la situation du mineur en droit positif ivoirien au regard de la convention sur les droits de l'enfant et de la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant( Télécharger le fichier original )par Aka Georges AMASSI université d' Abidjan Cocody - Diplome d'Etudes Approfondies 2005 |
Paragraphe II : Les mesures de protection du mineur contre les piresformes de travailLes pires formes de travail de l'enfant, de par leur définition, notamment la traite et le trafic, renferment un aspect extra territorial. Aussi bien que des mesures internes de protection (A) soient envisagées, une collaboration sous régionale (B) est mise en place.
A- Les mesures internes de protection Ces mesures légales internes de protection vont de l'interdiction (1) à la répression en passant par l'incrimination (2) des différents actes et pratiques constitutifs de pires formes de travail du mineur. 1°- Les mesures d'interdiction Attaché à la valeur de l'être humain, le peuple ivoirien condamne et rejette tout acte ou toute pratique susceptible d'affecter, d'avilir la personne humaine. C'est en ce sens que dans sa loi fondamentale, la constitution, en son article 3, il interdit l'esclavage, le travail forcé ainsi que toute forme d'avilissement de l'être humain97(*). Cette disposition en ce qui concerne le mineur a trait à sa protection contre les pires formes de travail dans leur aspect, ici, attentatoire et avilissant de sa dignité. D'ailleurs, cette protection du mineur est plus explicite à travers l'article 6 de ladite constitution disposant que « l'Etat assure la protection des enfants..» De même que la constitution, la loi portant code du travail interdit de façon absolue le travail forcé ou obligatoire en son article 3 in limine. L'interdiction des pires formes de travail dans leur aspect de travaux dangereux ressortit de l'arrêté même portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants. Pour montrer son attachement à cette interdiction, l'autorité ivoirienne a fait figurer le terme ``interdit`` déjà dans le titre de l'arrêté avant de le faire ressortir dans son article premier « sont qualifiés travaux dangereux interdits aux enfants... » Mais, fort de l'expérience qu'a l'être humain de transgresser les interdits, le législateur ivoirien n'a pas manqué d'incriminer et de réprimer les actes et pratiques constitutifs de pires formes de travail de l'enfant.
2) L'incrimination et la répression des actes et pratiques constitutifs de pires formes de travail des enfants Les pires formes de travail de l'enfant bien qu'elles fassent l'objet d'interdiction, le législateur ivoirien en a fait des infractions sanctionnées pénalement. Le peuple ivoirien attache une importance certaine à la personne humaine. Aussi, rejette- t-il et condamne- t- il tout acte ou pratique de quelque nature que ce soit susceptible d'être préjudiciable à l'homme notamment à sa liberté, à sa personne. Dès lors, toute personne qui conclut une convention ayant pour objet d'aliéner, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, la liberté d'une tierce personne est passible de peine pénale selon l'article 376 du code pénale, il en est de même pour quiconque reçoit une personne en gage (art. 377 du C.P). Ce faisant, il incrimine ainsi toutes les formes d'esclavage. Par ailleurs quiconque qui , aux termes de l'article 378 du code pénal, pour satisfaire exclusivement son intérêt personnel, impose à autrui un travail ou un service pour lequel il ne s'est pas offert de son plein gré, commet aussi une infraction. De la sorte, l'on incrimine la servitude pour dette, le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire. Incriminées sous la rubrique des atteintes à la liberté individuelles98(*) toutes ces infractions sont punies de peines d'emprisonnement allant de six mois à trois ans ou de un à deux ans selon les cas aux termes des dispositions précitées. Lorsque l'infraction est commise, particulièrement sur le mineur, le maximum de la peine est exigé lorsqu'il s'agit d'un mineur de moins de quinze ans. C'est dire que pour le mineur de plus quinze ans, le maximum de la peine peut ne pas être prononcé. Le statut de mineur de la victime ici constitue une circonstance aggravante. Mais Il faut