i) L'Ile-de-France : principal pôle aéronautique en
France
L'Ile-de-France est la première région
aéronautique et spatiale française au regard du nombre
d'établissements (26%), des effectifs salariés (34,5%), des
dépenses de R&D (42,9%) et du nombre de chercheurs (38,5%). Par
ailleurs, elle représente 10% des emplois aérospatiaux
européens et réalise près de 20% des dépenses de
recherche et développement privées du secteur en Europe.
1 Originaire d'une région française
dénommée la Tarn
2 IGALENS, Jacques et VICENS, Christine. Les
mutations dans le secteur aéronautique Le cas d'Airbus en
Midi-Pyrénées. Toulouse : UET. LIRHE - UMR 5066, 2006.
22p.
3 Ce paragraphe s'inspire largement d'une
étude commanditée par la DRIRE. PETIT, Thierry (Coord.). La
filière industrielle aérospatiale en Ile-de-France, état
des lieux et enjeux. IAURIF, 2005.
Plusieurs entreprises leaders de la construction
aéronautique notamment Dassault, EADS, le brésilien Embraer et
Boeing disposent d'une représentation commerciale dans la région,
participent activement à la structuration et à
l'amélioration de la compétitivité globale de la
filière. Celle-ci s'appuie également sur une forte
présence d'équipementiers et de fournisseurs de services
notamment Thales, Safran, Alcatel, Schlumberger et Zodiac. Par ailleurs, la
région est connue par une forte activité de maintenance,
supportée par Air-France, Dassault Falcon Services, SNECMA Services,
Embraer...
Enfin, vu sa forte orientation technologique, la
filière aéronautique s'appuie sur un réseau dense de
bureaux d'études spécialisés dans un large spectre
d'activités (conception, modélisation, ingénierie, essai,
certification... etc.) comme Assystembrime, AAA, Teuchos du groupe SAFRAN,
Bertin technologies et Eurodoc spécialisé dans
l'ingénierie documentaire. Egalement, le réseau
étoffé des sociétés de réalisation de
logiciels et de conseil en systèmes informatiques, intervient fortement
dans la filière même s'il adresse en parallèle d'autres
secteurs.
Plus particulièrement, les PME/PMI franciliennes
opèrent sur une gamme très élargie d'activités qui
sont, soit orientées filière : travail des métaux,
réalisation de pièces de série, d'équipements
mécaniques, de la fabrication d'équipements d'aide à la
navigation électronique, de la plasturgie... etc, soit plus transverses
assimilées à l'étude, la conception, l'informatique...
etc.
Afin d'accompagner l'essor de la filière, une
étude a été commanditée par la DRIRE en
20051. Celle-ci préconise une politique en faveur de la
filière dont les maîtres mots sont coopération,
mutualisation et communication, déclinée en actions
générales, en actions concernant particulièrement le
domaine de la R&D et enfin celles relatives aux PME du secteur.
1 PETIT, Thierry (Coord.). La filière
industrielle aérospatiale en Ile-de-France, état des lieux et
enjeux. IAURIF, 2005.
ii) Actions générales concernant l'ensemble de la
filière
· Il semble nécessaire que les
collectivités territoriales se dotent d'une politique volontariste et
visible en association avec les acteurs de la filière avec pour
éléments clefs :
o la spécialisation dans certaines activités ;
o la nécessité d'accentuer la visibilité de
la région par la communication ;
o la mise en place d'un plan d'action présageant une
évaluation des actions avec une mesure de leur efficacité
à travers des critères d'évaluation1. Un
état régulier de la filière pourrait être tenu et
par exemple présenté et débattu tous les deux ans au cours
d'assises régionales, avec une périodicité calée
sur celle du salon du Bourget ;
· Permettre l'émergence ou le renforcement d'un
pôle de formation-recherche animé par la région qui
mettrait notamment en avant la formation en alternance avec l'apprentissage par
la mutualisation de moyens existants.
· Les programmes de type e-PME à destination des
PMI de la filière et visant à accroître leur
compétitivité sont importants et doivent être poursuivis
car ils sont des outils nécessaires à la pérennisation des
PME régionales au sein de la filière.
· Promouvoir les rencontres et les échanges entre
les différents intervenant de la CVG (constructeurs,
équipementiers et sous-traitants). Ceci permettrait plus
particulièrement aux STs de s'engager dans des démarches de
certification des méthodes et des produits et d'améliorer la
performance globale.
iii) Actions concernant particulièrement le domaine de la
R&D
· Les acteurs régionaux pourraient
désigner ou mettre en place une structure chargée d'organiser la
R&D aéronautique au niveau régional et en lien avec une
vision nationale voire européenne. Ceci faciliterait la
visibilité de la R&D aérospatiale en Ile-de-France,
favoriserait encore plus la mise en place de partenariats, renforcerait les
synergies et permettrait de faciliter les liens avec le monde de l'enseignement
et des entreprises.
