la situation du mineur en droit positif ivoirien au regard de la convention sur les droits de l'enfant et de la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant( Télécharger le fichier original )par Aka Georges AMASSI université d' Abidjan Cocody - Diplome d'Etudes Approfondies 2005 |
CONTRE L'EXPLOITATION
La protection de l'enfant contre l'exploitation, s'observe à différents niveaux. Cette exploitation économique résultant surtout de l'exploitation de sa force de travail, le législateur ivoirien va certes, admettre que l'enfant travaille mais à certaines conditions. Il y a donc une réglementation du travail du mineur (section I). Par ailleurs, même si l'on admet sous condition le travail de l'enfant, il y a des formes de travail auxquelles l'on ne peut tolérer que l'enfant soit soumis ; ce sont les pires formes de travail de l'enfant. Ainsi, vis-à-vis des pires formes de travail de l'enfant, va être instituée une interdiction formelle (section II).
SECTION I : LA REGLEMENTATION DU TRAVAILDU MINEURL'article 23.8 du code travail dispose que « les enfants ne peuvent être employés dans une entreprise, même comme apprenti, avant l'âge de quatorze ans ... ». Cela signifie que l'enfant peut travailler mais pas avant un certain âge. L'on pose ainsi le principe de l'admission conditionnelle du travail de l'enfant (paragraphe I). Le travail de l'enfant est donc non seulement soumis à des conditions mais aussi à un contrôle (paragraphe II).
Paragraphe I : L'admission conditionnelle du travail de l'enfant
Suivant les prescriptions des conventions internationales sur le travail, notamment sur le travail des enfants84(*) ainsi que celles de l'article 32 -2 de la convention sur les droits de l'enfant et l'article 15-2 de la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant, le législateur ivoirien a soumis l'admission du mineur au travail à des conditions (B). Cependant, il importe avant tout de préciser la notion du travail de l'enfant (A). A- La notion de travail de l'enfant. Les instruments internationaux et même la législation interne, ne définissent pas expressément la notion du travail de l'enfant. Néanmoins, le travail de l'enfant peut être simplement appréhendé comme le travail effectué par un individu de l'un ou l'autre sexe âgé de moins de dix huit ans. Une telle définition, a priori ne pose pas le problème du travail du mineur récriminé et incriminé par toute la société nationale et internationale. Ce, d'autant plus qu'appréhendé comme l'ensemble des avctivités, des efforts nécessaires pour produire quelque chose, pour obtenir un résultat, le travail85(*), pour tout individu notamment pour un enfant a de tout temps eu des aspects éducatifs et surtout socialisant. En effet, le travail a toujours été utile à l'homme car lui assurant une indépendance économique et son intégration sociale. Mais, un enfant étant sous la responsabilité de ses parents ils doivent le prendre en charge en survenant à touts ses besoins. De ce point de vue, l'enfant n'a donc pas à rechercher une indépendance économique par le biais de son travail. Néanmoins, l'enfant en tant qu'élément de la société peut à un moment donné participer au développement de cette société. Par son travail donc l'enfant va connaître une intégration sociale en se frottant aux réalités de la société dans laquelle il est appelé, à sa majorité, à jouer un rôle prépondérant. C'est en cela que l'on parle de caractère socialisant du travail de l'enfant. Et cet aspect des choses n'a pas échappé à la Convention C138 de l'Organisation Internationale du Travail (O.I.T) sur l'âge minimum d'admission à l'emploi qui exclut de son champ d'application le travail éducatif et socialisant aux termes de son article 6. Aussi, depuis toujours, en Afrique le travail de l'enfant s'inscrit-il dans un contexte de pérennisation des valeurs et fait partie intégrante du processus de socialisation et d'éducation de l'enfant. Ainsi, la plupart des sociétés africaines considèrent comme normal et positif pour les enfants d'un certain âge d'entreprendre un type d'activité donné86(*). Même s'il est vrai que ce travail se déroulait souvent dans un cadre strictement familial. Cependant, l'accentuation des crises économiques dans nos sociétés africaines et notamment dans la société ivoirienne depuis ces quinze dernières années a entraîné des changements de comportement. Ces changements tendent progressivement a enlevé au travail des enfants son aspect socialisant et éducatif pour en faire une entreprise d'exploitation des enfants. Au travail socialisant et éducatif donc, semble s'être substituée une forme d'exploitation et difficilement tolérable du travail des enfants87(*). C'est cela l'exploitation économique de l'enfant et c'est ce qui décrié et condamné. Aujourd'hui néanmoins, bien que la structure ait changé, le travail étant devenu beaucoup moderne et plus dirigé vers un but de profit, l'on continue d'admettre que l'enfant puisse travailler. Seulement ce travail est soumis à des conditions. B- Les conditions d'admission de l'enfant au travail. L'article 23.8 du code du travail dispose que « les enfants ne peuvent être employés dans une entreprise avant l'âge de 14 ans... ». Le législateur ivoirien pose ainsi une première condition d'admission du mineur au travail qui est relative à l'âge. D'autres conditions existent et sont relatives aux conditions même d'exercice du travail. 