2. Définition des
principaux concepts
L'utilisation de certains concepts équivoques, nous
voulons ici en donner une clarification pour faciliter la compréhension
de notre travail au lecteur.
``Si je suis appelé à gouverner, je commencerai
par rétablir le sens des mots''. Cette citation, attribué
à Confucius, souligne encore tout à la fois l'importance de la
terminologie et la distance qui bien souvent éloigne les mots des
concepts qu'ils sont censés désigner.
- La prise en charge : suppose
élever et éduquer des enfants. Or élever des enfants,
c'est d' abord les aider, les guérir de leurs maux et éduquer un
enfant suppose d'abord qu'on prenne part à sa vie, qu'on partage ses
joies et ses peines. Il n'est d'éducation valable que celle qui favorise
le contact humain.
- Enfant : est
considéré comme enfant tout être qui a moins de 18 ans et
est par nature un être très fragile.
- Les enfants en détresse :
ceux sont des enfants abandonnés et/ou des orphelins.
- Orphelins : ce sont des
enfants, d'une manière générale, dont les parents sont
décédés, mais aussi des enfants abandonnés,
laissés pour compte, ou ceux dont les parents ont été
déchus de leurs droits parentaux.
- Les enfants
abandonnés : ce sont des enfants qui n'ont pas de
toits pour dormir et mendient ou fouillent les poubelles pour se nourrir. La
rue est leur centre d'éducation avec toutes les conséquences que
l'on peut imaginer. Pour ces enfants, il manque l'essentiel : le droit
à tout pour ne leur rester qu'un seul, se prendre en charge et rester un
enfant abandonné même s'il ne dort pas dans la rue comme on le
voit dans certaines villes africaines.
- Les mères SOS : sont
des femmes seules, veuves ou célibataires employées par le
Village d'Enfants SOS et qui ont décidé de prendre en charge des
enfants sans parents et d'assurer pour eux la responsabilité d'une
maternité sociale.
- Le Village d'Enfants SOS :
c'est une institution non gouvernementale à vocation
sociale qui offre aux enfants en détresse, abandonné et orphelin,
une prise en charge à long terme.
3. Les
généralités sur l'organisation :
Nul ne peut vivre, grandir, reconstruire, sans
référence à son histoire, cette histoire qui du
passé, fait les fondations de notre futur.
a) Historique de SOS Village d'Enfants
Le premier Village d'Enfants SOS fut fondé en 1949 en
Autriche, à proximité de la petite ville tyrolienne d'Imst. Il
fut donc créé dans une période de grande misère,
celle où les ravages de la seconde guerre mondiale produisaient leurs
effets les plus saisissants sur les jeunes générations.
D'innombrables enfants et adolescents de tous âges étaient
entraînés dans une tragédie gigantesque, un effondrement
matériel et moral jamais vécu jusqu'alors. Ils étaient
subitement confrontés à des exigences au-dessus de leurs
forces ; leur développement se heurtait à des obstacles
infranchissables. Le monde dans lequel ils vivaient, dans lequel ils
devaient devenir un jour des hommes respectables, avait banni la justice et la
morale.
Dans les grandes cités bombardées comme dans les
centres d'accueil où se pressaient des millions de personnes sans abri,
elles-mêmes livrées au désespoir, à l'embarras et au
désarroi, l'ambiance était la plus néfaste à toute
forme d'éducation. On n'y rencontrait que trop rarement une
personnalité droite et intègre, moralement saine et susceptible
de servir d'exemple aux jeunes ; on y voyait bien plus souvent de
pâles manifestations d'un ordre extérieur
inéluctable ; quand aux notions indispensables du bien et du mal
qui s'étaient transmises de génération en
génération, elles avaient complètement disparu. La
misère noire, l'indifférence et l'immortalité
étaient le lot quotidien.
Une mauvaise étoile présidait aux
destinées des enfants et adolescents arrachés à leur
milieu. Leur avenir était sérieusement compromis par le
renversement de toutes les valeurs.
Les criminologues, les psychologues et les responsables de
l'action sociale, s'appuyant sur des données statistiques alarmantes,
avertirent du danger, tandis que le grand public, lui-même aux prises
avec les pires difficultés, assistait, impuissant et inquiet, à
la tournure fatale que prenaient les évènements.
