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L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun

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par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA
Université de Kinshasa - Graduat 2004
  

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B. Du régime politique institué par l'acte constituant du 18 janvier 1996

Il importe de recourir à l'exégèse de la constitution du 18 janvier 1996 pour pouvoir qualifier le régime politique en place au Cameroun.

En effet, l'art.12 al. 1 de la constitution dispose que « le Premier ministre est le Chef du gouvernement et dirige l'action de celui-ci ». Le Premier ministre du Cameroun est donc une instance de décentralisation de l'exécutif en imitation de la constitution française de la Vème République. Et le régime en place est semi-présidentiel, c'est-à-dire muni d'un exécutif à deux pôles de pouvoir, celui du Président de la République et celui du Premier ministre.

Théoriquement donc, le régime politique en place au Cameroun répondrait à la typologie des régimes semi - présidentiels, où l'on retrouve un gouvernement collégial et solidaire, responsable devant l'Assemblée élue au suffrage universel direct et un président élu lui aussi, au suffrage universel direct et disposant non seulement de l'autorité que confère ce mode de désignation, mais aussi des pouvoirs considérables((*)143). Serait-ce, enfin, une rupture avec le présidentialisme hérité d'Ahmadou AHIDJO et que même la révision constitutionnelle du 23 avril 1991 n'était pas parvenue à annihiler ?

Une exégèse complète de la constitution ne se limitant pas seulement à l'article susmentionné ainsi que l'analyse de la pratique faite par les acteurs politiques permettent d'opter pour une qualification différente du discours officiel. On peut en effet lire à l'art. 11 al. 1 de la constitution que « le gouvernement est chargé de la mise en oeuvre de la politique de la nation telle que définie par le Président de la République ». Le Président de la République garde donc toujours une place centrale au sein de l'exécutif et du système politique camerounais. Il définit la politique de la nation que le Premier ministre se contente d'appliquer. Un tel système, obligeant le Premier ministre à appliquer la politique définie par le Président amènerait un Premier ministre issu d'une opposition dominant l'Assemblée nationale à léser les intérêts des siens. Mais le système ne prévoie que l'appartenance à la majorité présidentielle. Il a érigé un état de fait en une loi de convenance((*)144).

En clair, le Premier ministre n'est pas ce que l'art. 12 al. 1 déclare qu'il est : le Chef d'un gouvernement effectif. D'ailleurs, l'art. 10 al. 2 confirme ce point de vue. Cet article déclare en effet que « le Président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier ministre, aux autres membres du gouvernement et à certains hauts responsables de l'administration de l'Etat, dans le cadre de leurs attributions respectives »((*)145). Pour le constituant, une telle délégation des pouvoirs ne revêt qu'un caractère facultatif. Qui plus est, le Premier ministre est placé sur le même pied d'égalité avec les autres membres du gouvernement et certains hauts responsables de l'administration de l'Etat!

Pire encore, le Premier ministre est affligé d'une double dépendance vis-à-vis du Président et à l'égard de l'Assemblée nationale. Le président peut mettre fin discrétionnairement à ses fonctions, il peut le reconduire dans celles-ci en cas de démission ou de motion de censure de la part de l'Assemblée. Celle-ci peut en outre lui refuser sa confiance ou voter contre son gouvernement une motion de censure, dans l'un ou l'autre cas, à la majorité de deux tiers des membres la composant. Ainsi, le Premier ministre est obligé d'exécuter et de gérer des politiques pour lesquelles son accord n'est pas requis et de les défendre devant une Assemblée qu'il ne contrôle pas et qui ne saurait endosser des choix éventuellement contraires à ses intérêts.

Le régime politique institué par la constitution dont question ici n'est donc semi - présidentiel que théoriquement. L'analytique institutionnelle, sur base des développements ci-dessus, permet d'affirmer que l'on est en face d'un régime que la doctrine publiciste qualifie de présidentialisme, c'est-à-dire d'un régime dévié du système présidentiel mais qui n'en a pas respecté le mérite essentiel, à savoir le partage équitable des pouvoirs((*)146). « C'est la contrefaçon autoritaire du régime présidentiel »((*)147) qui « se traduit par l'attribution au Chef de l'Etat de prérogatives qu'il ne possède pas dans un véritable régime présidentiel »((*)148) : initiative législative, droit de dissolution, fixation de l'ordre du jour de l'assemblée « et qui, dans le cas de l'Afrique, lui sont reconnus par les textes »((*)149) (Sic!).

Tel est l'état des institutions politiques du Cameroun et des textes constitutionnels censés les régir, telle est surtout la culture antidémocratique que la période qualifiée de transition démocratique n'a pas annihilée. C'est elle qui explique les difficultés ou même les impossibilités du changement, s'il doit être conduit par des équipes dont le noyau « dur » est constitué par ceux qui sont au pouvoir depuis 35, 30 ou 25 ans. Il y a lieu d'affirmer avec le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI que « les dirigeants des indépendances dont certains tiennent à gouverner, à ce jour, ne peuvent que refléter une conception despotique de l'Etat. Ce qu'ils ont intériorisé durant la colonisation »((*)150). C'est ainsi que Fabien EBOUSSI BOULAGA note qu'entre 1990 et 1996, on retrouvait aux mêmes postes clés les mêmes hommes, Paul Biya à la Présidence de la République, Jean FOCHIVE à la tête de toutes les polices, Joseph Charles DOUMBA au secrétariat général du RDPC, Robert MBELLA MBAPPE à l'Education nationale, le Général SEMENGUE à l'Etat major des armées, André TSOUNGUI au ministère de l'administration territoriale. Ils symbolisent, de l'avis de l'auteur, la continuité avec le régime Ahidjo, voire avec la période coloniale finissante((*)151). D'autres sont là et n'ont changé que des portefeuilles. Plus jeunes, ils incarnent cependant l'intransigeance et l'idéologie du pouvoir arbitraire dont ils sont les produits.

Mais quelle évaluation pouvons-nous faire du processus démocratique en cours au Cameroun, à travers sa structure institutionnelle et constitutionnelle ?

* (143) Voir P.PACTET, op.cit, p. 154.

* (144) Sur ce, nous signalons que ce constat que nous faisons notre est aussi celui fait par F. EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p.181 sur la primature instaurée par la révision constitutionnelle du 23 avril 1991.

* (145) C'est nous qui soulignons.

* (146) E. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, op.cit, p. 292.

* (147) Idem.

* (148) Ibidem.

* (149) Ibidem, p.293.

* (150) G. BASUE BABU-KAZADI, structures...,op.cit., p.40.

* (151) F. EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p.172. Jean FOCHIVE , faucon du régime au plus fort de la contestation politique, a été relevé de ses fonctions le premier mars 1996 sur la pression de la France.

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