Au XIXe siècle, la révolution industrielle a
développé les villes. Les terrains se situant au centre-ville
deviennent de plus en plus chers, les populations les plus démunies ont
été obligées de quitter les villes et de s'installer dans
les périphéries. On parle alors de la ségrégation
des populations pauvres : « L'extension des grandes villes modernes
confère au terrain dans certains quartiers, surtout dans ceux
situés au centre, une valeur artificielle, croissant parfois dans
d'énormes proportions ; les constructions qui y sont
édifiées, au lieu de rehausser cette valeur, l'abaissent
plutôt, parce qu'elles ne répondent pas aux conditions nouvelles ;
on les démolit donc et on les remplace par d'autres. Cela a lieu surtout
pour les logements ouvriers qui sont situés au centre et dont le loyer,
même dans les maisons surpeuplées, ne peut jamais, ou du moins
qu'avec une extrême lenteur, dépasser un certain maximum. On les
démolit et à leur place on construit des boutiques, des grands
magasins, des bâtiments publics... Il en résulte que les
travailleurs sont refoulés du centre des villes vers la
périphérie, que les logements ouvriers, et d'une façon
générale les petits appartements, deviennent rares et chers et
que souvent même ils sont introuvables. Car, dans ces conditions,
l'industrie du bâtiment, pour qui les appartements à loyer
élevé offrent à la spéculation un champ beaucoup
plus vaste, ne construira jamais qu'exceptionnellement des logements ouvriers
»( Frédéric Engels, 1873)
En France, les premières prémices des banlieues
débutent en 1894, date de la loi Siegfried, encourageant la construction
des habitations à bon marché [HBM] assurée par des
sociétés de droit privé. L'intervention directe de l'Etat
en matière d'aménagement urbain est esquissée à
partir de 1928, période de l'entre-deux-guerres, avec d'une part la loi
Sarrault en mars qui lutte contre l'urbanisation anarchique qui
caractérisait à l'époque les banlieues et d'autre part la
loi Loucheur en juillet qui finançait la construction de 200 000 HBM et
de 60 000 logements destinés à la classe moyenne.
Après la seconde guerre mondiale, la France
connaît un énorme chantier de reconstruction. Une demande
pressante se fait sentir dans le secteur du bâtiment.
Bénéficiant d'une large ligne de crédit grâce au
plan Marshall, l'Etat relance le secteur du bâtiment. La loi du 3
septembre 1947, crée les logements à loyers modérés
[HLM] remplaçant ainsi les HBM et élargit le réseau des
sociétés de crédit immobilier [SCI] pour l'accession
à la propriété. Une large série de construction de
« grands ensembles » s'effectue à la hâte sans
accorder
d'importance au long terme. En effet, entre le début
des années cinquante et le milieu des années soixante-dix 7
millions de logement sont édifiés. Les superficies étaient
donc considérables, il fallait tout naturellement trouver des terrains
à bas prix, et par voie de conséquence, les nouvelles
constructions étaient éloignées des centres urbains.
La période de rénovation urbaine coïncide
avec la reprise de l'immigration visant à combler la carence de la main
d'oeuvre. La rénovation urbaine a pour mission de moderniser l'habitat
« populaire », en éradiquant les taudis. Les « grands
ensembles » sont considérés comme une promotion sociale pour
les ménages modestes. A partir de 1961, des programmes sociaux de
relogement [PSR] sont crées, les premières « cités de
transites » sont crées pour accueillir « provisoirement »
les familles les plus vulnérables principalement les familles
maghrébines. Ces familles issues de l'immigration sont victimes de
plusieurs traitements discriminatoires. Car elles représentaient,
semble-t-il, une menace pour les projets de rénovation urbaine. «
La stratégie visant à élever la valeur sociale et
symbolique de la commune, c'est-à-dire à opposer au stigmate de
la banlieue prolétaire une représentation plus digne de la
condition ouvrière, suppose en effet de construire une bonne image du
groupe. (...) Or, massivement embauchés comme OS et manoeuvres, les
immigrés appartiennent aux fractions les plus déqualifiées
et les moins considérées du groupe ouvrier et sont
éloignés du modèle de respectabilité
ouvrière que les élus défendent, en raison de leurs
conditions de travail et d'existence mais aussi de leur statut
d'immigrés et de leur mauvaise réputation héritée
de la colonisation. D'une certaine manière, ils contreviennent au but
poursuivi de promotion collective de la classe ouvrière»(
Olivier Masclet, 1975)
Dans les villes ouvrières comme celle de
Gennevilliers, les offices HLM réservent dans un premier temps en
priorité les logements sociaux aux « Français »
modestes. Dans un contexte où la concurrence est rude pour l'obtention
de ces logements, les immigrés maghrébins, en majorité
algériens, bien qu'étant considérés comme faisant
partie de la classe ouvrière ne sont pas traités sur le
même pied d'égalité que les ouvriers français. Pire
encore, les ouvriers immigrés sont rejetés même par les
élus communistes qui revendiquent pourtant les droits de la classe
ouvrière.
Ainsi, à l'antagonisme entre la classe ouvrière
et le patronat s'ajoute un antagonisme entre les ouvriers de pur souche «
Français » et les ouvriers issus de le l'immigration. En effet, les
premiers disposent du droit de vote et sont défendus par les syndicats
et les élus communistes. En revanche, les seconds sont exclus de toute
participation citoyenne. Ainsi des
HLM d'une qualité inférieure telles que la
cité d'urgence, cité de transit puis les HLM à normes
réduites ont pris la charge d'accueillir les familles
immigrées.
Au milieu des années soixante-dix, les constructions
HLM commencent à décroître. Les loyers grimpent, la crise
économique structurelle pousse L'Etat à se désengager du
financement des logements sociaux. La loi Barre, promulguée en 1974,
commence alors à encourager les ménages à s'orienter vers
le marché privé de logement. La classe moyenne, les
employés et la classe ouvrière supérieure sont
encouragés à quitter les logements HLM pour devenir
propriétaires de petits pavillons relevant du secteur privé. Ce
qui a provoqué un départ massif des ménages les moins
vulnérables. Les HLM deviennent des ghettos concentrant une population
très appauvrie composée principalement d'immigrés, elle
est qualifiée d' « indésirable » et « à
problème ». Des émeutes urbaines commencent à surgir
dès 1979 dans la banlieue de Lyon, des jeunes affrontent les forces de
l'ordre et incendient des voitures, depuis les émeutes n'ont
cessé de se produire dans diverses banlieues.
A présent, les ghettos couvrent d'opprobre la France.
Les gouvernements qui se succèdent tentent d' « en finir avec les
ghettos » et de renouer avec une cohésion sociale solide par le
biais de la mixité sociale et la promotion de l'égalité
des chances. Cependant les différentes réformes inhérentes
aux banlieues s'attaquaient plus aux conséquences qu'aux causes des
ghettos. La dernière réforme en vue est : « Espoir
Banlieue, une dynamique pour la France » présentée par
le président de la république Nicols Sarkozy le 8 février
2008. Cette réforme est-elle capable d'en finir réellement avec
les ghettos ? Ou bien les banlieues seraient-elles condamnées à
panser leurs plaies en silence à tout jamais ?