Des oeuvres de bienfaisance privées et publiques,
confessionnelles, nationales et internationales tentèrent alors par tous
les moyens de préserver les jeunes vagabonds et déracinés
des dangers de l'isolement. Comme les institutions existantes n'étaient
pas en mesure de répondre à la demande d'une foule énorme
de jeunes en détresse, il fallut littéralement créer de
toutes pièces des centres d'accueil provisoire. C'est ainsi que diverses
institutions virent le jour, entre autres sous le nom de village d'enfants ou
de jeunes, et accomplirent avec un succès remarquable les tâches
qu'elles s'étaient assignées. Quelques-uns de ces villages eurent
un tel renom que des jeunes vagabonds venaient d'eux-mêmes, et parfois de
fort loin, pour y trouver refuge.
Le Village d'Enfants SOS ne pouvait d'abord pas agir sur une
grande échelle. La jeune fondation manquait de tout pour pouvoir une
aide rapide et efficace. Il fallut commencer modestement. Le ``capital
initial'' s'élevait à 600 schillings, ce qui était quand
même suffisant pour faire connaître à un petit nombre de
personnes l'idée de Village d'Enfants SOS et sa façon quasi
révolutionnaire de résoudre le problème des jeunes
déracinés.
Les expériences vécues à l'époques
révélèrent que les plus vulnérables, les plus
difficiles et les plus menacés parmi les jeunes étaient toujours
ceux qui n'avaient pas reçu le soutien d'une famille saine et
ordonnée. L'idée de Villages d'Enfants SOS reposait sur cette
simple leçon tirée des faits. On en déduisit que les
institutions destinées aux enfants sans parents seraient d'autant plus
efficaces qu'elles se rapprocheraient de la structure familiale pour remplacer
la famille que ces enfants ont perdue. Le premier Village d'Enfants SOS fut
donc construit en tenant compte de cette exigence de l'éducation sur le
modèle familial d'une part, et de l'assistance aux enfants orphelins et
abandonnés d'autre part. C'est ainsi que fut créé un
établissement dans le but de prendre en charge des enfants sans foyer,
non seulement en période de détresse, mais aussi en temps
normal.
b) SOS Village d'enfants dans les pays en voie de
développement
La construction de Village d'Enfants SOS dans les pays en voie
de développement a marqué une nouvelle étape de l'action
SOS VE.
L'intérêt considérable qu'a suscité
l'idée de village d'Enfants SOS dans ces pays a d'abord surpris. Et les
demandes d'aide qui ont afflué de toutes parts ont conduit à
l'élaboration d'un programme d'action pour les pays dits en
développement. D'emblée il fallait reconnaître que les
villages d'enfants SOS n'étaient pas faits pour lutter contre la faim,
la misère ou la guerre dans différentes parties du monde, ni pour
lancer une opération à grande échelle contre les
désordres sociaux qui y régnaient, ce que d'ailleurs, les
représentants des pays en voie de développement
n'espéraient pas obtenir en prenant contact avec l'institution.
L'attention de ces derniers s'était portée vers
les principes d'intégration du Village SOS. Ils voyaient dans les
Villages un nouveau moyen de résoudre les problèmes
d'éducation et d'assistance sociale de leur propre pays.
C'est ainsi que dans les villages d'Enfants, les enfants du
Tiers-monde doivent bénéficier d'une action doit, aussi amener
les populations concernées à s'entraider et s'éduquer
elles-mêmes par la suite.
Pour les pays en voie de développement, le Village
d'Enfants SOS est bien plus qu'un simple foyer pour enfants abandonnés.
Tel est par exemple, le village d'Enfants SOS au Togo.
c) SOS Village d'enfants - Togo
Le village d'Enfants SOS ouvrit ses portes à
Lomé, et à Kara en 1979. Il devint depuis lors une famille
pour les orphelins et enfants abandonnés, et une opportunité de
scolarisation des enfants nécessiteux. Le village d'Enfants SOS Togo
comme tout autre dans le monde est une organisation de parrainage qui assure,
aux orphelins et enfants abandonnés, un foyer et sert en même
temps de logis aux femmes, les mères SOS, qui se sont consacrées
à la poursuite de son oeuvre. Le Village d'Enfants SOS Togo n'est pas
uniquement un foyer pour les enfants mais une véritable
communauté formée d'enfants venant de différents endroits
du pays. Tout l'espoir que les enfants semblent avoir perdu est ainsi
retrouvé au Village d'Enfants où ils grandissent avec confiance
d'être aimés et assurés d'un solide patrimoine culturel.
d) Le Village d'Enfants - LOME
Il a été inauguré en 1979, année
internationale de l'enfant, plus précisément le 16 Novembre. Le
village commence à fonctionner avec dix maisons familiales qui peuvent
accueillir jusqu'à cent enfants déracinés et leur donner
un foyer.
