des parts sociales à la société pour la lui rendre
opposable. Cette signification doit être, par définition, l'oeuvre
d'un huissier de justice. En effet, la signification est définie comme
étant la « notification faite par huissier de justice, consistant
en la remise de la copie d'un acte de procédure à son
destinataire82 ». Or, cette intervention de
l'huissier de justice alourdit les formalités d'information de la
société et génère de plus des couts non
négligeables. Il parait opportun d'alléger ce formalisme en
prévoyant une formalité de substitution plus simple, rapide et
moins onéreuse. À cet égard, la solution prévue par
l'article L. 221-14 du Code de commerce français pourrait être
retenue. Selon cet article, la formalité de signification exigée
pour rendre la cession
82 CORNU. Op. cit., p. 764.
opposable à la société peut être
remplacée par le dépôt de l'original de l'acte de cession
au siège social, contre remise par le gérant d'une attestation de
ce dépôt. L'objectif d'informer la société de la
cession pour qu'elle la concrétise est ainsi atteint. Le recours
à la signification par huissier de justice ne serait qu'exceptionnel en
cas de dissension.
Il résulte de ce qui précède que les
formalités prévues par le C.S.C. pour rendre la cession opposable
à la société sont multiples, complexes et ambigües.
Une intervention législative est alors plus que recommandée afin
de rectifier ces imperfections et d'alléger ce formalisme.
Mais, au-delà de l'allègement
préconisé des formalités d'opposabilité de la
cession des parts sociales à la société, peut-on admettre
des mesures substitutives qui tiendront en lieu et place des formalités
légales ?
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