2. Chapitre II : La Cohésion sociale en
France
P
armi les sociétés ayant entrepris la voie de
l'industrialisation, la France fait pâle figure. Ce n'est, en effet, que
soixante-quinze ans après l'Angleterre, qu'elle a connu son
véritable démarrage industriel. Cet état de fait renseigne
sur un retard qui portera
préjudice à l'économie française.
La fin des trente glorieuses, vers la moitié des années
soixante-dix, sonne la fin de la croissance soutenue. Une nouvelle donne
commence alors, l'hégémonie des pays occidentaux commence
à s'effriter tandis que de nouveaux pays commencent à s'imposer
sur la scène économique internationale comme le Japon, La
Corée du Sud et la Chine... Dans cette conjoncture, La France est
touchée de plein fouet, elle perd de sa compétitivité
surtout dans le domaine du textile et de l'électronique.
Cette crise économique est lourde de
conséquences. Son impact sur le niveau social est alarmant. En effet, le
chômage est devenu structurel et de longue durée. La
flambée des prix a eu pour effet la baisse du pouvoir d'achat. La vague
d'immigration, qui a débuté dès les années
soixante, a donné naissance à une nouvelle
génération exclue souffrante d'une crise d'identité et
d'énormes inégalités sociales. L'absence de la croissance
économique a limité l'action de l'Etat en matière d'aides
sociales. On comprend donc mieux pourquoi les français sont peu
optimistes à l'égard de leur futur : 34% des français
seulement sont optimistes sur le sort que connaîtront leurs
enfants4. A l'état actuel, La crise économique a donc
engendré une crise sociale profonde dont les inégalités
sociales, discriminations raciales, logement insalubre et le chômage des
jeunes sont les principaux éléments. L'ascenseur social semble
céder la place au « descendeur » social. Il convient de
signaler que La cohésion sociale en France court un grand danger. Que
fait alors l'Etat pour sortir de cet abîme ?
Curieusement, l'Etat français ne lésine
guère sur les moyens, plus de 30 %5 de sa richesse est
orienté vers la protection sociale. C'est décidemment l'usage de
cette somme considérable qui laisse à désirer. C'est
attribuable essentiellement d'une part à des plans et des
stratégies qui ne s'inscrivent pas dans la continuité, les
politiques sociales changent avec chaque gouvernement, et d'autre part à
un protectionnisme mal placé et à l'atonie de l'Etat en
matière de politique sociale. En effet : « Quatre erreurs
majeures ont été commises :
4 Source : INSEE.
5 Source : Plan de Cohésion Sociale.
· avoir oublié que l'emploi était
le fruit de la rencontre d'une offre et d'une demande et que l'une et l'autre
devaient s'organiser et se prévoir ; la France n'a que très peu
investi dans ce domaine, alors que cet investissement est l'un des plus
rentables de tous ;
· avoir considéré l'emploi comme un stock
donné à partager, plutôt que comme le fruit sans cesse
recomposé de l'activité et de l'inventivité humaines
;
· avoir organisé le contingentement de la
population active et la protection systématique de l'emploi existant
plutôt que son augmentation et sa rotation ;
· avoir fait du traitement social du chômage
la réponse ultime au manque de travail, alors qu'il ne peut s'agir que
d'un moyen de retour progressif vers l'emploi des personnes qui en sont le plus
éloignées. » (Plan de la Cohésion Sociale,
2004)
Depuis 2005, plusieurs plans sont élaborés pour
remédier à ces problèmes : le plan de la cohésion
sociale, espoir banlieues, grenelle de l'insertion. Nous allons voir un
à un le contenu de ces plans.
Il est important de signaler que les inégalités
sociales, en France, sont concentrées dans des régions
spécifiques : les banlieues.
2.1. Le Plan de Cohésion Sociale6 :
L
e PCS est entré en vigueur le 18 janvier 2005 sous
l'égide de Jean-Louis Borloo7, alors ministre de l'Emploi, du
Travail et de la Cohésion sociale. Le mot d'ordre étant de
préparer l'avenir et créer des conditions propices à une
croissance soutenue,
la priorité est donc accordée aux jeunes. D'une
durée quinquennale, le plan se répartit en vingt programmes qui
s'articulent autours de trois axes, à savoir :
o L'emploi
o Le logement
o L'égalité des chances.