Chaque maison est équipée d'une vaste salle de
séjour où la famille se retrouve, pour les jeux, pour les travaux
ou pour le simple plaisir d'être ensemble. La maison comprend
également trois chambres d'enfants et la chambre de la mère. A la
cuisine, les enfants sont d'abord des spectateurs attentifs des travaux de leur
mère, mais ils deviennent très vite acteurs, mettant la main
à la pâte, et se préparent ainsi insensiblement à
leur futur rôle d'adulte.
Dans l'enceinte du village, sur le terrain de jeux, les
enfants peuvent s'ébattre à loisir et faire du sport, entre eux,
avec leurs camarades de classe ou avec les enfants du voisinage.
e) Qu'est-ce qu'un village d'enfants
SOS ?
Le nom de ``Village d'Enfants'' désigne aujourd'hui des
institutions remplissant une mission d'aide et d'assistance sur des plans
très divers. Il semble cependant que l'interprétation
donnée par le Village d'Enfants SOS à cette notion s'impose de
plus dans l'opinion publique et dans les milieux spécialisés.
Elle fait du village d'enfants une institution visant à se substituer
à la famille naturelle de l'enfant orphelin ou abandonné pour
l'aider à prendre le chemin d'une vie normale.
Les Villages d'Enfants SOS veulent préserver ces
enfants des dangereuses conséquences de leur état. Ils doivent
protéger, aider et guérir. Le double principe pédagogique
et social de leur intervention est ainsi posé et défini
clairement : fonder des ``familles'' les plus naturelles possible, tant du
point de vue structurel que du point de vue fonctionnel. Ces familles ne
peuvent cependant remplir leurs fonctions et justifier les espoirs
fondés sur elles que si elles s'intègrent à une
communauté plus large qu'est le Village d'Enfants SOS.
La famille de Village d'Enfants SOS ne se contente pas
d'accueillir l'enfant sans parents, elle lui offre aussi un authentique ``chez
soi'' et devient son véritable soutien moral. Le village doit devenir le
foyer des enfants qui lui son confiés.
Le Village d'Enfants SOS ramène l'enfant isolé
dans son milieu naturel, la famille. Le ``giron social'' d'où l'enfant a
été arraché par la perte ou la défection de ses
parents est remplacé. L'enfant en a besoin pour grandir normalement.
Même si la structure de la famille moderne subit de profonds changements,
sa fonction doit être maintenue, car elle est indispensable à
l'enfant. Ce n'est qu'en grandissant dans une famille que l'enfant devient apte
à la vie.
Toute oeuvre sociale moderne qui se propose d'éduquer
des enfants sans parents devra donc trouver des structures qui se rapprochent
le plus possibles de celle de la famille. L'éducation du Village
d'Enfants SOS supporte la compassion avec celle de la famille grâce
à l'application des quatre principes dont il sera question dans un
chapitre ultérieur.
f) Vision-Mission de SOS Village
d'Enfants :
La vision de l'organisation SOS Village d'Enfants pour les
enfants du monde se résume en ces termes : chaque enfant a sa place
dans une famille et grandit dans un climat d'affection, de respect et de
sécurité.
- Chaque enfant a sa place dans une famille :
La famille est le coeur de la société. Au sein
d'une famille, chaque enfant est protégé et éprouve un
sentiment d'appartenance. En famille, les enfants acquiert des valeurs,
partagent des responsabilités et établissent des relations qui
dureront toute leur vie. L'entourage familial leur procure une base solide sur
laquelle ils peuvent bâtir leur existence.
- Chaque enfant est entouré d'affection :
C'est le climat d'affection et le sentiment d'être
accepté qui permettent aux blessures de l'âme de guérir et
à la confiance de naître. Les enfants y puisent leur assurance et
y apprennent la confiance en soi comme en autrui. Un enfant sûr de soi
peut découvrir ses capacités et les développer au
mieux.
- chaque enfant est respecté :
Les opinions de chaque enfant sont écoutées et
prise au sérieux. Les enfants participent aux décisions qui
affectent leur existence et apprennent à jouer leur rôle majeur
dans leur propre développement. L'enfant grandit dans le respect et la
dignité, comme un membre estimé de sa famille et de la
société.