1°-la condition relative à l'âge Déjà au début du 20ième siècle, l'on avait admis que même si l'enfant devait travailler, il ne pouvait le faire à n'importe quel âge. Ainsi, se posait la nécessité de limiter l'âge d'accès du mineur à l'emploi, au travail. Il s'agissait de lui fixer un âge minimum d'admission à l'emploi. C'est alors que plusieurs conventions dans plusieurs domaines d'activité vont être passées pour déterminer un âge minimum d'admission de l'enfant à l'emploi dans ces domaines88(*). Cette nécessité s'est avérée plus impérieuse avec le temps et, en 1973, la communauté internationale par l'OIT décida d'uniformiser la barre de l'âge minimum d'admission à l'emploi. Aussi, va-t-il être demandé aux Etats notamment à ceux parties à la convention de spécifier un âge minimum d'admission à l'emploi. Néanmoins, une limite va être donnée ; cet âge minimum ne peut être inférieur à quatorze ans selon l'article 2-3°-4°de la Convention C138 de l'OIT. L'objectif du législateur international en adoptant une telle mesure est claire : protéger l'enfant et assurer son développement. Objectif précisé d'ailleurs par la recommandation R146 sur l'âge minimum dans son préambule à ses alinéas 3 et 4. C'est donc tout en poursuivant ce même objectif de protection du mineur que le législateur ivoirien a fixé l'âge minimum d'admission de l'enfant à l'emploi à quatorze ans. Mais il est regrettable de constater que son respect en est tout autre. En effet, selon les statistiques de l'Unicef en Côte d'Ivoire 250 millions d'enfants de moins de quatorze ans travaillent à travers le monde dont 30% en Afrique. En Côte d'Ivoire on en dénombre 250 milles89(*) .Ce constat pourrait avoir essentiellement deux raisons. La première raison est d'ordre légal. La disposition portant fixation de l'âge minimum d'admission à l'emploi est limitée dans son domaine d'application. En effet, l'article 23.8 code travail dispose que les enfants ne peuvent être employés dans une entreprise même comme apprenti, avant l'âge de quatorze ans. Le domaine donc d'application de cette disposition est l'entreprise c'est-à-dire une entité de production organisée. En dehors alors de l'entreprise, cette disposition ne semble pouvoir avoir application. Pourtant, s'il y'a bien un milieu dans lequel l'enfant travail avant l'âge de quatorze ans, c'est bien le secteur informel qui se traduit par exemple par le travail de domestique chez des particuliers, les petits commerces90(*) etc y compris l'artisanat. Cette insuffisance pourrait être comblée par la généralisation du domaine d'application de la disposition à tous les secteurs d'activité ou à défaut, par l'élaboration d'une loi portant interdiction formelle du travail de l'enfant avant l'âge de quatorze ans quelque soit le secteur d'activité. La seconde raison est d'ordre social et relève de la pauvreté qui amène les enfants à travailler pour aider leurs parents à faire face dans une certaine mesure aux charges de la maison. Ceux-ci sortent de l'école très tôt ou même parfois ne sont pas du tout scolarisés. La scolarisation n'étant pas légalement obligatoire en Côte d'Ivoire. Cette inobservation de l'âge limite d'admission de l'enfant au travail réduit considérablement la protection de celui-ci du point de vue de son développement. Pourtant, l'un des objectifs de la communauté internationale est de permettre aux adolescents d'atteindre le plus de développement physique et mental possible. Si même déjà à quatorze ans le mineur peut travailler, il n'est pas pour autant assimilé à l'adulte. C'est alors qu'il bénéficie, lors de la passation et de la rupture son contrat de travail, de la protection et des conseils de ses parents ou son représentant selon l'article 31 al 1 de la loi sur la minorité, car il ne peut conclure seul un contrat de travail avant l'âge de dix huit ans (art. 31 al 2 de la loi précité). A côté de la condition d'âge, l'admission de l'enfant au travail est soumise à d'autres conditions qui touchent à l'exercice même du travail 2°- les conditions relatives à l'exercice du travail Même si l'enfant à partir de quatorze ans peut être admis à l'emploi, le souci de sa protection nécessite que des dispositions particulières soient prises à son endroit dans l'exercice de ce travail. Le travail même que l'enfant doit être amené à faire en entreprise ne doit pas excéder sa force de travail. Si cela s'avère être le cas, le mineur doit être affecté à un emploi plus convenable comme le dispose l'article 23.9 du code du travail. Le législateur accompagne le jeune travailleur