C/ UNE AGRICULTURE EN REGRESSION
Comme évoqué plus haut (chapitre 5), le
secteur agricole bénéficie de peu d'investissements de la part
des émigrés lougatois. La faiblesse de la productivité
agricole, liée à la dégradation des conditions
écologiques, n'encourage guère la relance du secteur.
41 On peut citer entre autre Simmel, Lee, Park
Au départ, les candidats à l'émigration
du monde rural lougatois étaient essentiellement des actifs du secteur
agricole. Cependant les difficultés qu'a connues le secteur furent
à l'origine de leur départ en migration. Beaucoup de parents de
ces émigrés ont pensé qu'après avoir amassé
suffisamment d'argent, ces émigrés allaient donner un coup de
pouce au secteur en proie à de grandes difficultés. Ce fut
rarement le cas. Pire, dans certaines localités du département,
l'apport substantiel de revenus de la part des émigrés a conduit
à un délaissement progressif du travail de la terre par les
jeunes au profit d'un futur espoir d'émigrer.
C'est un constat amer qui se dégage de la bouche de
nombreux agriculteurs des villages lougatois qui éprouvent une grande
déception - malgré leur total soutien au mouvement migratoire-
par rapport à leurs attentes.
« La relance du secteur agricole pouvait se faire
grâce à l'argent envoyé par nos fils. Mais cela n'est
guère le cas. Dans le village, ce sont les mêmes moyens que l'on
utilise depuis des décennies. De plus, avec la perte de bras, surtout
les meilleurs en faveur de l'émigration, il n'y a pas une compensation
avec l'utilisation de moyens plus efficaces pour la culture. Aujourd'hui
même, les jeunes qui ne sont pas encore partis sont de moins en moins
intéressés par le travail agricole. Il n'y a que nous les
vieillards et les femmes qui nous occupons encore des champs. Les rendements
sont faibles. Le travail fourni ne nous permet pas d'avoir de bons rendements.
En période hivernale, c'est comme si dans le village on ne cultivait
plus, tellement il y'a peu de gens qui vont encore aux champs.
L'émigration est très différente de la période des
« noranes » ou on pouvait passer toute la saison sèche en
migration à travers les villes du pays, mais pendant la saison des
pluies, tout le monde rentrait pour cultiver. »42
Ce témoignage est assez révélateur de la
situation qui prévaut dans la plupart des villages qui connaissent un
fort taux d'émigration. Certains jeunes que nous
avons interrogés nous affirment qu'ils dépendent
entièrement des revenus que leur envoient
42 Entretien avec Baye Badara Lo du village de
Niomré, le 6 avril 2007
leurs parents en émigration. Ainsi, ils ne « se tuent
» guère aux travaux champêtres pour des rendements
médiocres.
Certes, la terre ne produit plus assez. Mais, ce qui contribue
le plus à la décadence du secteur agricole dans le milieu rural
lougatois, c'est la quasi dépendance de ces populations aux revenus
migratoires. Dans certains villages, les potentialités de relance du
secteur, grâce au lac de Guiers, sont peu exploitées. Le
financement de l'agriculture de la part des émigrés pourrait
rendre la situation meilleure. A l'image de ce qui se passe dans les pays
maghrébins, les investissements agricoles ont permis de combler la perte
de main d'oeuvre du fait de l'émigration. (Haj Ali Oulfa, op. cit.). De
même au niveau de la vallée du fleuve Sénégal
l'implication des émigrés à la culture irriguée a
permis de fixer une part de la population et du coup d'assurer un dynamisme de
ce secteur.
Dans le département de Louga, une intervention des
émigrés dans le secteur agricole ne devrait pas être
impossible. Certes, les interventions de l'Etat demeurent encore faibles voire
inexistantes mais, une plus grande participation des émigrés
à travers leurs fonds, serait bénéfique à la
relance du secteur agricole. Les revenus migratoires, plutôt que de
détourner la jeunesse avec le mythe du gain facile à
l'étranger - et aussi leur force de travail- doivent plutôt les
inciter au travail. D'autre part en milieu urbain -moins qu'en milieu rural-
les impacts de ces revenus ont profondément marqué la physionomie
du paysage. C`est ce qui ressort de l'analyse que nous proposons d'exposer dans
le chapitre suivant.
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