noter qu'il y a une protection à double vitesse entre les mineurs selon leur âge. Ce qui est regrettable étant donné qu'ils sont tous, mineurs de quinze ans ou plus, bénéficiaires des droits de protection contenus dans la convention sur les droits de l'enfant et dans la charte africaine sur les droits et bien-être de l'enfant sans discrimination aucune99(*). Que le mineur ait quinze ans ou plus son assujettissement ne saurait être justifié par quoi que ce soit pour que la personne qui lui afflige un tel traitement soit traitée au même titre que si sa victime avait été un adulte. Pour protéger le mineur contre l'exploitation sexuelle constitutive aussi de pires formes de travail, l'auteur de telle pratique est considéré comme un proxenète et sanctionné en tant que tel sur le fondement de l'article 335 du code pénale. La qualité de mineur de la victime ne constitue qu'une circonstance aggravante de la peine. La qualité de la personne auteur du délit constitue aussi une circonstance aggravante qui conduit au doublement de la peine. Aussi, lorsque l'auteur de l'exploitation sexuelle a d'une manière ou d'une autre, une quelconque autorité sur le mineur et qu'il le livre à la prostitution sa peine est portée au double selon l'article 336 al1-5°du code pénal. Par ailleurs, commet un délit, quiconque porte atteinte aux moeurs existantes en favorisant ou en facilitant la débauche de la jeunesse de l'un ou l'autre sexe en dessous de dix huit ans (art.337 al 1 du C.P). La tentative de tous ces délits est punissable aux termes des dispositions susindiquées. Le législateur ivoirien, pour montrer son attachement à la protection de la jeunesse notamment les mineurs, et son intention de n'abriter sur son sol des personnes ayant commis de tels actes sur les enfants, prescrit que les actes même commis à l'étranger soient pris en compte dans le prononcé de la sanction (art.337 al 2 du C.P). L'utilisateur des mineurs dans la production et le trafic de stupéfiant n'échappent pas à l'incrimination et à la répression100(*). En outre, même si l'Etat de Côte d'Ivoire interdit le recrutement de mineurs dans ses forces armées, à la faveur de la guerre il est donné de constater cette pratique notamment dans les rangs des rebelles sans que ceux-ci puissent être sanctionnés. L'on peut noter que l'incrimination et la répression des actes constitutifs de pires formes de travail de l'enfant ne concernent que ceux ayant un caractère avilissant et dégradant. Les travaux dangereux ne sont donc pas incriminés; le législateur ne se contentant que de les interdire. Ce qui est regrettable quand on sait que l'interdiction à elle seule ne suffit pas à protéger l'enfant et qu'elle n'a de force que lorsque sa violation est réprimée. Cela explique en partie les violations flagrantes de ces interdictions constatées chaque jour. Il est donc temps pour donner force à l'interdiction des travaux dangereux en l'accompagnant de sanction. Mais aussi faut-il mettre véritablement à contribution les forces de l'ordre pour que ces pratiques prennent fin. Malgré les interdictions, l'incrimination et la répression par des textes, des actes constitutifs des pires formes de travail, les auteurs de tels actes restent parfois impunis du fait de la méconnaissance même des textes par certains de ceux qui sont chargés de leur mise en oeuvre, c'est notamment le cas des agents de police et de gendarmerie. En témoigne la complainte de cet agent : « on a arrêté plusieurs fois des trafiquants et des mineurs venant du Burkina Faso et du Mali. Mais une fois qu'on les interpelle, on ne sait pas toujours sous quels motifs les garder au violon et les traduire ensuite en justice. C'est un vrai flou au niveau des textes. On ne sait pas sur quoi se baser pour traquer ces individus »101(*). Cela dénote de la nécessité d'une formation complémentaire de tous les corps ainsi impliqués dans la mise en oeuvre des textes et autres mesures afférents à la protection des mineurs. Le phénomène des pires formes de travail de l'enfant ayant un caractère qui dépasse les limites d'un Etat, toute la sous région a décidé de s'impliquer dans la lutte par la coopération. B- La coopération sous-régionale Les pires formes de travail ont dans certains