1 La rentabilité financière, la
valeur ajoutée, les dépenses en R&D, les coopérations,
l'implication dans des programmes internationaux, les rentrées fiscales,
la contribution au commerce extérieur, l'emploi, l'ouverture à
des catégories d'emploi, la formation continue.....
· Au niveau du financement de la recherche, il est
suggéré de recourir à un dispositif régional
complémentaire au CIR1, doté d'un financement par
projets permettant à la région de favoriser des
thématiques de recherche et certaines zones géographiques
à dynamiser en cohérence avec une vision d'ensemble. Ce
dispositif pourrait s'appuyer sur un fonds qui mêlerait financements
publics et privés, banques...
· Agir sur le potentiel humain en cherchant à
attirer ou maintenir les chercheurs de renom (nationaux et étrangers).
Pour cela, il faut des structures d'accueil adaptées, avec des
plates-formes pour favoriser leur venue et leur mobilité.
iv) Actions concernant les PME du secteur
· Aide à l'acquisition d'une meilleure
connaissance des attentes des donneurs d'ordres (pré requis en
matière de regroupement, meilleure visibilité des
marchés). L'association des donneurs d'ordres à cette
démarche est indispensable.
· Accompagnement dans des démarches de
réflexion stratégique.
· Travail sur la formation et les compétences avec
des réflexions autour des axes suivants :
o constitution de pool d'experts régionaux, dont les
compétences seraient utilisées ponctuellement par les PME
locales. Ce pool pourrait intégrer des universitaires qui consacreraient
une partie de leur temps à visiter les PME ;
o mise à disposition de cadre à temps
partagé sur des fonctions transverses ou commerciales. Des bureaux de
portages seraient chargés de gérer ce système au niveau
régional ;
o accompagner les entreprises dans la mise en oeuvre d'une
GPEC qui leur permettraient d'anticiper sur les besoins de formation et de
recrutement à moyen terme.
· Faciliter le financement des PME du secteur notamment
par le biais d'un fonds de garantie régional dédié et dont
les priorités pourraient être données au financement des
activités de R&D et innovation qu'à l'acquisition de
technologies de production performantes.
· Développement commercial :
1 Le Crédit d'Impôt Recherche est un
outil fiscal mis en place au niveau national qui semble bien adapté
à la cible des PME, mais il reste insuffisant.
o Aider les PME du secteur à gagner de nouveaux
marchés auprès des constructeurs étrangers, notamment
auprès des marchés émergents comme ceux des avions
régionaux en Chine et en Russie ;
o Les aider à diversifier leurs activités pour
investir d'autres d'industries faisant appel à des compétences
similaires (automobile, instrumentation médicale...) et ce, afin de
croiser les savoir-faire et les process.
v) Actions concernant la main d'oeuvre et la formation
· Les organismes de formation devraient travailler plus
étroitement avec les entreprises en bâtissant des partenariats qui
vont permettre aux jeunes d'effectuer des stages diversifiées tout au
long de leur cursus de formation et d'apprentissage. Les entreprises devraient
se rapprocher davantage des universités pour faire connaître leurs
besoins. Ce travail pourrait se faire en partenariat avec les futurs
observatoires de l'emploi qui devront être mis en place dans chaque
branche professionnelle.
· Favoriser les coopérations entre les
écoles d'ingénieurs, universités et pôles de
recherche pour mutualiser leurs moyens, créer de grands laboratoires
communs qui travailleront avec les industriels et seront visibles de
l'étranger. Les universités devraient aussi développer
leur offre de formation continue en concertation avec les industriels, ce qui
leur permettrait de dégager des moyens financiers
supplémentaires.
· La mutualisation de la formation entre entreprises est
une piste à étudier. Ainsi des équipements lourds seraient
amortis plus aisément.
· Il faut aussi attirer les jeunes vers ces métiers
et donc communiquer davantage (les constructeurs et associations
professionnelles).
· Organiser la charge de travail entre les entreprises
d'un même bassin pour lisser l'activité et éviter les
sureffectifs en cas de creux d'activité et les sous-effectifs en cas de
forte reprise.
· Enfin, l'apprentissage de l'anglais devient
nécessaire, même pour des métiers opérationnels, en
particulier dans le domaine de la maintenance (les documents techniques sont en
anglais). Il est donc important de l'inclure dans les cursus de formation
initiale et continue.
