2.2. La sélectivité de l'Aide
Selon le rapport Assessing Aid, l'hypothèse de
sélectivité de l'aide est justifiée par deux arguments
majeurs : l'aide est fongible et elle est sans effet sur la politique
économique.
2.2.1. La fongibilité de l'Aide
Le concept de fongibilité de l'aide fait
référence à la possibilité, pour le gouvernement
receveur, de réduire ses propres dépenses dans le secteur
ciblé par l'aide pour transférer ses fonds à d'autres
secteurs. Elle a donc pour conséquence un relâchement de la
contrainte budgétaire du pays receveur et l'aide s'ajoute simplement aux
ressources totales de l'Etat. Elle empêche ainsi les bailleurs de fonds
de cibler l'aide comme ils l'entendent.
L'analyse économétrique menée par
Feyzioglu, Swaroop et Zhu (1998) aborde la question suivant trois dimensions.
Tout d'abord, les auteurs tentent de déterminer si l'aide augmente les
dépenses du gouvernement ou permet au contraire au pays de
réduire les taxes ou le déficit public. Sur un échantillon
de 38 pays, les résultats de l'étude montrent qu'un dollar d'aide
n'augmente les dépenses du gouvernement que de 33%, suggérant un
degré élevé de fongibilité.
Ensuite, les auteurs examinent si l'aide finance les
dépenses d'investissement ou de consommation. Des estimations sur
l'échantillon restreint de 14 pays en développement
mettent en évidence que seul 29% d'un dollar d'aide sont
dirigés vers des dépenses d'investissement, le reste allant
à la consommation du gouvernement.
Enfin, Feyzioglu et al analysent si l'aide finance
effectivement le secteur ciblé par le pays donneur. Sur leur
échantillon de 14 pays, il semble que l'aide aux secteurs des transports
et des communications ne soit pas fongible, tandis que le résultat
opposé apparaît pour l'éducation, l'agriculture et
l'énergie. Cette étude a toutefois fait l'objet de nombreuses
critiques le pouvoir explicatif de leur modèle
économétrique est très faible et le caractère
significatif des coefficients est discutable. De plus, les analyses
transversales de la fongibilité ne laissent pas transparaître les
fortes différences existant au sein des pays en développement.
Par ailleurs, Pack et Pack (1990,1993) soulignent l'importance des
caractéristiques des systèmes budgétaires de chaque pays
en montrant que l'aide est fongible dans le cas de la République
dominicaine, mais pas dans celui de l'Indonésie.
Cependant les fondements des modèles de réponses
fiscales ont été étudiés par Heller (1975),
McGillivray et Morrissey (2000). Ces modèles examinent les
mécanismes par lesquels l'aide peut engendrer des comportements du
gouvernement qui sapent l'effet même de l'aide sur la croissance. Ils ont
donné lieu à des applications économétriques qui
suggèrent en général une certaine proportion de
fongibilité dans les flux d'aide, mais dont l'ampleur varie. Par
exemple, les estimations de Franco-Rodriguez, Morrissey et McGillivray (1998)
mettent en évidence dans le cas du Pakistan, sur la période
1965-1995, que la moitié de l'aide a un impact sur la consommation du
gouvernement et qu'elle a eu un effet faible mais positif sur l'investissement
public et un impact négatif sur l'effort de taxation.
Enfin, de nombreuses critiques soulignent que la
fongibilité ne constitue pas un problème. Selon Hjertholm,
Laursen et White (2000), si le pays receveur possède une plus grande
connaissance de la façon à maximiser l'impact de l'aide, la
fongibilité est susceptible d'être en fait un facteur positif pour
la croissance sous l'hypothèse que le pays receveur poursuit des
objectifs de croissance et de développement efficace. Ainsi, la question
de l'influence positive ou négative de la fongibilité
dépend des caractéristiques propres de chaque pays et des
interactions entre les objectifs des pays donneurs et receveurs.
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