-Chaque enfant est protégé :
Les enfants sont protégés des abus, de la
négligence et de l'exploitation, leur sécurité est
assurée en cas de catastrophe naturelle ou de guerre. Ils sont
logés, nourris et ont accès aux soins médicaux et à
l'éducation. Ce sont les conditions préalables à
l'épanouissement de chaque enfant.
La mission est de donner une famille aux enfants en
difficulté, orphelins, abandonnés ou ceux que leur famille ne
peut prendre en charge.
g) Les quatre principes
pédagogiques :
Le programme d'éducation du Village d'Enfants SOS se
résume à quatre principes pédagogiques. Ils mettent
principalement l'accent sur le développement de l'enfant vers l'homme et
son intégration dans la société. Les mots clés pour
traduire les principes du Village d'Enfants SOS sont :
1. la mère
2. les frères et soeurs
3. la maison
4. le village
1. La mère
Dans le monde entier, il existe des femmes seules, veuves ou
célibataires. Les activités professionnelles qu'elles exercent ne
suffisent pas à remplir leur vie et elles désirent avoir des
enfants pour se consacrer entièrement à eux. Dans le monde
entier, il y a aussi des enfants, orphelins ou abandonnés, à la
recherche d'une maman. L'une des tâches que nous proposons d'accomplir
est de rapprocher ces femmes et ces enfants.
Le Village d'Enfants SOS ne vient donc pas uniquement en aide
aux enfants en difficultés familiales. Il donne aux femmes
isolées la possibilité de remplir leur vie. Exercer les fonctions
de mères dans un Village d'Enfants SOS est devenu une nouvelle
profession féminine. Des centaines de femmes dans le monde ont
déjà décidé de prendre en charge des enfants sans
parents et d'assumer pour eux la responsabilité d'une maternité
sociale. En dehors des dispositions naturelles qui les portent vers
l'éducation des enfants les femmes qui désirent être
mères dans un Village d'Enfants SOS doivent être aussi capables
d'affection car les enfants dont elles ont la charge sont presque toujours
psychiquement ébranlés. Ils souffrent tantôt de complexes
d'infériorité, tantôt d'un besoin exagéré de
se faire valoir, d'un manque d'affection ou de phobies. Nombre d'entre eux sont
des enfants abandonnés, battus, corrompus ou oubliés.
Elever ces enfants, c'est d' abord les aider, les
guérir de leurs maux. Nous savons combien la relation de l'enfant avec
sa mère, ou toute autre personne qui la remplace, est importante pour
son développement. Cette relation est à la base de toute action
pédagogique. Le Village d'Enfants SOS veut avant tout rendre l'affection
d'une mère aux enfants qui en ont été privés ;
c'est la clé de voûte de son système pédagogique. En
fait, l'amour maternel ne suffit pas sans une certaine fermeté, une
certaine rigueur, un savoir- faire et des connaissances pédagogiques.
Mais il n'est pas de bonne éducation sans affection. Tant que l'enfant
ne se sentira pas aimé et protégé, il n'acceptera pas
facilement les contraintes de l'éducation qu'on veut lui donner.
Celles-ci ne feront que compliquer les choses et créer de nouveaux
complexes.
Eduquer un enfant suppose d'abord qu'on prenne part à
sa vie, qu'on partage ses joies et ses peines. Il n'est d'éducation
valable que celle qui favorise le contact humain.
Une fillette du Village d'Enfants SOS, âgée de
treize ans, disait un jour : ``Notre petite soeur était malade. Le
médecin est venu et j'ai vu pleurer notre maman. Maintenant, je sais que
notre maman est quelqu'un de bien et qu'elle nous aime. Moi aussi, je veux
devenir quelqu'un de bien''.
Il est donc essentiel que pour accomplir sa tâche, le
village d'Enfants SOS, et surtout la mère, puisse donner à
l'enfant le sentiment d'être aimé et protégé.
Après tout, nous ne pouvons pas oublier que l'humanité
entière a été élevée par des mères.
Et quand un enfant a perdu la base naturelle de son développement, son
éducation peut alors poser des problèmes. Les méthodes
pédagogiques les plus scientifiques, pratiquées dans les
institutions les plus modernes, ne peuvent pas empêcher qu'un enfant,
élevé hors de sa famille, soit socialement plus vulnérable
et moins performant qu'un enfant qui a grandi dans sa famille.