Conclusion
L'insertion dans un espace clustérisé, eu
égard aux externalités positives qu'il offre, est susceptible
d'enrichir le profil du sous-traitant aéronautique et de procurer
à la filière une meilleure compétitivité. Le
concept du cluster, de plus en plus en vogue, nécessite un
accompagnement spécifique de la part des pouvoirs publics et une
implication particulière de la part des professionnels (Cf. Partie. I,
Chapitre. II, Section. 1, Paragraphe. 2).
Le cluster de la Wallonie en Belgique illustre parfaitement
cette articulation public- privé. Une fois initié par les
entreprises selon une logique de Bottom-up, l'EWA a reçu
soutien et accompagnement des pouvoirs publics. En 2006, ce cluster compte
quelques 57 entreprises qui opèrent toutes dans l'industrie
aéronautique et sont actives dans la recherche, le développement
et la production d'éléments de fuselage, de moteurs, de
systèmes électroniques et de logiciels ainsi que dans la
réparation, la maintenance et la modernisation d'avions,
d'hélicoptères et de moteurs (Cf. Partie. I, Chapitre. III,
Section. 1).
Conscient également de ces enjeux, le gouvernement
français a institué une nouvelle politique industrielle par les
territoires à travers les réseaux d'entreprises et les
pôles de compétitivité. Dans ce cadre, l'action publique
vise essentiellement à promouvoir les pôles de
compétitivité. Concrètement, tant à travers
l'expérience de la filière aéronautique de la
région du Midi-Pyrénées ou celle de la sous-traitance
aéronautique Francilienne, il ressort que (1) l'appropriation des TIC
par les STs, (2) la formation et le développement des compétences
des ressources humaines, (3) la mutualisation des efforts et coopération
inter-firmes et (4) enfin la promotion de la R&D, sont les maîtres
mots de cette nouvelle politique industrielle (Cf. Partie. I, Chapitre. III,
Section. 2).
Ces constats réconfortent la pertinence du cadre
conceptuel retenu (Cf. Partie. I, Chapitre. II).
Conclusion première partie
L'industrie aéronautique est constituée de
quelques avionneurs mondiaux (duopole Boeing et EADS), d'un nombre relativement
limité de systémiers, motoristes et équipementiers majeurs
; et de nombreux fournisseurs de composants et sous- équipements. Elle
se distingue par un caractère hautement stratégique et un
marché en pleine expansion (Cf. Partie. I, Chapitre. I, Section. 1,
Paragraphe. 1). Néanmoins, le caractère cyclique de
l'activité dans un environnement concurrentiel ouvert, ainsi que les
contraintes liées à l'organisation productive ont introduit un
certain nombre de tendances, à savoir le désengagement progressif
des Etats, la concentration et l'internationalisation des acteurs industriels,
ainsi que de profondes mutations dans les stratégies des compagnies
aériennes. Ces tendances ont naturellement orienté les
stratégies des grands donneurs d'ordres mondiaux dans le sens d'une
hiérarchisation et une réduction drastique du nombre de
fournisseurs directs, et une externalisation accrue notamment vers des pays
émergents (Cf. Partie. I, Chapitre. I, Section. 1, Paragraphes. 2 et
3).
Dans cette optique, le Maroc, de par ses nombreux atouts, a
drainé des investisseurs internationaux. Conscient de ces nouveaux
enjeux, le Maroc a érigé ce secteur en un des moteurs de
croissance et de développement dans le cadre des nouvelles orientations
du programme «Emergence« (Cf. Partie. I, Chapitre. I, Section. 2).
Par ailleurs, le secteur de l'aéronautique se
caractérise par une CVG structurée d'une manière
pyramidale, avec différents niveaux de sous-traitance (Cf. Partie. I,
Chapitre. II, Section. 2, Paragraphe. 1). Chaque niveau renvoie à un
profil et un registre de relation partenariale, dont le passage d'un stade
à un autre se fait selon un processus d'évolution graduelle,
nécessitant des compétences d'apprentissage organisationnel
spécifiques (Cf. Partie. I, Chapitre. II, Section. 2, Paragraphe. 2).
Enfin, cette partie est conclue par une approche de
benchmarking, à travers l'expérience belge de l'EWA et la
nouvelle politique industrielle par les territoires en France. Ces deux
expériences soulignent l'intérêt de mettre en place un
cadre de partenariat pubilc-privé à même de promouvoir les
clusters aéronautiques (Cf. Partie. I, Chapitre. III).