VILLAGES
Les revenus croissants de l'émigration ont des impacts
sur la morphologie spatiale des villages lougatois. Les villages ne sont plus
les même ; les premiers apports de la migration ont modifié leur
physionomie. Dans les villages de Maka Bra Gueye, Djélerlou Syll ou
Niomré qui ont servi de cas à notre étude, le fait
migratoire est
fortement ancré dans les mentalités. Les
discussions sur les réalisations de tel ou tel émigré
constituent les principaux sujets de conversation de ceux qui ne sont pas
encore partis.
Les revenus envoyés, en plus de l'entretien de la
famille, servent à l'acquisition de biens immobiliers. Cela qui se
traduit par un développement rapide des constructions avec des
nouveautés dans les modèles architecturaux.
A-1/ La transformation du bâti
C'est en milieu rural que l'impact de l'émigration est
plus visible dans le département de Louga. Il se lit aisément
dans la morphologie et l'habitat villageois. L'immobilier est un important
secteur d'investissement personnel pour les migrants qui, en attendant leur
retour, offrent déjà à leurs familles de meilleures
conditions de vie. Maintenant, des villas luxueuses avec tous les
éléments de confort ont remplacé les cases en paille. Dans
le village de Djélerlou Syll, ce qui frappe d'emblée le visiteur,
c'est l'architecture des maisons qui n'ont rien de rural (photo 2). A
l'intérieur des maisons, la présence de différents objets
de la vie courante témoigne de l'implication financière des
migrants dans le quotidien des familles. L'image traditionnelle des campagnes
sénégalaises est dépassée dans cette
localité. Les populations sont unanimes quant aux bienfaits de
l'émigration.
Photo 2 : Une villa d'émigré à
Djélerlou Syll
Photo : Papa Issa Ndiaye, octobre 2007
Le développement de l'habitat dans ces milieux n'a rien
à envier à l'habitat des villes sénégalaises.
D'ailleurs, c'est ce qu'explique un maçon que nous avons
rencontré dans le village de Maka Bra Gueye. Pour lui, depuis quelques
temps, les émigrés des villages proposent des modèles
architecturaux en avance sur ceux de la ville. La tendance depuis quelques
temps est aux constructions à étages. En plus les ruraux sont
plus fantaisistes quant à l'image qu'ils veulent donner à leurs
villas. L'originalité est très recherchée pour leurs
modèles. En effet Mme Lö38 du service régional de
l'urbanisme de Louga explique que pour les constructions en milieu rural, les
émigrés se rapprochent très peu de leurs services pour les
formalités administratives. Ils préfèrent copier sur le
modèle du voisin tout en apportant quelques modifications.
L'image des villages lougatois s'en trouve profondément
modifiée. Cela constitue une caractéristique essentielle de
l'émigration en ces lieux. Le dynamisme du secteur immobilier ne
s'arrête pas seulement aux maisons. L'émigré lougatois est
très sensible aux besoins de sa communauté. Les forts liens
d'appartenance à la communauté villageoise font que ces derniers
sont très concernés par la mise en place d'infrastructures dans
leurs villages. Les réalisations de mosquées ou de cases de
santé constituent des opportunités pour l'émigré
d'apporter sa contribution à l'équipement de leur village. Ces
infrastructures tiennent un rôle symbolique dans les impacts des revenus
migratoires. C'est ce qu'affirme Stéphanie LIMA « dans ce contexte,
participer à la construction d'une mosquée marque un
renouvellement d'allégeance au terroir et aux valeurs de la
société » (Lima S. in Gonin P et Charef M, 2005)
Cependant, si la majorité des migrants se lance dans la
construction d'édifices religieux, certains se lancent dans des projets
de développement économique et social. Les écoles et les
postes de santé introduisent peu à peu des ruptures dans l'image
des villages. Dans certains villages, les réalisations issues de
l'argent des émigrés vont plus loin. La route Louga - Djelerlou
constitue un bel exemple d'ouvrage réalisé grâce à
l'émigration et qui a un impact considérable sur la
géographie locale et la mobilité des populations.
38 Mme Lô, technicienne au service
régional de l'urbanisme de Louga. Entretien du 02/8/07
Photos 3 : Deux mosquée construites par les
émigrés de Djélerlou Syll
Mosquée construite grâce au financement d'un
émigré du village en Italie
Grande Mosquée où se tiennent également les
cérémonies religieuses (Gamou, Magal)
Photos Papa Issa Ndiaye, octobre 2007
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