Les mères de village d'Enfants SOS doivent être
des femmes heureuses, de vivre équilibrées sur le plan moral et
spirituel. Leur personnalité, affermie et stable, est un exemple vivant
pour les enfants.
Les enfants qui sont accueillis au Village d'Enfants SOS ont
généralement été victimes d'expériences
malheureuses. Il est bon qu'ils aient devant les yeux une personne qui puisse
donner un nouveau sens, un nouveau contenu à leur vie. La mère du
village d'Enfants SOS doit être pour eux cette personne en qui ils ont
confiance, à laquelle ils obéissent, pour laquelle ils
abandonnent leurs ``mauvaises habitudes''.
Chaque enfant a naturellement besoin de la sollicitude
maternelle. Il a au moins autant besoin d'une mère aimante que d'une
place pour dormir, de vêtements et de nourriture. Ce besoin de la
mère s'explique par le manque de maturité physique, morale et
intellectuelle. L'enfant ne peut pas davantage développer ses
capacités intellectuelles de lui-même. Tout son être est
tourné vers la réception d'impulsions extérieures. Et pour
mieux comprendre l'attachement de l'enfant à sa mère, il nous
faut garder présent à l'esprit que les impulsions qui participent
à la formation de sa personnalité et à l'orientation de sa
vie future sont beaucoup moins le fait d'une pédagogique que d'un amour
maternel, constant et généreux.
Le regard de la mère, les efforts et sacrifices qu'elle
consent pour sa famille, sa main caressante sur le front de l'enfant
révèlent à celui qu'il a trouvé un foyer, une
communauté naturelle où il peut se ressaisir et vivre
normalement.
L'affectation de la mère est d'autant plus
indispensable quand il s'agit de procurer à l'enfant
déraciné toutes les chances d'un bon départ dans la vie.
Comparés à l'influence heureuse d'une mère, les
résultats des meilleures systèmes pédagogiques sont
plutôt minces. Plus douce et plus affectueuse que le meilleur
éducateur masculin, la mère débrouille admirablement les
fils de l'écheveau des contradictions enfantines. Sans le moindre
détour, elle emprunte la voie du coeur pour entrer en contact avec
l'enfant.
Aux alentours de 1900, le pédiatre munichois Meinhard
Von Pfaundler fit la découverte d'une maladie qu'il baptisa
``hospitalisme''. Cette maladie est attribuée à l'absence de
soins maternels et s'explique par une carence affective prolongée qui
peut entraîner de graves crises de croissance, affaiblir
l'immunité naturelle, voire même causer la mort de l'enfant. En
partant de cette découverte, la médecine moderne, la psychologie
et la pédagogie expliquent l'origine des troubles variés de la
croissance et du comportement ; elles précisent que ces troubles
sont d'autant plus importants, plus accentués et plus
irréversibles que la séparation de la mère a
été plus précoce et la durée du séjour dans
une institution plus longue.
Le nouveau venu au Village d'Enfants SOS est
généralement surpris d'entendre les autres enfants appeler tout
naturellement ``maman'' la responsable de leur famille. Dans cette famille, il
rencontre des frères et des soeurs un bébé dans un
berceau, des frères qui reviennent de l'école, une grande soeur
dans la cuisine, où elle donne un coup de main ; sur la commode, il
voit la photographie de l'aîné, qui est en apprentissage ou dans
un lycée en ville. L'enfant trouve aussi son lit, son harmonie, ses
jouets et ses vêtements. A midi, il n'y a pas de gong pour appeler au
réfectoire. La famille se réunit dans la salle de séjour,
où la table est mise, et après le
bénédicité, les petits commencent à babiller
gaiement. On parle aussi des problèmes et des soucis quotidiens. Il n'y
a pas d'enfant qui reste insensible à de telles découvertes.
L'attention bienveillante qu'il trouve auprès de la mère ne
répond que trop bien à son besoin naturel de
sécurité. L'intégration dans la famille se fait le plus
souvent sans frictions et sans difficultés, l'enfant guérit
rapidement de ses blessures morales. Il n'est plus l'enfant ``difficile'' ou
``incorrigible'' qu'on se repassait d'un centre d'éducation à un
autre. La bonté et l'amour d'une vraie mère lui font
découvrir un monde que son émotivité maladive lui avait
caché, un monde de santé et de joie.
