1.3. Axe politique :
La société regroupe une nuée
d'intérêts qui peuvent s'avérer antagonistes. Une
société bien organisée et hiérarchisée
paraît alors indispensable pour la sauvegarde du corps social, cependant
cette conception de la société ne peut être
réalisée que si tous les hommes renoncent à une partie de
leurs intérêts. C'est dans ce sens qu'un bon nombre de
philosophes, tels que Thomas HOBBES, John LOCKE et Jean-Jacques ROUSSEAU, se
sont penchés sur un pacte librement établi par l'ensemble de la
communauté, sur lequel repose la légitimité de l'Etat. Ce
pacte est appelé le contrat social.
Contrairement aux autres philosophes, Jean-Jacques ROUSSEAU
est le seul qui assoit son contrat social sur l'égalité et la
liberté de tous les citoyens. En effet, il dénonce vivement la
loi du plus fort et l'esclavagisme. D'ailleurs dans le quatrième
chapitre de son livre « du contrat social » il écrit
: « Puisqu'un homme n 'a aucune autorité sur son semblable, et
puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base
de toute autorité légitime parmi les hommes. »
(Jean-Jacques Rousseau, 1761). Le contrat social, tel qu'il le présente,
est une association de tous les citoyens où chacun s'engage à
faire partie de la société et à se plier à la
volonté générale, en contrepartie la société
protège et procure de la liberté à chaque citoyen.
ROUSSEAU a, de ce fait, posé les premiers jalons de la
démocratie.
Toutefois, la majorité des pays et à leur
tête les sociétés industrielles suivent une «
démocratie » libérale. Où l'Etat se cantonne à
des fonctions régaliennes. Quoique lors de certaines périodes
telles que les trente glorieuses, sa marge de manoeuvre fut élargie en
vue de réduire les inégalités sociales par la distribution
des richesses. Quoi qu'il en soit la démocratie libérale promeut
les libertés individuelles, il en découle que certaines
catégories sociales influentes exercent leurs libertés plus que
d'autres, voire au détriment des autres. En Effet : « Si le
plus faible dénonçait quelque énorme
inégalité réelle, le plus fort répondait que
l'égalité serait au contraire satisfaite et parfaite »
(Charles Maurras, 1937) . Preuve en est les inégalités
raciales au Etats-Unis notamment, l'interdiction du droit de vote aux
étrangers en France3...et les exemples sont légion.
La représentativité de l'ensemble des
catégories sociales représente le socle de la démocratie,
or même dans les pays les plus démocratiques cette
représentativité laisse à désirer. A titre
illustratif, une enquête menée par le ministère de
l'intérieur français sur l'origine sociale des maires en 2001 a
donné les résultats suivants :
Catégories sociales des maires comparées à
celles Unité : %
|
de leurs administrés.
Maires en 2001
|
Population de plus de 15 ans
|
Agriculteurs exploitants
|
18,0
|
1,3
|
Artisans, commerçants et chefs d'entreprises
|
6,9
|
3,3
|
Cadres et professions intellectuelles supérieures
|
22,7
|
7,0
|
Professions intermédiaires
|
6,9
|
11,0
|
Employés
|
7,3
|
16,3
|
Ouvriers
|
1,5
|
15,1
|
Retraités
|
29,7
|
22,1
|
Autres sans activité professionnelle
|
7,0
|
23,9
|
TOTAL
|
100
|
100
|
3 À l'exception des ressortissants de l'union
européenne pour les élections européennes et
municipales.
Source : Ministère de l'Intérieur - bureau des
élections et des études politiques. Année des
données : 2001
Ce tableau reflète une représentativité
insatisfaisante, en effet, ceux qui sont bien placés dans la
société sont ceux qui sont les plus représentés, et
ce en dépit de leur proportion réduite au sein de la
population.
Un énorme fossé s'est donc creusé depuis
la fin du XVIII siècle à nos jours, à tel point qu'il nous
paraît aujourd'hui tout à fait naturel. Jusqu'à
présent nous n'avons traité que les sociétés
hautement industrialisées qui ont adopté un mode de production
capitaliste. Seulement, d'autres pays ont pris le chemin du socialisme,
cependant avec la chute du mur de Berlin en 1989 l'importance de ceux-ci dans
l'échiquier mondial s'est considérablement réduite. Le
clivage entre le capitalisme et le socialisme s'est transformé en
clivage entre pays riches et pauvres. La cohésion sociale n'est
manifestement pas la même d'un pays à l'autre, il serait donc vain
d'essayer de la normaliser.
En définitive, les sociétés actuelles,
dans toutes leurs formes, ne sont pas dans une bonne posture. En effet, la
montée de l'individualisme et les inégalités sociales
accrues tant au niveau économique que politique sont le lot de toutes
les sociétés. Sont-elles alors, comme les considérait
Durkheim, des formes pathologiques ? Ou sont-elles, comme les qualifieraient
Marx et Engels, une conséquence résultante du modèle de
production capitaliste ?. En tout cas, la nécessité du maintien
de la cohésion sociale s'impose avec acuité.
C'est dans cette optique que nous allons voir les plans et
stratégies mis en oeuvre en matière de cohésion sociale
dans un pays industrialisé comme la France et l'Union Européenne,
dans une dimension continentale, ainsi que dans un pays en développement
comme le cas du Maroc.
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