1.3. Profil idéal du ST marocain
En seconde analyse, l'objectif de notre démarche vise
à dresser le profil le plus performant relatif à l'ensemble de
l'échantillon mesuré. Au-delà de l'identification des
différences inter-groupes les plus significatives suivant le pouvoir
explicatif des variables de contrôle, il s'avère en effet utile
d'identifier les attributs des sous- traitants qui se démarquent des
autres. En termes méthodologique, il s'agit d'identifier quelles
variables parmi celles présentées jusqu'ici (dimensions de la
firme et attributs de la relation) prédisent au mieux les variations de
la performance des firmes.
Tableau 17. Régression multiple
exécutée sur l'échantillon complet
(1)
|
â(2)
|
Compétences technologiques
|
Investissement en R&D
|
-0,082
|
Programmes d'amélioration de la production
|
0,099
|
Veille technologique
|
-0,461
|
Compétences techniques des employés
|
0,384
|
Compétences organisationnelles
|
Habilité de gestion
|
0,626
|
Stabilité financière
|
-0,663
|
Efforts marketing
|
0,221
|
Réputation
|
0,668
|
Degré d'internationalisation des ventes
|
-0,354
|
Attributs de la relation
|
Degré de dépendance
|
0,491
|
(c) BEK
(1) Seuls les résultats représentant des
différences significatives sont affichés au tableau.
(2) Valeurs de â selon le modèle complet
généré en mode entrée :
R2 ajusté = 100%.
Afin d'établir le pouvoir explicatif de l'ensemble des
variables indépendantes sur le niveau de performance, une analyse fut
réalisée pour toutes les firmes constituants
l'échantillon. Cet ensemble de variables indépendantes comprend
celles utilisées pour mesurer les compétences de la firme (voir
Tableau 17) ainsi que les quatre variables de contrôle. Il convient en
effet de les inclure dans le modèle explicatif étant donné
les différences obtenues lors de l'analyse précédente.
L'analyse statistique a permis d'identifier les variables
ayant le plus fort pouvoir explicatif de la performance (prise ici comme la
variable dépendante). Les résultats indiquent que le
modèle explique 100% de la variance de la performance des firmes,
constituant ainsi un niveau d'ajustement parfait. Du point de vue
organisationnel, les variables dont les résultats sont les plus
significatifs sont les habiletés de gestion, les efforts
marketing et la réputation, suivies, dans le groupe des
compétences technologiques, par les programmes d'amélioration
de la production et des compétences techniques des
employés et enfin dans la catégorie attribut de la
relation, du degré de
dépendance.
Parmi les dimensions ayant le plus fort pouvoir explicatif de
la performance, la réputation se retrouve en premier lieu
(â=0,69). La réputation étant une dimension qui se
construit dans la durée en fonction de la réussite des
expériences passées ; un coefficient de régression
élevé et très significatif (voir Tableau 17)
suggère que les exigences sévères des donneurs d'ordres
favorisent les firmes les plus expérimentées et imposent plus de
risques aux non-initiées. À ce titre la réputation est
souvent incluse dans les grilles de sélection des DOs vu les relations
partenariales qui régissent le secteur. Par ailleurs, compte tenu du
niveau technologique élevé de l'industrie et de l'investissement
en capital qui en découle, la dépendance peut être un
levier de renforcement positif où les firmes sous-traitantes peuvent
consolider la relation avec leur clientèle par le biais de la
dépendance, à condition de pouvoir reproduire les
résultats qui leur ont valu cette réputation. Néanmoins,
si elle est mal gérée, cette dépendance peut freiner
l'évolution des STs (filiales et firmes essaimées).
Dans le même ordre d'idée, le degré de
dépendance est un très bon prédicateur de la
performance (â=0,49). À ce titre, ce résultat converge avec
un autre constat suggéré par l'analyse qualitative selon
lequel les STs «dépendants«, souvent des
filiales à 100%, jouent le rôle de relais
à l'égard des DOs européens, pour l'ensemble de la
filière et leur incombent de renseigner sur les technologies mises en
oeuvre et les stratégies de leurs DOs majeurs européens. De
même les «indépendants« essaient d'approcher
les «dépendants« (souvent des filiales à 100%)
pour bénéficier des avantages que peuvent offrir ces interactions
(flux d'information, une meilleure communication et identification des
opportunités... etc.). Selon les dires d'un dirigeant : «Ce sont
elles (les filiales) qui connaissent les stratégies des DOs ; à
ce titre elles peuvent nous orienter dans nos choix
stratégiques«.
