A-2/ L'extension des villages
Dans le même registre, cette propension des
émigrés à la construction est le principal moteur du
développement des villages. Certains villages, il y'a quelques temps peu
étendus, atteignent, sous l'impulsion de l'émigration, des
tailles remarquables. L'évolution accélérée dans
certains villages a commencé avec le développement de
l'émigration à Louga. Les limites des villages sont constamment
repoussées par les nouvelles constructions qui sortent de terre à
un rythme soutenu. La taille de certains d'entre eux, comme Niomré,
mérite de reconsidérer les critères de définitions
de la ville au Sénégal. Ce village, situé à 12 km
de Louga, se singularise par sa taille qui lui donne l'allure d'une cité
urbaine. Selon Ousmane Kanté39 « avant
l'avènement de l'émigration, le village n'était pas aussi
grand et on ne trouvait que des maisons en pailles ou en zinc. Depuis, cette
architecture a presque disparu, laissant la place à de belles villas en
dur. En plus, la valeur foncière a beaucoup évolué et le
prix des terrains, situés sur la route avoisinent les 10 millions de
franc FCA.»
39 Entretien le 06 avril 2007 avec Ousmane
Kanté, président association des émigrés de
Niomré
On retrouve la même situation dans le village de
Djélerlou Syll. De deux concessions à la création du
village il y'a V siècle, on en comptent actuellement 5840.
Photo 4 : Photographie aérienne du village de
Djélerlou Syll
Source : image Google Earth
Les limites du village sont constamment repoussées par
de nouvelles constructions des émigrés comme le montre la
photo 4. Les périphéries du village ressemblent à
un grand chantier et les villas sortent de terre à un rythme soutenu.
B/ LES NOUVEAUX « MODES DE VIE »
Les transferts migratoires ne se résument pas seulement
aux envois monétaires. Les transferts de biens d'équipements, de
technologies et parfois de certains comportements sociaux accompagnent les
transferts migratoires jusque dans les villages les plus reculés du
département. Certains comportements, caractéristiques de la
civilisation urbaine, sont en train de faire leur apparition dans les campagnes
lougatoises. En effet, certains
40 Chiffre obtenu à partir du recensement des
services des impôts et domaines (avril 2007). Les concessions sont
généralement très large et peuvent occuper tout le lot.
sociologues de l'ecole de Chicago41 soutiennent
l'idée qu'il peut y avoir diffusion de la culture urbaine dans les
campagnes, sans pour autant estomper les différences de lieux. Dans les
pays développés, grâce aux migrations pendulaires de
certaines populations qui habitent en campagne et travaillent en ville, on note
une transposition des « modes de vie citadine» dans les campagnes
notamment dans l'utilisation des éléments de confort. Dans les
campagnes lougatoises, le contact de leurs fils avec d'autres
réalités engendre également des variations dans leur mode
de vie.
Grâce à l'argent des émigrés, le
pouvoir d'achat de ces ruraux a sensiblement augmenté. Ce qui procure
une plus grande liberté dans le quotidien des populations. En plus, avec
l'électrification des villages et la télé-satellite les
femmes passent désormais plus de temps devant le petit écran nous
dit Baye Modou Syll.
D'autre part, l'émigré accorde beaucoup
d'importance à l'éducation de ses enfants. Presque tous vont au
primaire. Ce n'est qu'au secondaire que les abandons sont nombreux, quand le
garçon atteint l'age d'aller en migration.
Avant l'avènement de l'émigration les
activités tournaient autour de l'agriculture et de l'élevage. La
survie de chacun dépendait de son travail agricole. Depuis que les fils
des villages lougatois ont commencé à émigrer, il existe
un apport substantiel de devise qui annule cette dépendance au travail
agricole. Aujourd'hui les jeunes ont de moins en moins le goût du travail
agricole. Dans l'attente d'un éventuel voyage, ils essaient de passer
tant bien que mal leur journée. Ce sont des séances interminables
de thé, des discussions qui n'en finissent pas... Ce que
déplorent les anciens des villages qui dans leur jeunesse n'avaient pas
tous ce temps puisque acculés par les travaux agropastoraux.
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