2. Les frères et soeurs
Le second principe pédagogique du Village d'Enfants SOS
veut que l'enfant ne soit pas élevé avec des pupilles du
même âge, mais au sein d'une communauté fraternelle. Une
famille de Village d'Enfants SOS comprend, en Autriche sept, en Allemagne six
enfants d'âges différents, du nourrisson à l'adolescent.
Chacun doit trouver dans la famille la place qui lui convient, selon son
tempérament, son âge et sa maturité.
Les enfants qui sont accueillis dans une famille ne manquent
pas de contact. Outre la mère, les petits ont suffisamment de ``grands''
autour d'eux pour les aider, les conseiller et les aimer. Quant aux grands
eux-mêmes, ils ont la possibilité de nouer des liens au sein de la
communauté et de s'y rendre utiles.
Tel est par exemple le cas de ce garçon de quatorze ans
qui, avec beaucoup de patience et de joie, apprend à parler à sa
petite soeur de deux ans. Pendant des heures, il s'amuse avec elle et s'en
occupe avec une spontanéité surprenante. Il sent qu'elle a besoin
de lui, qu'il peut lui être utile et la protéger dans toutes les
circonstances. Sa mère lui demande quelques fois son avis sur des
questions qui touchent à la vie du foyer. Il lui en est reconnaissant et
le montre en participant volontiers aux corvées du ménage. Il est
fier de prendre certaines responsabilités.
Chacun sait que les responsabilités, quand elles ne
sont pas au-dessus de vos forces, forgent le caractère. C'est aussi vrai
pour l'enfant, qui apprend par ce moyen à tenir sa place dans la
société. Il est même préférable de lui donner
quelques fois trop de responsabilités, que de ne pas lui en donner du
tout, par méfiance.
Les familles des Villages d'Enfants SOS accueillent aussi bien
des bébés que des enfants plus âgés, garçons
ou filles. Toutefois, comme leur éducation est d'autant plus
réussie que le séjour des enfants au village est plus long, il y
a nécessairement une limite d'âge à l'admission. C'est
pourquoi, les enfants de plus de dix ans ne sont, en principe, plus
acceptés.
Dans la mesure où les enfants admis au Village
d'Enfants SOS doivent être élevés comme des frères
et soeurs, la mixité s'impose d'elle-même. Ce principe de la
coéducation contrôlée a l'avantage de faciliter une prise
de conscience progressive de l'autre sexe. Il doit être appliqué
dès le moment de la formation de la famille, lorsque les enfants
d'âges et de sexes différents sont choisis pour constituer une
communauté de vie.
Le Village d'Enfants SOS recourt à cette méthode
en toute connaissance de cause. Il s'appuie sur des résultats
d'enquêtes menées auprès de groupes de frères et
soeurs et accorde une très grande importance à la composition des
familles. En Autriche, en Allemagne et en France, où des centaines de
familles de Village d'Enfants SOS ont été fondées, le
placement d'un nouvel enfant dans une famille appropriée ne
présente pas de difficulté.
L'éducation mixte pratiquée dans les familles
des Villages d'Enfants SOS place la mère devant des problèmes
autres que ceux de l'éducation mixte de l'école publique, qui
sont en fait des problèmes de co-instruction. Il n'est pas facile
d'établir des comparaisons avec la famille normale, pour laquelle la
co-habitation des enfants des deux sexes ne présente pas de
difficultés. Dans la famille artificielle qu'est celle du Village
d'Enfants SOS, il y a lieu d'effectuer un clivage entre les deux sexes, de
manière à supprimer les risques de la co-éducation. Du
reste, l'expérience de plusieurs années nous apprend que les
problèmes de la mixité ne sont pas insolubles et que les
avantages qu'en tirent nos enfants l'emportent sur les inconvénients.
Déjà, lorsque le principe de la
co-éducation fut adopté, il fut décidé que les
garçons de 14 ans et au-dessus seraient logés dans des foyers
d'étudiants et d'apprentis appartenant aux Villages d'Enfants SOS. Quant
aux jeunes filles, elles auraient le choix entre rester dans leur famille du
Village d'Enfants SOS, auprès de leur mère, ou s'installer dans
des foyers de jeunes filles.
L'éducation mixte des enfants, comme s'ils
étaient frères et soeurs, présente encore un avantage
sérieux : les frères et soeurs naturels ne sont pas
séparés et vivent dans une seule et même famille. Je ne
citerai qu'un seul exemple ici, pour expliquer les conséquences
désastreuses qu'a eues la séparation arbitraire de frères
et soeurs consanguins après la mort de leurs parents.
