111.5. Impacts des rejets médicamenteux sur les
écosystèmes aquatiques
Depuis les années 1980, la présence de traces de
médicaments dans les effluents des STEP et dans les eaux naturelles a
été identifiée. Ces molécules sont
considérées comme des micropolluants pour l'environnement parce
qu'elles ont été développées dans l'intention de
produire un effet biologique sur l'organisme (HALLING-SORENSEN
et ai, 1998). Le devenir des médicaments dans les
milieux naturels suscite alors une attention particulière au sein de la
communauté scientifique.
En effet, les médicaments administrés aux
humains et aux animaux domestiques (antibiotiques, hormones, antalgiques,
tranquillisants et radioéléments) ont été
mesurés dans les eaux de surface, dans les eaux souterraines, et dans
l'eau potable (MONTAGUE, 1998). Des études
réalisées en Angleterre révèlent la présence
de médicaments à des concentrations supérieures à 1
ktg/L dans les écosystèmes aquatiques (WAGGOT, 1981; WATTS et
al., 1983; RICHARDSON et BOWRON,
1985).
Les antalgiques ibuprofen et naproxen ont été
identifiés dans les effluents urbains à Vancouver (ROGERS et
al, 1986). Des traces d'acide clofibrique ont été
trouvées dans les effluents d'une STEP aux Etats-Unis (GARRISSON et
ai, 1976; HIGNITE et AZARNOFF,
1977). Une masse de 28.7 kg/j pour l'acide salicyclique et 2.9 kg/j
pour l'acide clofibrique ont été trouvées dans les
effluents de la STEP de Kansas City (HIGNITE et AZARNOFF,
1977).
TERNES (1998), en travaillant sur
l'occurrence de 32 médicaments dans les effluents d'un système
d'assainissement, a pu observer que 80% des substances
sélectionnées étaient à une concentration maximale
de 6.3 ktg/L dans les eaux traitées par la STEP. L'acide clofibrique, le
principal métabolite de trois agents régulateurs de lipide
(étofibrate, étofyllinclofibrate et clofibrate) a
été trouvé dans les eaux traitées d'une STEP aux
Etats Unis à des concentrations comprises entre 0.1 à 1 ktg/L
(HIGNITE et AZARNOFF, 1977). WAGGOT (1981) a
trouvé ce métabolite dans la rivière Lee (Angleterre)
à une concentration maximale de 0.0114/L. En Espagne, il a
été détecté dans les eaux souterraines (TERNES,
1998). En Allemagne, ce métabolite a été trouvé
dans l'eau du robinet à une concentration maximale de 0.27 ktg/L
(HEBERER et STAN, 1996).
Comme c'est le cas pour tous les autres xénobiotiques,
les médicaments dans les écosystèmes aquatiques peuvent
adopter, en terme de devenir, l'un des 3 trois principaux états
possibles : être (i) une substance totalement oxydée et de ce fait
aboutie au dioxyde de carbone et à l'eau (HALLINGSORENSEN
et ai, 1998), l'aspirine et presque tous les
analgésiques par exemple (RICHARDSON et BOWRON,
1985). Cet état peut être assimilé à
l'écocompatibilité de la substance (NAVARRO et ai,
1994). (ii) la substance est lipophile, difficilement dégradable,
mais une partie de la substance est adsorbée par les boues de la STEP
(HALLING-SORENSEN et ai, 1998). C'est le cas de
l'Oxytretracycline, un antibiotique, détecté dans les
sédiments à des concentrations variant de 0,1 à 4,9 mg/kg
de matières sèches (JACOBSEN et BERGLIND, 1988).
(iii) Sous l'action de la métabolisation, la substance donne
naissance à des métabolites ayant une structure
hydrophile différente de celle des molécules mères
(lipophiles), cependant les 2 molécules mères et filles sont
rémanentes et passent au travers des mécanismes
épuratoires de la STEP pour se retrouver finalement dans les milieux
récepteurs, ce qui peut donner naissance à un risque pour les
organismes aquatiques au cas où les métabolites sont actifs
(HALLING-SORENSEN et ai, 1998). Le fameux exemple de
cet état est Clofibrate et son métabolite l'acide clofibrique
(HIGNITE et AZARNOFF, 1977 ; RICHARDSON et
BOWRON, 1985).
La figure 2 illustre le circuit suivi par les médicaments
utilisés dans la médecine humaine et vétérinaire,
pour se retrouver finalement dans l'eau du robinet (DIAz-CRuz et al,
2003).
Médecine humaine
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Médecine vétérinaire
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· ·
Aquaculture Bétail Volaille
Excrétion
vir
Eaux d'égout
Trop-plein Fuites (STEP)
Elimination
Ordures ménagères
Excrétion Fumier
Figure 2 : Circuit de contamination des
écosystèmes aquatiques par les
médicaments utilisés dans la médecine humaine et
vétérinaire (DIAZ-CRUZ et ai., 2003).
Lorsqu'un médicament est administré à un
homme où à un animal, 50% à 90% de sa structure chimique
de base est excrétée sans aucun changement. Le reste est
excrété sous forme de métabolites, c'est-à-dire des
sous produits chimiques résultant de l'interaction du corps humain ou
animal avec le médicament (MONTAGUE, 1998). Le taux
d'excrétion de médicaments partiellement
métabolisés varie avec la constitution physique des patients, la
posologie et le mode d'administration (KümmERER et al, 1997).
HALLING-SORENSEN (1998) avancent que 30% des
médicaments produits entre 1992 et 1995 sont lipophiles. Ce
caractère leur confère la capacité de passer à
travers les membranes cellulaires et agir ainsi à l'intérieur de
la cellule. Par ailleurs, il permet également aux médicaments
excrétés et rejetés dans le milieu naturel de
pénétrer dans la chaîne alimentaire (MONTAGUE,
1998).
TERNES (1998) et STUMPF
et al (1999) considèrent que les résidus
médicamenteux (médicaments partiellement
métabolisés et leur métabolite) qui ne sont pas
stabilisés par la STEP entrent directement dans les
écosystèmes aquatiques. Toutefois, TERNES (1998)
souligne qu'il y a un manque d'informations d'une part sur le comportement des
résidus médicamenteux dans les STEP et, d'autre part sur la
contamination du milieu naturel par les différents médicaments
utilisés dans le domaine médical.
111.6. La toxicité et l'écotoxicité
des médicaments
La deuxième hypothèse, sur la provenance de
l'écotoxicité des effluents des établissements de
santé, met en corrélation la toxicité des rejets liquides
hospitaliers avec la présence des micropolluants que sont les
médicaments dans l'eau. Parmi les différents médicaments
qui ont fait l'objet d'études écotoxicologiques, nous avons
retenu dans le cadre de cette étude, trois grands groupes : les hormones
sexuelles qui sont des pertubateurs endocriniens, les antibiotiques parce
qu'ils contribuent au développement de la multirésistance des
bactéries, et les antitumoraux ou agents cytostatiques pour leur
génotoxicité.
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