2.2.2.2. L'effet de l'Aide sur les réformes :
évidence empirique
Une littérature abondante existe à propos du
lien entre aide et réforme. Les premières études,
notamment ceux de Mosley (1987), Mosley et al (1995) et Thomas et al (1991),
ont conclu avec scepticisme sur la capacité de l'aide à
promouvoir des réformes dans les pays où il n'y a pas
d'engagement fort en leur faveur. L'étude de la Banque Mondiale en 1994
classe 26 pays d'Afrique subsaharienne selon l'évolution de la
qualité de leur politique économique et selon l'évolution
des flux d'aide. Cette étude montre que, pour la plupart des pays du
continent africain ayant bénéficié de flux croissants
d'aide, la qualité des politiques s'est détériorée,
alors que pour une majorité des pays ayant vu diminuer leurs montants
d'aide, les politiques se sont améliorées.
Avec le développement des études
économétriques transversales, le débat sur
l'efficacité de l'aide a pris une nouvelle ampleur. Ainsi, en 1997
Burnside et Dollar ont fait un test empirique de l'effet de l'aide sur la
qualité des politiques économiques. Ils estiment une
équation de politique économique en fonction des
caractéristiques structurelles et politiques des pays. Alors que la
qualité des politiques économiques semble dépendre des
caractéristiques des pays receveurs, la variable d'aide est sans
effet.
Alesina et Dollar (1998, 2000) examinent quant à eux
l'effet de l'aide sur les changements de politique économique. Pour un
échantillon de 60 pays, ils identifient une centaine scénarios
d'augmentations et de diminutions importantes des montants d'aide et analysent
les évolutions (avant, pendant et après) de l'ouverture politique
(saisie par un indicateur de démocratisation) et économique
(saisie par un indicateur d'ouverture commerciale). Les auteurs concluent, en
comparant ces variables, que les variations importantes des montants d'aide ne
semblent pas précéder les réformes politiques ou
économiques. Ces analyses économétriques transversales
permettent de conclure un lien entre l'aide et la qualité des politiques
économiques. Cependant, selon Chauvet et Guillaumont (2004), l'aide peut
inciter le pays receveur d'adopter une meilleure politique économique.
Les travaux Amprou (2001)
montrent également que l'aide peut contribuer à
la promotion des réformes en les rendant politiquement soutenables,
grâce à une neutralisation des groupes d'intérêts
ayant une capacité de résistance. En permettant de compenser
partiellement et temporairement les torts subis par ces groupes, du fait de la
disparition de situations de rentes, l'aide peut faciliter le processus de
réformes.
Enfin, les études de cas concernant l'effet de l'aide
sur la qualité des politiques et la promotion des réformes
présentent des résultats plus nuancés que les analyses
économétriques. Les analyses faites par Devarajan et al (2001)
sur les liens entre l'aide et les réformes dans dix pays africains
suggèrent que l'aide a joué un rôle significatif et positif
dans deux pays réformateurs (le Ghana et l'Ouganda), mais que les pays
donneurs n'ont pas distingué efficacement les différents types de
pays receveurs et les différentes phases du processus de réforme.
Ces auteurs considèrent notamment que : « des montants d'aide
importants dirigés vers des pays ayant de mauvaises politiques
économiques ont eu tendance à faire durer ces mauvaises
politiques. Le financement a permis de différer les réformes
». D'après Berg et al (2001) dans les pays «
réformateurs moyens », les études de cas suggèrent
que l'aide a pu parfois influencer les réformes. Par exemple, en
Côte d'Ivoire avant la dévaluation du FCFA en 1994, de nombreuses
réformes visant à améliorer la compétitivité
ont été mises en oeuvre sous la pression des principaux pays
donneurs.
L'argument selon lequel l'aide n'a pas d'effet sur la
politique économique est présenté dans le rapport
Assessing Aid comme une justification de la nécessité
d'une certaine sélectivité des pays receveurs. Néanmoins,
alors que le constat d'échec de la pratique des conditionnalités
traditionnelles fait l'unanimité, l'absence totale d'effet de l'aide sur
l'amélioration des politiques est discutée et remise en cause par
certaines études empiriques, suggérant que l'aide peut influencer
les orientations de politique par un autre canal que celui des
conditionnalités. Par ailleurs, au début des années 90, le
débat sur l'efficacité de l'aide a commencé à
prendre en compte le principe de réduction de la pauvreté.
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