Chapitre 3 ROLES ET PLACE DES EMIGRES DANS LE
DEVELOPPEMENT LOCAL
Depuis quelques années, l'émigration prend de
plus en plus de place dans les politiques des pouvoirs publiques. Aussi bien
dans les pays d'accueil que dans les zones de départ, la question ne
laisse personne indifférente. Le rôle que l'émigré
doit jouer comme acteur du développement reste certes partagé
entre différents chercheurs, mais les actions des associations
d'émigrés ont de plus en plus tendance à renforcer cette
participation des émigrés dans la construction de leur
terroir.
A- L'EMIGRE : ACTEUR DU DEVELOPPEMENT LOCAL ?
Cette partie s'inspire essentiellement des idées de la
communication de Gonin P. et Charef M.44 lors du colloque «
Emigrés - Immigrés dans le développement local »,
tenu à Saint Louis en 2003.
A-1/ Définition des concepts
Les deux notions « migration » et «
développement » sont en elles-mêmes complexes et les mettre
en relation contribue à amplifier cette complexité. En effet
chacun y va pour définir ces deux termes. La migration désigne un
changement de résidence habituelle avec franchissement d'une
frontière selon une durée déterminée et des
objectifs précis. Cette définition prend en compte les
critères d'espace, de résidence, la dimension temporelle et dans
une moindre mesure, l'activité. L'émigré est alors
perçu comme une personne qui quitte son pays vers un autre à la
recherche d'opportunités. Au delà de cette définition
générique l'émigré lougatois est
généralement appelé dans le vocable local «
Modou-Modou », ce que Malick Ndiaye45 définit comme
« un produit de la ville ou de la campagne qui vient d'une classe moyenne.
C'est un être doté d'un esprit d'entreprise et d'initiative et qui
fait montre d'un pragmatisme remarquable.
44 « Place et rôle des
émigrés/immigrés dans le développement local »
in émigrés/immigrés dans le développement local
45 Sociologue à l'IRD
Déformation du prénom wolof « Mouhamadou
», actuellement le terme a un sens nouveau qui renvoie à des
référents économiques ».
Quant au développement, on est dans le registre des
concepts « valises ». Notion polysémique par excellence,
« il peut être rural ou urbain, endogène ou exogène,
local ou global, durable ou soutenable » (Gonin P op. cit.). Accolé
au terme local « le concept interpelle tous les projets qui s'adressent
à des actions situées dans un espace local ». Il a beaucoup
évolué et devient de plus en plus d'actualité avec les
implications pratiques des politiques de participation et de
décentralisation que les programmes contribuent à promouvoir. A
GIRARDEL, on entend par développement local une «mobilisation
endogène d'acteurs locaux en vue de la réalisation d'un projet
inscrit dans un territoire, permettant d'y vivre mieux (Magrin G. in Les
Cahiers de GIRARDEL no5, 2007).
La mise en oeuvre du développement local est un «
processus multidimensionnel d'élaboration de programmes d'actions
indépendantes, et par ailleurs une convergence des résultats dont
la cohérence ne peut se vérifier qu'après les
réalisations » (Kébé, op. cit.)
Ainsi, cette relation entre migration et développement
n'en demeure pas moins ambiguë. Elle traduit des réalités
divergentes. Dans biens des situations, le départ est lié
à la non-satisfaction des besoins élémentaires, une des
caractéristiques des régions en difficulté. Ceux qui
partent sont généralement les populations les plus jeunes. En
associant ces deux termes, on doit aussi imaginer ce qui les oppose : rester ou
partir dans son pays pour contribuer à son développement ? Partir
pour mieux revenir ou durer en migration pour permettre aux autres - ceux qui
sont restés- de vivre ?
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