L'aide alimentaire monétisée quel impact sur le développement social et économique : Le cas du Niger( Télécharger le fichier original )par Aymar Michael MBENZE NZICOUD Institut Universitaire de Technologie de Bordeaux 3 - DUT en Gestion du Développement et l'Action Humanitaire 2007 |
2/ L'aide en situation d'urgence (cas de la crise de 2005)La difficulté que rencontre les acteurs de l'humanitaire à définir la notion d'urgence ou plutôt d'évaluer sa pertinence, - dans quel cas une intervention serait nécessaire ou pas - la récente crise alimentaire (en 2005) au Niger en a fait les frais. C'est en occurrence ce qui a rendu plus "meurtrière"11(*) cette famine, bien plus qu'elle ne devait l'être : Une politique de sécurité alimentaire qui se veut préventive à travers un dispositif mettant en avant un diagnostique basé sur l'évaluation de la production agricole et de sa disponibilité, occultant le nombre des populations vulnérables touchées par la malnutrition et la famine dont les sources ne sont pas uniquement celles visées par ledit dispositif (se référer au schéma I, p. suivant). En effet, le système d'alerte précoce (SAP) et la cellule de concertation (CC), deux entités du dispositif dont le rôle est de veiller à ce que les crises comme celles de 1973 et 1984 ne se reproduisent pas avaient faussé leur diagnostique uniquement centré sur la production céréalière et la dynamique des prix, tandis que le taux de malnutris augmentait au sein de la population des femmes, vieux et enfants. Le danger était d'autant plus imminent que le dispositif à aussi la responsabilité de lancer l'appel à l'aide d'urgence en fonction des informations dont il dispose. Il nous semble important de remarquer que dans les cas des crises majeures, les médias, bien plus que les politiques jouent un rôle important sur la crédibilité des infos et sur la dimension d'urgence ou pas de la crise. Et dans le cas du Niger les débats suscités par eux ont été déterminants pour la prise de conscience de la situation par les gouvernants, les ONG et les organisations internationales. La même année une enquête réalisée par le PAM (le programme alimentaire mondial) révélait une réalité moins optimiste que celle du DNPGCA12(*), estimant la prévalence de l'insécurité alimentaire des ménages à : - 45% les ménages en sécurité alimentaire - 13% les ménages en insécurité alimentaire sévère - 22% les ménages en insécurité alimentaire modérée - 20% les ménages à risque pour leurs moyens de subsistance. Commission Mixte de concertation Etat-Donateur Coordonne le dispositif Programme Alimentaire Mondial Allemagne, France, Etats-Unis, Suisse, Union européenne REPUBLIQUE DU NIGER Fonds de contrepartie des aides Alimentaires bilatérales Gestion bilatérale Fonds commun des fondateurs Géré par le CMC Fonds D'intervention Atténuer les crises alimentaire localisées OPVN Contrat plan Cellule crises alimentaires (CCA) Secrétariat exécutif du dispositif CABINET DU PREMIER MINISTRE OUTILS
SAP Système d'information Fonds de sécurité alimentaire Valeur équivalente à 40 000 tonnes de céréales Stock national de sécurité 40 000 tonnes de céréales
Opérateurs de suivi et d'évaluation Réseau SPA ONG Consultants Opérateurs d'exécution des mesures Services techniques ONG Stock National de Réserve Répondre à une crise majeure d'ampleur nationale Ces enquêtes vont permettre d'estimer les besoins réels des populations, la vulnérabilité des familles en prenant comme indicateurs la disponibilité alimentaire, l'accès aux aliments, les moyens de subsistance, les stratégies de résilience, fréquence de consommation de certains aliments, etc... Etant donné que le pays est constamment dans une situation d'« insécurité alimentaire », il n'a pas été facile à la fois pour les autorités locales (suite aux limites du dispositif DNPGCA), pour les organisations internationales et pour les ONG implantées dans le pays de pouvoir faire la différence entre la situation « habituelle » de l'insécurité alimentaire et le caractère urgentiste de la crise qui se profilait. Là encore l'enquête s'est basée sur la vie des ménages pour évaluer les différences de consommation de ceux-ci entre 2004 et 2005, pour mettre en évidence la particularité de la crise que traversait le pays. Pour se faire 7 indicateurs ont été mis au point : 1- durée de stocks de mil et de sorgho (par rapport à l'année 2004) 2- mode de migration de membres des ménages 3- sources principales de revenus des ménages 4- endettement 5- possession de biens productifs 6- possession de petits ruminants 7- difficulté pour l'alimentation Ces indicateurs ont permis de révéler : - les ménages en situation d'insécurité alimentaire sévère : 70% chroniques (ou habituel) et 30% transitoires (ou d'urgence). - les ménages en situation d'insécurité alimentaire modérée : 42% chroniques et 58% transitoires (ou d'urgence). Ces résultats ont permis de mettre en