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La participation de la femme à la vie politique au Tchad:1933-2003

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par Eugène Le-yotha Ngartebaye
Université Catholique d'Afrique Centrale - Maîtrise en Sciences Sociales option Sciences Juridiques et Politiques 2003
  

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CHAPITRE II : LA PARTICIPATION FÉMININE À LA VIE POLITIQUE

Par participation politique, nous voulons signifier l'acte par lequel le citoyen ou la citoyenne assume et tente d'influencer directement ou indirectement le cours des affaires publiques dans sa cité. Cette participation là reste émaillée d'embûches et d'innombrables obstacles au Tchad (section I). Toutefois, malgré ces embûches, apparaissent depuis une décennie, quelques lueurs d'espoir laissant présager d'une émergence féminine sur la scène politique tchadienne (section II).

S I - LES OBSTACLES À LA PARTICIPATION

Ce sont les contraintes d'ordre socioculturel (§1) et politico institutionnel (§2) qui se trouvent être au fondement de l'éclipse des femmes en politique au Tchad.

§1 Les contraintes d'ordre socioculturel

Elles sont liées d'une manière générale au statut traditionnel de la femme dans la société tchadienne (A) et aux considérations religieuses (B).

A - Le statut traditionnel de la femme

D'ordinaire toute tentative de justification du statut de la femme passe par le système d'éducation reçu par la femme dés sa tendre enfance d'une part et sa situation de dépendance économique d'autre part.

En ce sens l'éducation est plus large que l'instruction, qui est un « des modes spécifiques de communication à des enfants, disposés en rang dans une salle, des techniques complexes de la vie moderne ».43(*) Margaret Mead souligne particulièrement la dépendance de l'enfant à l'égard de sa tradition.

Le concept d'éducation se rapporte au développement intégral de la personne-en l'occurrence - la personne de l'enfant qu'il importe d'éveiller - c'est-à-dire faire manifester « é-ducere », toutes les dimensions :

· individuelles, pour qu'il en vienne à s'affirmer comme un être de sa communauté ;

· sociales, pour qu'il devienne un membre à part entier de sa communauté ;

· spirituelles, pour qu'il se conduise en être de pensée et de discernement ;

· intellectuelles, pour qu'il puisse progresser en savoir et en réflexion.44(*)

Or, force est de constater que dans la société traditionnelle, la jeune fille reçoit une éducation circonscrite à son futur rôle d'épouse et de mère comme en témoigne, cette pensée de Napoléon Bonaparte qui dit : « l'éducation publique ne convient point aux jeunes filles puisqu'elles ne sont point appelées à vivre en public (...). Le mariage est toute leur destination »45(*).

On voit ainsi, comment la tradition a été établie pour transmettre les valeurs d'humilité, de manque d'ambition, de sous-estimation systématique des capacités des filles et des femmes sur le plan cognitif et social et de leur aptitude à travailler dans le domaine public.

Ainsi conçue, l'éducation de la fille se trouve entachée des considérations subjectives qui inhibent chez elle non seulement sa volonté de prendre part aux débats publics, mais aussi une résistance sociale à l'engagement politique de celle-ci. La femme, par son éducation, avait sa place dans un domaine réservé : « le foyer » ; car tous les efforts que la société fournissait étaient de la faire tenir au mieux son foyer. Elle est pour ainsi dire « ghettoisée » du point de vue éducationnel, et cette situation rejaillit sur son pouvoir économique.

La division sexuelle des tâches à l'intérieur de la sphère de production et surtout domestique laisse peu de temps à la femme pour investir dans le domaine de l'activité économique.

En effet, comme l'expliquait Nepomuline Nkurikiyimfura,46(*) avant la colonisation, la terre était occupée collectivement et la vie agraire était réglée conformément aux coutumes ancestrales. Dans cette société, la vie était fondée sur une solidarité réelle qui assurait la survie de chacun.

A cette époque, la mobilité était faible, car chacun restait à sa place. Ce sont les femmes qui cultivaient les champs, allaient chercher l'eau, faisaient la cuisine. Elles étaient de véritables nourricières de la société. Mais avec l'introduction de la culture de rente, c'est beaucoup plus la main d'oeuvre masculine qui était utilisée par le colonisateur. Les femmes ont été privées de l'accès aux sources de revenu car l'exercice d'une activité lucrative était soumis à l'approbation du mari, Gali Ngotté Gata constatera que l'argent porte en lui la cause du déséquilibre socio-économique traditionnel47(*).

Cet refus d'accès à la source de revenu se lit aisément en matière du droit à la terre comme le souligne Georgette Konté pour les femmes Burkinabé « généralement considérées comme `'étrangères en sursis'' par leur propre famille et `'étrangères'' dans le lignage qui la reçoit. La femme ne peut prétendre posséder et contrôler un bien aussi inestimable que la terre »48(*).

Cette privation est la cause principale de leur pauvreté qui ne se résume pas à un manque de ressources matérielles, mais à une privation de pouvoir et de statut social comme le remarque B. Verhaege : « de tous ces lieux de pouvoir qui peuvent être source de revenu, la femme est exclue ou confinée dans une position inférieure ... »49(*).

La femme est ainsi considérée comme une source de richesse, un objet de la domination et d'exploitation masculine.

En sus des considérations socioculturelles, les valeurs religieuses viennent encore militer en défaveur de l'émergence de la femme dans le domaine public.

B - Les considérations religieuses

Toute religion - comme toute idéologie- s'inscrit dans un temps et dans une histoire qu'elle peut modifier sans doute, tout en subissant une influence de l'histoire.