2.1.1. L'emploi :
Le marché de l'emploi subit de graves
dysfonctionnements engendrant à la fois un chômage de longue
durée et des secteurs « pénuriques » comme la
restauration, en effet les employeurs de ce secteur faute de ne pas trouver de
main d'oeuvre font appel à celle des immigrés clandestins.
S'inspirant du modèle de la « Flex-sécurité »
danoise, Le PCS veut réconcilier la fluidité du marché du
travail avec la sécurité économique des citoyens. Pour ce
faire, une logique de réinsertion est substituée à celle
de l'assistanat. Onze programmes y sont consacrés, qui se
déclinent comme suit :
+ Afin de lutter contre l'éclatement des dispositifs
français d'intervention en faveur des chômeurs, et d'optimiser le
service rendu au demandeurs d'emplois ainsi qu'aux entreprises. 300 maisons de
l'emploi seront créées, tout au long de cinq ans,
réunissant en son sein les différents agents de la politique de
l'emploi fédérés au sein d'une structure juridique : Le
GIP ( groupement d'intérêt public). Ainsi, un dossier unique du
demandeur d'emploi sera mis en place en vue de faciliter les démarches
et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. En contrepartie, ces derniers
devront faire preuve de leur bonne foi en cherchant constamment du travail tout
en participant activement au programme de formation. Si tel n'est pas le cas,
des sanctions « justes et graduées » devront
être prononcées pour crédibiliser le dispositif.
6 Toutes les données présentées
sont relatives à l'année 2004, date de l'élaboration du
PCS.
7 Actuellement ministre de l'Etat, ministre de
l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de
l'aménagement du territoire.
+ S'agissant du taux d'emploi des jeunes, le constat est sans
appel. En effet, il est de 26% en France contre 55% en moyenne en Europe.
L'ANPE recense 430 000 de jeunes demandeurs d'emploi. 150 000 sortent
annuellement du système éducatif sans diplôme dont environ
60 000 sans aucune qualification. Le PCS se propose d'accompagner 800 000
jeunes dans le cadre du « Contrat d'avenir ». Ledit contrat est un
accompagnement personnalisé pour une période d'un an pouvant
être renouvelée jusqu'à l'accès définitif
à l'emploi durable. Chaque jeune a un référent qui l'aide
à définir son projet professionnel et le suit sur tous les plans
: logement, transport et santé. De plus, Les « plates-formes de
vocation » permettent l'orientation des jeunes vers les «
métiers du plein-emploi » en passant des tests par simulation ou
analogie8. Les 800 000 jeunes auront trois voies d'accès
à l'emploi :
La répartition des 800 000 jeunes
100 000
350 000
350 000
"500 000 apprentis, étudiants de métiers"
Emploi marchand
Fonction publique par alternance
+ En France, 1 000 000 d'entrepreneurs ont des PME, des petits
commerces ou travaillent dans l'artisanat. Cependant vue la situation
démographique, leur nombre chutera de moitié au cours de la
décennie qui vient. La question se pose alors sur la transmission de ces
centaines de milliers d'entreprises. « L'alternance sera, dans les
années à venir, la meilleure voie pour devenir patron dans notre
pays [la France] »( Plan de la Cohésion Sociale PCS, 2004). Le
PCS compte, pour combler ce vide, sur la formation en alternance. Le programme
est appelé « 500 000 apprentis, « étudiants des
métiers » ». L'objet est de rendre cette formation pourvoyeuse
d'emploi. Plusieurs
8 Mis au point par l'ANPE
moyens sont mis en place notamment l'aide au logement et la
création des campus des métiers pouvant délivrer aussi
bien des CAP (certificat d'aptitude professionnelle) que des diplômes
d'ingénieur.
+ Pour (r)établir l'égalité des chances
dans la fonction publique, le PCS mise sur la PACTE ( parcours d'accès
à la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat).
Cette dernière est une formation alternée en service public au
service des jeunes issus des quartiers sensibles. Aucun nouvel emploi ne sera
créé, le PCS usera uniquement des 120 000 fonctions
libérées annuellement par les départs à la
retraite. Il convient aussi de signaler que ces postes ne concernent que les
jeunes sans qualification ni diplômes.