Cinq frères et soeurs perdirent leurs parents dans un
accident de la circulation, en 1951. L'un des enfants fut confié
à des parents proches, le bébé placé dans une
pouponnière, les deux garçons dans deux internats
différents et la fille de 14 ans dans un foyer d'apprenties. Leurs
éducateurs se virent bientôt confrontés à des
situations inextricables. On avait enlevé à la grande soeur son
petit frère. Elle manifesta son mécontentement par des
contestations, des mensonges et des bégaiements. L'un des garçons
profita de la moindre occasion pour faire une fugue et se réfugier chez
des parents, et, comme son frère, il ne brille guère en classe.
Les parents qui avaient pris l'un des enfants chez eux eurent bien du mal avec
lui car se montra effronté, méfiant et entêté, en
réaction à la séparation de A son frère
préféré. Les adultes pensaient bien faire en
séparant ces enfants, mais ils ne réussirent qu'à ajouter
un malheur à un autre. Dénouer les liens qui unissent les
frères et soeurs naturels peut, dans certains cas, avoir des
conséquences catastrophiques pour le développement de uns et des
autres.
Au village d'Enfants SOS, ces enfants restent unis dans une
maison, une famille. Près de 60% des effectifs des Villages d'Enfants
SOS sont constitués de fratries naturelles qui vivent chacune dans une
famille. Certaines familles de Village d'Enfants SOS ont des fratries de
quatre, cinq, six, sept, voire même huit ou neuf enfants.
3. La maison
La famille de Village d'Enfants SOS doit habiter sa maison,
une maison familiale normale. La maison ne jouerait pas vraiment son rôle
dans le système pédagogique du Village d'Enfants SOS si elle ne
se limitait qu'aux fonctions de la salle à manger et de la chambre
à coucher. Comme l'explique Wolfgang Metzger, elle doit être
``pour l'enfant le nid, la coquille, l'enveloppe protectrice de son être
encore inachevé.''(W. Metzger, 1960 : 29). Dans une maison
où chaque pièce a une fonction déterminée,
où l'enfant a sa place à la table familiale, son lit, son coin
pour jouer et pour apprendre ses leçons, il est plus facile
d'acquérir un sens de l'ordre.
La pièce principale de la maison du Village d'Enfants
SOS est la salle de séjour. La famille s'y rassemble pour travailler,
fêter, rire, pleurer, manger et prier. Pestalozzi n'a cessé de
rappeler dans ses écrits l'importance de la salle commune. Elle
détermine dans une large mesure, l'attitude que l'enfant adoptera devant
le monde. C'est le lieu où les valeurs culturelles et les vertus qui
sont le propre de l'homme lui sont retransmises, pour ainsi dire, de
première main. Il y fait l'expérience des relations humaines qui
lui seront utiles toute sa vie. La salle de séjour fait naître
l'esprit de communauté. Plus tard, quand l'enfant aura atteint
l'âge d'homme, il cherchera à recréer cette ambiance de la
vie communautaire saine, ordonnée et heureuse qu'il a connue au Village
d'Enfants SOS, cet esprit communautaire qui a servi et qui servira encore de
cadre à sa vie.
Comme la famille du Village d'Enfants SOS est un ménage
indépendant, elle possède naturellement sa propre cuisine. La
mère est à la fois éducatrice et maîtresse de
maison, et il est impensable qu'elle puisse se passer de la cuisine, une
pièce indispensable à tout foyer digne de ce nom. Il existe des
enfants sans parents et abandonnés qui découvrent pour la
première fois au Village d'Enfants SOS le bien-être, le bonheur
tranquille et la satisfaction que procure une cuisine. Ils y voient leur
mère s'affairer autour du fourneau et se rendent compte que les besoins
primaires ne peuvent être satisfait qu'au prix d'un effort personnel.
En résumé, la maison est le havre de paix que
l'enfant aime à retrouver après ses rencontres avec le monde
extérieur, un monde parfois sans amour, inaccessible et même
dangereux. Elle lui donne le sentiment d'avoir un foyer, un port d'attache dans
l'environnement immédiat qu'est le village.