Ainsi, les préceptes d'une religion peuvent être contredits par des pratiques qui, elles-mêmes, peuvent ne pas tenir compte de préceptes religieux. L'histoire des religions - comme l'histoire tout court - est livrée sans défense à ses interprètes et c'est souvent induire des réponses que de poser des questions modernes à une histoire.

L'interrogation n'est pas innocente. Ainsi pour prouver - s'agissant des femmes- que le christianisme, l'islam et l'animisme ont joué un rôle négatif et contribué à nourrir un antiféminisme primaire ; il y a l'embarra du choix : pratiques, sermons, décrets, commentaires bibliques et coraniques, mémoires ... etc.

Pourquoi, pratiquement partout et presque toujours, la femme est-elle considérée comme inférieure à l'homme et frappée d'exclusion, de discrimination ou de ségrégation ? Pourquoi mythologies et religions s'entendent-elles pour démontrer que la condition inférieure des femmes résulte de leur nature, les dieux les ayant créées de manières plus viles que les hommes ?

Esquisser des réponses à ces interrogations, c'est rechercher les fondements de l'exclusion des femmes tant bien chez les islamistes que chez les chrétiens50(*).

Tout en s'installant au Tchad, l'islam va très peu bouleverser la structure traditionnelle faite de l'appartenance à un groupe ethnique et familial et de la répartition en classes d'âge et de sexe.

En conséquence, la situation de la femme en islam est aujourd'hui marquée par cette dualité.

En islam, la femme est socialement et juridiquement considérée comme inférieure à l'homme voire incapable de rien faire. C'est ce qui ressort de la lecture de la Sourate4/34 « les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu'Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs biens (...) ». La femme est sous tutelle permanente, laquelle tutelle est exercée d'abord par le père, de la naissance jusqu'au mariage, puis le mari (coran4/18).

La femme est appréhendée en islam comme un bien familial et assignée à la fonction de procréation et au profit du seul lignage masculin (coran 4/1).

Ces considérations font que la femme, en islam, est semblable à un objet dont on peut se servir autant de fois que l'on souhaite ; car ces références indiquent que la femme n'a pas de droits, mais de devoirs. On en voudra pour preuve la Sourate 4/34 qui stipule : « celles dont vous craignez l'insubordination, éloignez-vous d'elles dans le lit et frappez-les ».

Ainsi donc, la femme se trouve dans la religion musulmane réduite à sa sphère privée et ne peut en aucun cas prétendre mener une activité publique au risque d'être excommuniée ; et ceci conformément à l'interprétation d'un hadith qui dit : « ne connaîtra jamais la prospérité le peuple qui confie la direction des affaires à une femme »51(*).

Ce qui se pratique dans l'islam depuis des siècles se vérifie dans le parti pris de quelques interprètes de la Bible qui lisent la bible comme un texte normatif, juridique, révélé, sorte de « canon » qui impose aux femmes l'obéissance.

C'est ainsi que devant un texte limpide comme Genèse 1, 26-27 « ... et Dieu créa l'homme Adam à son image, mâle et femelle il les créa » ; de respectables théologiens se sont souvent posé la question de savoir si « la femme était vraiment image et ressemblance de Dieu  ».

Pour Saint Augustin52(*), le mâle est seul, le « spécifiquement humain » par son âme asexuée et par son corps sexué, la femme n'est humain que par son âme.

Saint Thomas53(*) dit pour sa part que « l'image de Dieu se trouve dans l'homme d'une façon qui ne se vérifie pas dans la femme » ou encore de l'interprétation de Genèse 2, 20-24 qui dit que la femme a été créée en second lieu après Adam et à partir de lui, pour l'aider et le seconder. Nous pourrions égrener un chapelet de textes bibliques qui concourent à l'éclipse de la femme à la vie publique : 1 corinthien 11, 3 ; Éphésiens 5, 21-22, etc. Cette situation place la femme dans une position d'obéissance et de soumission des religieux qu'elles n'osent transgresser.

En sus des contraintes d'ordre socioculturel le contexte politico institutionnel ne favorise guère non plus l'émergence féminine en politique.

* 43 MEAD M., Une éducation en Nouvelle Guinée, paris, Payot 1973 p. 209

* 44 FAIK-NZUKI : faits, constats et perspectives dans l'éducation en Afrique Noire cité par Albertine Tshibilondi Cahiers de l'UCAC n° 1 p. 122.

* 45 Napoléon Bonaparte cité par DHAVERMAS O.: Droits des femmes : pouvoirs des hommes, paris, seuil, 1978, p. 241.

* 46 In l'histoire des femmes en Afrique, COQUERY-VDROVITCH. C. Cahier n° 11 Harmattan, paris, 1988, p. 91.

* 47 GALI GATA N.: Tchad, guerre civile et désagrégation de l'Etat, paris, Présence Africaine, 1985 p. 63.

* 48 KONTE G. : femmes rurales dans les systèmes fonciers au Burkina-Faso, cas de l'oudalan, du Sanmatenga in Politique Africaine n° 65 p. 9.

* 49 VERHAEGEN B., Femmes Zaïroises Kisangani : combats pour la survie, paris, l'Harmattan, 1992, p. 214.

* 50 Nous omettons volontiers d'aborder la situation de la femme chez les animistes, car aujourd'hui cette religion est en voie de disparition au Tchad. Elle fait place à l'islam et au christianisme.

* 51 Hadith cité par BUZZIVEIL L. : Analyse de la situation de la femme en Afrique de l'Ouest et du Centre, Abidjan, CEPRASS, 2000, p. 67.

* 52 Cite Roby Bois « les discours sur les femmes dans le christianisme » IN Dore-Audibert (A) ;Bessis(S)(Sous dir) Femmes de méditerranée Paris,Karthala,1995,p78

* 53 Roby Bois  op cit p80

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