pour sauvegarder sa santé et son développement physique harmonieux. De la sorte, il met l'intérêt de l'enfant, quant aux éléments sus indiqués, au dessus de celle de l'entreprise. Et même lorsqu'il s'agit de faire un choix entre le développement physique et mental de l'enfant et l'aspect financier du travail, il met en avant l'aspect humain du développement de l'enfant. C'est alors que, lorsque le travail en entreprise auquel l'enfant est affecté est au dessus de ses forces et qu'il n'y a pas de possibilité d'affecter le mineur à un autre emploi, le législateur préconise qu'il soit mis fin au contrat de travail (art.29 al 2 du C.T). Par ailleurs, une interdiction formelle de faire travailler l'enfant de nuit, même s'il est en apprentissage ou en préformation91(*), est édictée sauf dérogation dans des conditions fixées par le décret tenant compte de la nature particulière de l'activité (art.22.2 du C.T). La possibilité d'une telle dérogation n'est pas à la faveur de la protection que l'on veut pour l'enfant. Ce d'autant plus qu'ici, l'activité professionnelle ou l'intérêt de l'entreprise est mis au-dessus de la condition de l'enfant. Nous pensons que si la nature particulière de l'activité ne permet pas à l'enfant de travailler de jour alors, qu'il ne soit pas admis à ce travail tout comme dans le cas des travaux excédant sa force de travail. Le jeune travailleur doit pouvoir bénéficier d'un repos suffisant et la durée minimale de son repos journalier est fixée à douze heures consécutives. Si cependant, le développement physique et mental harmonieux du mineur travailleur est une préoccupation fondamentale du législateur ivoirien, le traitement salarial ne suit pas cette même attention. En effet, le législateur a admis que soit instituée une discrimination dans le traitement salarial du travailleur mineur rémunéré au temps par rapport au travailleur adulte en permettant que le salaire du jeune travailleur de moins de dix-huit ans puisse subir une réduction dans un certain pourcentage (art 49 al 1 de la convention interprofessionnelle de la Côte d'Ivoire du 19 juillet 1977) ; alors même que l'adulte et le mineur occupent le même emploi et travaillent dans la même catégorie professionnelle. Et ce même si à l'endroit du jeune travailleur rémunéré à la tâche ou au rendement l'égalité du salaire est observée (art 49 al 3 de la convention précitée). Ce faisant, il y a une violation flagrante du principe « à travail égal, salaire égal » et de l'article 13-1.a de la recommandation R 146 de l' OIT sur l'âge minimum qui recommande qu'une attention particulière soit accordée à l'attribution d'une rémunération équitable et la protection du salaire du travailleur en vertu du principe précédemment cité. Cette discrimination pourrait s'expliquer peut être par un éventuel manque de formation professionnelle ou qualifiante du travailleur mineur étant donné que la mesure ne s'applique pas au mineur titulaire d'un Certificat d'Aptitude Professionnelle (C.A.P) et débutant dans la profession ou ayant subi avec succès l'examen de sortie d'un centre de formation professionnelle (Art 49 al 2 de la convention précitée). Cependant, nous estimons que cette raison est insuffisante car si le mineur occupe un emploi au même titre qu'un adulte dans la même classification professionnelle, c'est d'abord parce qu'il a les aptitudes nécessaires et suffisantes pour exercer cet emploi comme l'adulte. Dès lors, la réduction de son salaire ne saurait se justifier. Du coup, l'on institue une exploitation légale de la force de travail du mineur. Malgré cette discrimination légale, le travail du mineur est contrôlé. * 84 Convention n° 138 de l' Organisation Internationale du Travail concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi du 26 juin 1973 , ratifiée le décret n° 2002-53 du 21 janvier 2002 portant ratification de la convention C138 de l'OIT,. Convention n°182 de l' OIT concernant l'interdiction des pires formes de travail de l'enfant et de l'action immédiate en en vue de leur élimination du 17 juin 1999, ratifiée par le décret n°2002-55 du 21 janvier 2002 portant ratification de la convention n°182 de l'OIT. * 85 Hachette, dictionnaire universel, Edicef 2003 * 86 Action for the rights children (ARC), questions spécifiques : abus et exploitation, éd. B.I.T, Avril 2003 p3 * 87 BIT, la traite des enfants aux d'exploitation de leur travail dans le secteur informel à Abidjan , 1ière éd. BIT 2005 p13
* 88 Voir al 4 du préambule de la convention C138 sur l'âge minimum * 89 Koffi (M.C), étude juridique sur la traite et les pires formes de travail en Côte d'Ivoire, GTZ (coopération technique allemande au développement) Abidjan Sept.2002 p36 * 90 BICE Côte d'Ivoire, les petites bonnes à Abidjan : travail ou exploitation, Centre de Documentation Missionnaire (CMD), Abidjan 1998,p 27 * 91 Art.3 et 4 al 1 du décret n°96-204 du 7 mars 1996, relatif au travail de nuit |
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