+ A la base le Revenu Minimum d'Insertion (RMI) et
l'Allocation de Solidarité spécifique (AS S) étaient des
allocations ayant pour but la reconduite des chômeurs vers le
marché du travail. Cependant, avec le temps ils semblent
s'éloigner de leur mission. Pour combler ces lacunes, le PCS a mis en
place un nouveau contrat : « le contrat d'activité »
présenté comme étant un accompagnement personnalisé
systématique et sur un contrat de travail aidé. C'est un double
contrat, en effet, le bénéficiaire, qui doit être
allocataire du RMI et de l'ASS, passe un contrat avec le
référant, représentant de la collectivité publique
en charge du dispositif, et un avec l'employeur. La durée du contrat est
de deux ans pouvant être prolongée d'une année. Vers la fin
du contrat le bénéficiaire a droit à une qualification,
à une VAE (validation des acquis de l'expérience) ou bien
à une attestation de compétences.
+ L'économie solidaire lutte contre l'exclusion par
l'insertion via l'activité économique. En effet, 73 % des
bénéficiaires sont en emploi et 3% en formation. Mais elle est
caractérisée par une fragilité financière. Le PCS
s'est assigné la mission d'épauler ce secteur afin de mener
à bien sa mission. Le montant d'aide est révisé à
la hausse de 66 millions d'euros en 2005, et 100 millions d'euros en 2007.
+ Pour les chômeurs de longue durée de plus de
26 ans, le PCS prévoit : la fusion des différents crédit
afférents aux contrats aidés dans une seule enveloppe. Ces
contrats sont accompagnés d'une formation qualifiante.
+ La législation qui a trait au marché du
travail est complexe et rigide pouvant entraver la création d'emploi. Le
PCS prévoit à cet égard une modernisation du dispositif
législatif par le biais d'une négociation interprofessionnelle
dont les thèmes principaux sont :
o La gestion sociale des restructurations
o L'emploi des seniors
o La santé et la sécurité au travail
o La sécurisation des règles régissant les
relations individuelles et collectives de travail.
o L'évolution de la législation sur la
durée du travail
o La modernisation du financement du paritarisme.
+ Dans sa quête de 250 000 emplois, le PCS mise sur les
services aux particuliers, un secteur en plein essor qui a l'avantage
d'être à l'abri de la concurrence internationale. Ainsi, une
réduction des barrières à l'entrée sur le
marché des services aux particuliers est prévue dans le but
d'inciter la création d'emploi.
+ 46% des entreprises sont créées par des
chômeurs (35%), d'allocataires de l'ASS (4%) ou du RMI (7%). Le taux de
survie de ces entreprises est supérieur à la moyenne nationale en
France. Afin d'encourager ces jeunes et inciter d'autres à entreprendre,
le PCS s'est mis comme objectif d'atteindre 100 000 créations d'emplois
par des chômeurs entrepreneurs sur cinq ans par trois séries de
mesures :
o Renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi
créateurs d'entreprises.
o Faciliter l'accès au crédit.
o Prolonger, dans certaines conditions, le
bénéfice des aides du dispositif ACCRE (aide aux chômeurs
créateurs et repreneurs d'entreprises)
+ « le travail des femmes est une triple
nécessité : pour les femmes, pour l'économie et pour la
société ». cependant il convient de souligner que les
femmes ont plus de difficulté d'accès à l'emploi et sont
souvent victimes de multiples discriminations. Le PCS a l'ambition de porter
à 60 % le taux d'activité des femmes entre 15 et 64 ans,
conformément à l'objectif affiché lors du sommet de
Lisbonne en 2000. cinq mesures sont alors mises en oeuvre :
o Mesures en faveur des PME : créer une aide au
remplacement lors d'un congé maternité, aider les PME à
prendre les dispositions nécessaires à l'égalité
professionnelle.
o Supprimer les incidences de la maternité sur
l'évolution de la carrière des femmes et réduire les
inégalités de rémunération.
o Lever les obstacles à l'accès à la
formation et l'apprentissage.
o Valoriser l'activité des femmes.
o Dynamiser le retour à l'emploi et la création
d'activité par les femmes.
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