L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA Université de Kinshasa - Graduat 2004 |
§2. LA PRATIQUE DU PRINCIPE DE LA LICEITE DES MESURES NON CONTRAIGNANTESLe droit international permet donc d'user des mesures non contraignantes pour réagir à la violation d'obligations internationales commises dans un autre Etat. Dans ce sens, les acteurs internationaux peuvent porter des jugements, opérer des constations et même formuler des recommandations ou des souhaits portant sur des matières appartenant ou non au domaine réservé d'un autre Etat. Cette conclusion se vérifie aussi bien dans le domaine des relations économiques internationales que dans celui des positions officielles exprimées à propos des situations internes. A. Les relations économiques internationalesL'argent est non seulement le nerf de la guerre, mais aussi celui des relations politiques dans leur ensemble et internationales en particulier. Ce qui fait dire au professeur Greg BASUE BABU-KAZADI que la politique est la continuation de la guerre par d'autres moyens, l'arme économique étant le recours quotidien de la plupart des Etats dans leurs relations réciproques((*)78). Ainsi un sous secrétaire d'Etat américain déclarait en 1981 que les relations économiques devaient permettre et renforcer le but de la politique américaine d'influencer le comportement des Etats communistes((*)79). Mais à partir de quand la pression économique devient-elle une véritable contrainte constitutive d'intervention prohibée ? La politique d'octroi de prêts du FMI apporte un éclairage significatif dans ce domaine. On sait que cette politique d'octroi est basée sur le principe de « conditionnalité » de prêts subordonnés à certaines mesures de politique économique et de réforme politique que doit adopter l'Etat bénéficiaire. Par exemple, l'accord FASR signé en 1997 entre le FMI et le Cameroun se traduit par une obligation pour ce dernier de diminuer les dépenses publiques (éducation, santé, transports ), de réduire les emplois, de réduire les salaires et d'augmenter les taxes et impôts ( recettes fiscales). Cet exemple démontre que l'octroi de prêts n'est accordé qu'aux Etats qui acceptent librement les conditions édictées. Il y aurait donc une absence de contrainte, du moins sur le plan formel. Cette absence de la contrainte dans son aspect juridique ne fait pas disparaître son existence réelle. L'Etat en difficulté est toujours presque obligé de recourir à ce type d'emprunt et donc aux mesures d'accompagnement. Cela est d'autant plus évident que l'ensemble des autres opérateurs n'accorde souvent de nouveaux prêts à un Etat que sur base des accords conclus par ce dernier avec le FMI. C'est ainsi que la France n'accorde son aide à l'ajustement structurel qu'aux Etats de la zone franc conduisant un programme d'ajustement soutenu et financé par le FMI. Ce mécanisme de conditionnalité n'est donc pas limité dans le seul cadre du FMI. La résolution 36/103 du 09 décembre 1981 de l'Assemblée générale sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures énonce « l'obligation pour un Etat de ne pas user de ses programmes d'aides économiques extérieurs contre un autre Etat en violation de la charte des N.U. » - formule vague car renvoie au principe de non-intervention. Pourtant, la pratique de la conditionnalité tant par les Etats et le FMI que par les organismes régionaux, ne révèle aucune exigence formellement exprimée. Sur ce, SCHACHTER affirme que « refuser une aide ne représente ni une contrainte, ni une ingérence ; tous les pays se sont toujours estimés libres de ne pas accorder leur soutien aux pays pour lesquels ils ne nourrissent pas de sympathie »((*)80). Les Etats bénéficiaires de leur coté acceptent ou subissent une pression s'exerçant sur leur politique économique, pourvu qu'aucune exigence ne soit formulée à leur encontre : « sans avoir le champ entièrement libre, les Etats disposent d'une très large gamme de mesures leur permettant de peser sur le destin économique d'autrui, sans pour autant enfreindre le droit international »((*)81). On peut donc conclure que nonobstant les contestations d'usage - qui sont plus des déclarations politiques -, la licéité et l'existence des mesures économiques sont largement admises, étant donné qu'elles sont rarement contestées devant les instances judiciaires ou arbitrales internationales. * (78) G. BASUE BABU-KAZADI, l'action... op.cit, p.302. * (79) Propos reproduit par O.CORTEN et P. KLEIN, op.cit, p.51. Le texte est en anglais, la traduction est nôtre. * (80) SCHACHTER, cité par G. BASUE BABU-KAZADI, op.cit, p. 308. * (81) G. BASUE BABU-KAZADI, op.cit, p.309. |
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