4. Le village
Un village d'Enfants SOS est composé, en règle
générale, de 14 à 20 familles, mais à Lomé
le Village d'Enfants est composé de 09 maisons familiales, et d'un
jardin d'enfants. Il est rarement nécessaire d'y ajouter d'autres
constructions. Dans sa maison, dans sa famille, l'enfant a le sentiment de
vivre en sécurité. Le village est pour lui une ouverture sur le
monde extérieur. Il est une communauté de vie plus large que la
famille, mais toujours contrôlable et dirigeable. Il permet à
l'enfant d'établir les contacts humains utiles à son
développement. Il est le pont qui relie l'enfant à la
société. Il est en même temps une institution comme nous le
verrons plus loin, et en tant que telle, il joue pour l'enfant ``Placé''
le rôle d'un établissement spécialisé. Et il y a
là un risque d'isolement qu'il faut supprimer.
Le Village d'Enfants SOS doit s'adapter à son
entourage, tant du point de vue de l'implantation et de l'architecture que de
tout autre point de vue. Il doit chercher à éviter les situations
d'exceptions, même s'il doit pour cela supporter quelques
inconvénients. Car les situations d'exception, quelles qu'elles soient,
ne tourne pas à l'avantage de nos enfants. Ceux-ci ne demandent
finalement qu'une chose, c'est de pouvoir vivre comme tous les enfants du
monde. L'``institution'' Village d'Enfants SOS ne doit donc pas en faire trop.
Elle ne doit pas privilégier ses enfants à l'école, ni
leur donner un niveau de vie supérieur à la moyenne. Quant
à son mode de vie, il doit être simple, modeste, en rapport avec
le milieu ambiant.
Par principe, le Village d'Enfants SOS ne construit pas
d'école ni d'Eglise, sauf dans les pays dits en voie de
développement où les circonstances particulières
l'exigent. Ses enfants doivent entrer en contact avec d'autres enfants et
fréquentés les écoles publiques. Ils doivent assister aux
offices religieux de la localité et s'insérer à la
communauté paroissiale existante.
Le Village d'Enfants SOS nouvellement crée vient se
greffer sur une bourgade ou une agglomération. Il est
généralement implanté à la périphérie
d'une localité. Il arrive souvent que l'habitat s'étende dans sa
direction et qu'il soit absorbé par la nouvelle zone urbaine qui se
crée. L'insertion de Village d'Enfants SOS a l'espace sociale
environnant, son ouverture ``tous azimuts'', sont à la fois l'expression
et l'application du principe de l'intégration de l'enfant isolé
dans la société.
En tant qu'``institution'', le Village d'Enfants SOS
représente une ``unité administrative'' en soi. Mais il n'en
résulte pas forcément un isolement économique.
L'indispensable contrôle de la situation financière des
ménages ne les empêche de prendre des initiatives individuelles et
ne limite en rien leur responsabilité. Les mères achètent
elles-mêmes la plus grande partie de ce dont elles ont besoin au magasins
de la ville. Elles disposent d'un budget mensuel qu'elles gèrent
librement dans les limites fixées par le règlement
général. Les enfants doivent être amenés à
partager les soucis de leur mère dans la vie de tous les jours.
La collectivité que représente le Village
d'Enfants SOS répond donc aux besoins de l'enfant de se sentir
protégé, à l'intérieur comme à
l'extérieur de la famille. Elle lui permet d'entretenir
d'étroites relations avec le monde extérieur. Elle assure ainsi
le succès d'une pédagogie orienté vers
l'intégration sociale.
h) Financements
Les fonds destinés à la construction et
l'entretien des Villages d'Enfants SOS proviennent essentiellement de
contributions volontaires, dons et cotisations, des amis et membres des
villages d'Enfants SOS. En mettant en pratique l'idée «Tous les
enfants sont nos enfants. A plusieurs, il est aisé de faire du
bien », plus de 5 millions de personnes dans plus de 100 pays
permettent aux Villages d'Enfants SOS de mener à bien leur
tâche.
Les dons et contributions réunis sont
gérés par les associations nationales elles-mêmes qui
s'efforcent de réduire autant que possible les frais de fonctionnement.
Les contrôles administratifs et les vérifications comptables sont
effectués non seulement par des organes internes mais aussi par des
commissaires aux comptes assermentés. Un contrôle
supplémentaire et global des associations membres de SOS - KINDERDORF
INTERNATIONAL est assuré par la « Deutsche Revisions - und
Treuhand AG », société fiduciaire anonyme.
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