Section 3 : Efficacité de l'Aide en termes de
réduction de la pauvreté
Le débat sur l'efficacité de l'aide s'est
toujours focalisé sur son impact sur la croissance. Mais toutefois
depuis le début des années 1990, l'aide s'est progressivement
recentrée sur l'objectif de réduction de la pauvreté,
évolution concrétisée par l'engagement de 189 pays aux
Nations Unies (NU) à réduire la pauvreté dans le monde de
moitié d'ici à 2015. Ainsi, dans la perspective de la
réalisation des Objectifs du Millénaire pour le
développement, la question
suivante: sur quels critères les pays donneurs doivent-ils
allouer leur aide s'ils veulent avoir un effet maximum sur la réduction
de la pauvreté ?, est d'une grande importance.
Dans une première partie nous rappellerons les
conséquences du recentrage des objectifs de l'aide sur la lutte contre
la pauvreté pour le débat sur son efficacité. Dans une
deuxième partie, nous présenterons la démarche de Collier
et Dollar, les principales conclusions de leur étude et les critiques
qui leur ont été adressées.
3.1. L'efficacité de l'Aide : de la croissance
à la réduction de la pauvreté
Le débat de l'efficacité de l'aide s'est
déplacé d'une problématique de croissance vers celle de la
réduction de la pauvreté entraîne deux interrogations : (i)
quelle est l'influence de la croissance sur la réduction de la
pauvreté ? ; (ii) existe-t-il un effet direct de l'aide sur la
réduction de la pauvreté?
3.1.1. Relation entre croissance et réduction de la
pauvreté
La fin des années 1990 a été
marquée par la contribution positive de la croissance à la
réduction de la pauvreté. Ainsi, un certain nombre
d'études récentes ont tenté de déterminer dans
quelle proportion les bénéfices de la croissance profitent aux
populations les plus pauvres. Cette question a fait l'objet d'une très
vaste littérature.
Suivant la démarche de Foster et Székely (2001),
ces auteurs différencient les études en fonction du concept de
pauvreté retenu. Ainsi, une première approche consiste à
considérer un concept de pauvreté relative et à estimer
l'élasticité du revenu par habitant du premier quintile de la
distribution par rapport au revenu moyen. Par ailleurs les études de
Birdsall et Londono (1997), Roemer et Gugerty (1997), Gallup, Radelet et Warner
(1999) et Dollar et Kraay (2000) ont mis en évidence une
élasticité égale à 1 entre la croissance du revenu
moyen et le revenu des plus pauvres.
Une seconde approche consiste à examiner
l'élasticité de la pauvreté définie en termes
absolus par rapport à la croissance du revenu. Ravallion (2000),
Ravallion et Chen (1997) et Bruno, Ravallion et Squire (1998) trouvent une
élasticité de la proportion de la population vivant sous le seuil
de pauvreté proche de 2, suggérant qu'une augmentation du revenu
moyen de 10 % se traduit par une diminution du nombre de personnes vivant sous
le seuil de pauvreté de 20 %. Cependant, De Janvry et Sadoulet (2000)
estiment des élasticités plus faibles (proches de 1) dans le cas
de l'Amérique latine.
Par ailleurs, certaines conditions structurelles ou initiales
sont susceptibles d'affecter la contribution de la croissance à la
réduction de la pauvreté. Ainsi par exemple, l'importance
des inégalités initiales a été
soulignée par Bourguignon (2000), De Janvry et Sadoulet (2000) et
Heltberg (2001). De même, la part de l'agriculture dans le PIB, les
caractéristiques démographiques (taux de croissance de la
population, distribution de la population entre les secteurs ruraux et urbains)
peuvent affecter la contribution de la croissance à la lutte contre la
pauvreté.
Enfin, la qualité et les caractéristiques de la
croissance du revenu peuvent également jouer. Ravallion et Datt (1996)
ont par exemple mis en évidence qu'en Inde, la croissance du secteur
secondaire réduit moins la pauvreté que celle des secteurs
primaires et tertiaires. Cependant, si l'influence positive de la croissance
pour la réduction de la pauvreté est largement acceptée,
sa relation avec les inégalités fait toujours l'objet d'un
important débat.
Psacharopoulos et al (1995) ont mis en évidence dans le
cas de l'Amérique latine, que les inégalités, comme la
pauvreté, réagissent contra-cycliquement avec la croissance. Mais
d'autres études sont moins optimistes. Par exemple, l'analyse de
Ravallion et Chen (1997), sur 42 pays, ne leur permet pas de mettre en
évidence une influence de la croissance du revenu sur le niveau des
inégalités. De même, pour 12 pays d'Amérique latine,
De Janvry et Sadoulet (2000) concluent que la croissance du revenu a certes
permis de réduire la pauvreté, mais pas les
inégalités.
|