Par ailleurs, les habiletés de
gestion des dirigeants se révèlent aussi fortement
liée à la performance. Il s'agit d'un résultat
intéressant et très significatif compte tenu de la nature de
l'industrie où la technologie est dominante. Il montre que même
dans ce secteur, le rôle des dirigeants demeure capital. Ce
résultat confirme également ceux obtenus dans le cadre d'autres
études réalisées dans le secteur de
l'aérospatiale1 en Amérique du Nord ou les Industries
mécaniques et électriques en Tunisie2 . Dans un
contexte où l'industrie est en transformation importante, ce rôle
stratégique apparaît encore plus crucial, tant au niveau de
l'orientation qu'au niveau de l'acquisition et du développement de
ressources.
De même, les programmes d'amélioration de la
production et les compétences techniques des
employés se présentent aussi comme des déterminants
très significatifs de la performance des firmes.
En revanche, les coefficients négatifs pour les
investissements en R&D, veille technologique, la
stabilité financière et le degré
d'internationalisation des ventes sont intrigants à première
vue et nécessitent une attention particulière. Le degré
d'internationalisation des ventes pris ici comme une mesure de la
capacité des firmes à être compétitives sur les
marchés internationaux, est négativement lié à la
performance des firmes. Ce résultat est pour le moins surprenant
d'autant plus que 83% des STs de l'échantillon adressent le
marché externe à hauteur de 100% et que les 17% des STs restant
n'ont pas la meilleure performance. Par conséquent, il ne sera pas pris
en considération du fait que l'orientation globale de la filière
marocaine
1 BOURGAULT, Mario. Analyse des rapports entre
donneurs d'ordres et sous-traitants de l'industrie aérospatiale
nord-américaine. Montréal : CIRANO, 1997. Série
Scientifique N° 97s-27.
2 REJEB, Nada. L'impact de la nouvelle relation
de sous-traitance sur la performance des sous-traitants : application au cas
des Industries Mécaniques et Electriques en Tunisie. Faculté
des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax. 13e conférence de
l'AIMS, Normandie. Vallée de Seine, 2004.
est vers l'export. Toutefois, des achats aéronautiques
intra-nationaux se sont développés ces dernières
années, 17% des firmes interviewées déclarent adresser le
marché national à plus de 35% du chiffre d'affaires. En effet,
les sous-traitants des sous-traitants majeurs ont externalisé une partie
de leurs activités de production vers le Maroc, pour être tout
près de leur DOs (filiales à 100% de grands groupes).
Une stabilité financière liée
négativement à la performance peut être en partie
expliquée par le jeune âge des STs (retour sur investissement)
et/ou à la faiblesse des instruments de financement mis à leur
disposition.
À ce stade, le profil «idéal«
du ST marocain semble renvoyer au stade de «sous- traitant des
pièces élémentaires« dans la mesure où sa
performance est, d'une part bâtie sur les compétences
techniques des employés et les programmes d'amélioration
de la production et d'autre part, inversement liée aux
investissements en R&D, à la veille technologique
et au degré d'internationalisation des ventes.
Néanmoins, le fort pouvoir prédicateur des efforts marketing
(â=0.22) sur la performance nuance ce dernier constat. En effet, il
semble qu'une fois le stade «sous-traitant de composants«
consolidé, les STs de la filière (ou du moins une
majorité) amorceront leur évolution vers le stade d'
«équipementier «.
En somme, le profil que nous avons dégagé semble
renvoyer majoritairement à un ST de pièces
élémentaires et dans une moindre mesure à un
équipementier. Ceci permettra ultérieurement (Cf. Partie. II,
Chapitre. III, Section. 1) (1) de positionner la filière marocaine dans
la chaîne de valeur globale de la construction
aéronautique et (2) de situer les agglomérations industrielles
à forte densité aéronautique, localisées à
l'Aéropôle et à la TFZ, dans le cycle de vie du
cluster.
En dépit des limites d'applicabilité de la
méthode de régression linéaire pour un échantillon
d'une taille réduite, nous avons tenté de déployer notre
modèle conceptuel. La Figure 20 résume les résultats
obtenus après traitement et interprétations des
données.
Relations inter-firmes
Degré de clustering des STs
Le degré de dépendance du
ST
Relations verticales
Le niveau d'influence du DO
Le degré d'exigence du DO
Hypothèse partiellement confirmée Hypothèse
confirmée
Hypothèse rejetée
H3
H2
H1
H4
Développement
des compétences technologiques du ST
Développement
des compétences organisationnelles du ST
H6
H5
Performance des STs
(c) BEK
Figure 20. Résultats après
déploiement du modèle conceptuel de la recherche
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