3 Outils disponibles pour la protection
environnementale. 3.1 Notion d'externalité
Pour mieux appréhender la notion d'externalité,
nous situerons les responsabilités des mar- chés d'une part et
de l'Etat d'autre part. Les économistes parlent d'externalité
pour désigner
ces situations où les décisions d'un agent
économique affectent un autre sans que le
marchéintervienne. Il faut d'ailleurs souligner que parler de
marché n'implique pas de faire unique- ment référence
à une institution fonctionnant avec des prix. Plus
généralement, il y a marchéquand il y a des
moyens, pour des parties concernées, de négocier leurs actions.
Les accords
bilatéraux ou multilatéraux sont d'autres formes
de marchés que la forme concurrentielle. De manière plus
large, les normes sociales sont des contrats implicites dont le respect ne
repose
FIG. 4--
FIG. 5 -
pas sur une juridiction, mais sur des comportements
stratégiques d'acteurs qui se renforcent mutuellement. Ce type de norme
sociale jouait un rôle important dans la gestion des ressources communes
dans les sociétés traditionnelles d'avant industrialisation.
3.1.1 Les défaillances du marché
Quelle est la raison de ces défaillances? Qu'est- ce qui
explique l'existence des externalités? Si c'est la divergence entre
coûts privés et coûts sociaux, pourquoi perdure-t-elle?
Les réponses à ces questions ont
été fournie par Coase et reposaient sur le concept de coûts
de transaction, qui traduit l'existence de coûts spécifiques dus
aux tentatives de coordination des agents. Si ceux-ci pouvaient aisément
entrer en relation chaque fois que certains souffrent des actions d'autres, un
espace de négociation pourrait s'ouvrir, et qui conduirait alors
à une situation meilleure pour tous. Autrement dit, si les
externalités existent, c'est parce qu'il est plus couteux(en terme de
transactions) de les faire disparaître que de les supporter.
Un exemple souvent repris d'une négociation
bilatérale aboutissant à un accord est celui qui avait
opposé Volvo et British Petroleum en Suède. Le constructeur
automobile constatant que ces carrosseries étaient corrodées par
suite des émissions de la raffinerie quand le vent soufflait dans sa
direction, a obtenu de cette dernière qu'elle ne poursuive ses
activités corrosives que pendant les périodes où le vent
soufflait dans la direction opposée. Si l'on considère
comme une donnée la localisation proche des deux
industriels, cet exemple peut être invoquécomme une
application du » théorème » de Coase qui stipule que,
en l'absence de coûts de
transactions, il est toujours possible d'éliminer les
externalités par la négociation. Ce serait toutefois oublier les
conséquences de l'implantation de la raffinerie sur la qualité de
l'air, qui n'intéresse pas que les deux industriels. Ce qui est
remarquable dans cet accord, c'est qu'il exclut complètement les
habitants de la ville voisine qui subissent, sans pouvoir intervenir, la
dégradation de l'atmosphère. Du fait de leur grand nombre et donc
de leur capacité de négociation individuelle faible, ils n'ont
pas eu leur mot à dire sur l'installation de la raffinerie près
de chez eux, supportant ainsi les coûts sociaux qu'impliquait son
activité. Ce qu'illustre en fait cet exemple, c'est la difficulté
de la coordination quand un grand nombre d'acteurs est concerné.
La figure suivante va nous permettre d'expliciter graphiquement
cette partie. On y a représentéla demande D pour le bien produit
et l'offre O de ce bien. Jusqu'alors, les firmes décidaient de
leur niveau de production en égalant le prix de vente
de leur produit avec leur coût marginal (privé), soit un
équilibre de marché pour un prix p et une production Y,
correspondant au point E sur la figure. Supposons que l'Etat impose aux
entreprises une taxe t sur la production pour qu'elles intègrent le
coût social de leur activité et pour que le prix qui parvienne aux
consommateurs soit révélateur du coût pour la
collectivité de l'utilisation de ce bien. Cette taxe augmente les
coûts des entreprises, ce qui a pour effet de diminuer l'offre, qui est
maintenant représentée par O', et déplace
l'équilibre en E', où le prix est p' et la
production Y'.
En fait, pour que les firmes décident du niveau de
production Y' sur la seule base de leurs coûts privés,
il eût fallu que le prix de marché soit égal à
p'', correspondant au coût marginal de production de
Y'. Comme la quantité Y' est produite et vendue au
prix p', la différence p' - p'' correspond
à l'écart entre les coûts privés et les coûts
sociaux et doit être égale à la taxe t, imposant ainsi aux
firmes de prendre en compte les coûts sociaux. On dit que l'effet externe
a été internalisé. Une autre cause de défaillance
du marché et de la persistance de la dégradation réside
dans les comportements de passager clandestin. A cause de la nature de bien
public des biens environnementaux, chacun, pris individuellement, a
intérêt à sous- déclarer sa disponibilité
marginale à payer. En effet, même en ne participant pas à
l'effort commun pour réserver la qualité de l'eau d'une
rivière, par exemple, on pourra toujours en bénéficier une
fois l'effort fait. Mais comme chacun se trouve dans une situation, il est
possible
FIG. 6 -
que l'effort total soit insuffisant pour maintenir une
qualité acceptable. On parle de passager clandestin pour
caractériser ce comportement individualiste de sous-déclaration
de son intérêt pour le bien. Enfin, une troisième cause de
dysfonctionnement est due à l'impossibilité de l'existence d'un
marché, comme dans les situations où les
générations futures sont impliquées. Ici, il ne peut y
avoir de négociations tout simplement parce qu'li manque un des membres
pour négocier. Les difficultés sont encore accrues du fait des
grandes incertitudes sur la valeur future des biens considérés,
cette valeur ne peut être évaluée avec précision,
soit parce que les préférences des générations
futures auront changé.
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