de leurs aspects ou manifestations un caractère international parce que dépassant les frontières de la Côte d'Ivoire. C'est notamment la traite ou le trafic des enfants. Appréhendé comme le déplacement d'un enfant d'un espace à un autre dans un but d'exploitation, le trafic des enfants102(*) a aussi bien un volet interne qu'un volet international. En effet, des études dans des zones frontalières du pays ou dans des zones de grandes productions agricoles ou minières ont prouvé que des enfants sont convoyés vers la Côte d'Ivoire depuis des pays voisins ou de la sous région pour être exploités sur place. D'autres font l'objet de déplacement interne. C'est alors que la brigade mondaine du ministère de la sécurité a enregistré en 2002, 41 cas d'enfants âgés de 8 à 15 ans victimes de trafic repartis comme suit : Cote d'Ivoire (12), Burkina Faso (02), Togo (08), Bénin (13), Nigeria (01), Guinée (02)103(*) A cause de l'aspect international du trafic des enfants, l'on s'est rendu compte qu'aucun pays, ni aucune institution nationale ou internationale ne peut à lui seul s'attaquer au phénomène de la traite ou du trafic des enfants dans toutes ses manifestations et dans toute son ampleur pour l'enrayer. Pour être efficace donc, la lutte contre la traite des enfants aux fins d'exploitation exige le développement d'un partenariat fort et durable tant au plan national qu'au plan sous-régional et tout particulièrement sur le plan juridique104(*). Fort de ce constat, à la faveur de séminaires, tables rondes et autres concertations plusieurs pays de la sous-région ont institué entre eux une collaboration dans la lutte contre le trafic des enfants. Cette collaboration s'inscrit dans le cadre de l'article 11 de la convention sur les droits de l'enfant, pour la lutte contre les déplacements et les non-retours illicites d'enfants à l'étranger. Ainsi, cette volonté de collaboration s'est manifestée par deux accords de coopération ; un bilatéral et l'autre multilatéral. Ce sont d'une part l'accord de coopération entre la République de Côte d'Ivoire et la République du Mali contre le trafic transfrontalier des enfants de Septembre 2000105(*) et d'autre part l'accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest de Juillet 2005 conclu entre le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigeria et la Côte d' Ivoire106(*) Il s'agit pour ces Etats de se donner un instrument juridique commun, outil nécessaire pour l'élimination de la traite des enfants et un gage pour leur épanouissement harmonieux et le respect de leurs droits fondamentaux selon l'article 16 du préambule de l'accord multilatéral et l'article 11 de l'accord bilatéral. Par ces accords, les Etats entendent mener des actions communes tant dans la prévention, la protection, le rapatriement des enfants victimes que dans la réunification des familles, la réhabilitation et la réinsertion des enfants (art.6 de l'accord multilatéral). Quant à la répression des auteurs, elle est laissée à la charge de chaque Etat partie (art.8-h de l'accord précité). A ce niveau une harmonisation des législations est envisagée (art.8-j de l'accord précité). Aussi bien que le mineur puisse être victime il peut être coupable en enfreignant la loi pénale. * 97Loi n°2000-513 du 1 Août 2000 portant constitution de la République de Côte d'Ivoire, JORCI 2000 * 98 Livre II, titre II, chapitre 4, section 1 du code pénal * 99 Art 1 de la C.D.E et art. 2 de la C.A.D.E * 100 Art. 2 al.1-2° de la loi n°88-686 du 22 juillet 1988 portant répression du trafic et de l'usage illicite de stupéfiant. * 101 Sissoko (A), Agbadou (J), Goh (D), op.cit. p 50 * 102 Pour la définition du protocole additionnel de l'ONU contre la criminalité transnationale voir Koffi (M.C.), op.cit. p 40 * 103 Koffi (M.C), op.cit. p 45 * 104 N'guessan (N), la traite des enfants aux fins d'exploitation de leur travail dans les mines d'or d'Issia, Côte d-`Ivoire, 13 éd. BIT, Abidjan 2005 p 59 * 105 CNDJ, les droits de l'enfants en côte d'Ivoire, rec. CNDJ, Abidjan 2005 p 80 et suiv. * 106 UNICEF, BIT, brochure portant accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la trait des enfants en Afrique de l'Ouest. |
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