évidence une situation de transition entre un état décrit par le PAM comme étant chronique - état habituel de l'insécurité alimentaire au Niger dont la réponse apportée est l'aide alimentaire programme - et, un état transitoire qui nécessitait des réponses d'aide urgentes aux ménages meurtris par une insécurité alimentaire sévère. a/ La mise en oeuvre de l'aide d'urgence au Niger en 2005Selon l'enquête sur la sécurité alimentaire en situation d'urgence au Niger réalisé par le PAM en octobre 2005 (P. 15, Chapitre 7.1), l'aide alimentaire déployée au Niger à cette période, pendant cette crise, répondait à des besoins spécifiques des ménages en matière d'alimentation comme le montre cette extrait : « au cours des 6 mois précédent l'enquête (distributions générales ou ciblées, ou ventes de céréales à prix modéré, ou cantines scolaires, ou vivres-contre-travail) ;
dans la région d'Agadez (43% des villages) ;
6 mois précédent l'enquête (40% à Agadez, 50% à Maradi contre presque 80% à Tillabéri) ;
ménages n'en ont pas bénéficié ;
moyennes reçues par les ménages étaient : 94 kg de céréales, 2 kg de légumineuses et 1 litre d'huile ;
situation de sécurité alimentaire ; mais en termes de quantités, les ménages en situation d'insécurité alimentaire ont reçu légèrement moins que les autres ménages ;
de ceux en insécurité alimentaire modérée, la part de l'aide alimentaire représentait plus de 20% de tous les aliments consommés au cours de la semaine précédent l'enquête;
d'aide alimentaire; par contre, la proportion de ménages ayant une très pauvre consommation alimentaire est plus faible parmi ceux qui ont consommé l'aide. » Ce passage qui nous permet de se faire une idée sur l'impact de l'aide alimentaire en situation d'urgence met aussi en exergue ses limites. La situation au Niger en 2005 avait fait réagir plusieurs institutions et acteurs du développement, de la sécurité alimentaire et de la santé publique internationale. Dans la mesure où notre travail ne saurait rendre fait par fait le processus de mise en oeuvre de l'aide par ces acteurs et institutions, nous avons jugé plausible de présenter le déploiement de l'aide en situation d'urgence d'après une seule institution dont les actions et prise de décisions pendant la crise nous a semblé capitales et illustratives : Médecins sans frontière (MSF). C'est en effet à partir du mois d'avril que la crise Nigérienne de 2005 prend une dimension internationale, avec l'intervention de plusieurs organisations dont MSF. Elle est l'une des premières organisations à contredire le système d'alerte précoce du pays, en dénonçant le nombre trop important des enfants dénutris qui se présentaient dans les centres mis en place par l'ONG au sud Niger (plus précisément à Maradi) et au Nord dans la région de Tahoua. MSF avait développé dans l'urgence un système de réhabilitation nutritionnelle ambulatoire dans l'objectif d'atteindre efficacement le plus grand nombre de malnutris. On peut lire à travers ces quelques lignes écrit par Xavier Crombé, l'un des responsables de MSF pendant la crise au Niger, les motivations et différentes étapes qui ont conduit à cette mise en oeuvre : « Dès le mois d'avril...la spéculation pratiquée sur le mil présent en quantité sur le territoire et l'inefficacité du système mis en place par le gouvernement pour répondre à la crise (vente de mil à prix modérés, peu accessibles à la population et de quantité réduite) sont identifiés comme des facteurs vraisemblables de la crise de 2005. En juin...de nouveaux éléments explicatifs, tels la création d'une pénurie artificielle, la paupérisation des familles paysannes ainsi que les choix politiques qui ont conduit à refuser jusqu'en dernière extrémité les distributions de nourriture...alors que nous critiquons vivement la forte réticence des bailleurs de fonds, des agences des Nations unies et du gouvernement du Niger à mettre en place des distributions de nourritures gratuites, ce qui est, selon nous, la seule mesure capable d'éviter une aggravation de la situation et de très nombreux décès...des distributions ciblées de nourriture (25 kg de farine enrichie et 5 litres d'huile sont distribués pour une période d'un mois aux enfants âgés de six à cinquante-neuf mois ayant un périmètre brachial inférieur à 125 mm ainsi qu'aux enfants de moins de six mois)...le mois de juillet ...le Niger adopte un protocole reposant sur une prise en charge ambulatoire et l'utilisation des aliments prêt à l'emploi. De plus, à ce moment, les autorités décident de distribuer gratuitement l'aide alimentaire... »13(*). * 11 100.000 enfant, selon les nations unies (OCHA, 2007 : 8), Niger 2005 : une catastrophe si naturelle, p.32 * 12 Dispositif National de Prévention et de Gestion des Crises Alimentaires * 13 Niger 2005 une catastrophe si naturelle, de Xavier Crombé, p.241 et p.242 |
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