Première partie :
A) Les publicitaires
ces sacrés menteurs....
Le publicitaire est de l'espèce étrange de celle
des princes charmants ou même de celle des merlins enchanteurs, qui
créent un conte de fées empreint de belles images,
d'esthétique où même la laideur est embellie. Il n'a qu'un
seul but séduire le consommateur et il ne se refuse rien. Aussi, pour
draguer en publicité, tous les moyens sont bons. C'est pourquoi le
publicitaire s'avance, par l'intermédiaire de personnages, face au
consommateur avec une image parfaite, dents parfaitement blanches, sourire
irréprochable, maison parfaitement tenue, voiture spacieuse, chaussures
impeccables, vêtements soigneusement lavés, machine à laver
efficace et surtout silencieuse, etc... Chez lui tout est toujours bien
rangé, les draps sentent bon « la fraîcheur
alpine », et lorsqu'il surprend des taches « elles
s'évanouissent tout aussitôt ». Lors de leurs rendez
vous, il sert au consommateur toujours les mêmes phrases, embellissant
sans cesse ses propos.
Le publicitaire est toujours bien accompagné et ne
connaît pas la grisaille des corvées de tous les jours, ni la
laideur d'ailleurs. Et lorsque il sent que sa notoriété est en
baisse il n'hésite pas à tirer la sonnette d'alarme et choque le
consommateur qui, à force d'être sollicité, finit par
être séduit. Seulement le publicitaire à tendance à
aller trop loin, à pousser à bout le consommateur et surtout
à lasser la fameuse ménagère de moins de cinquante ans.
Le monde de la publicité est une monde à
part : c'est celui des taches qui s'évanouissent, des
intérieurs bien tenus, des cuisines parfaitement propres où l'on
nettoie avec plaisir. Bref les publicitaires sont les Don Juan de la
consommation et nous convient à découvrir un monde idéal,
celui qu'ils ont conçu. Ce monde est parfait, sublimé grâce
au concept, au produit que nous sommes censé consommer. Alors amoureux,
transi, le consommateur baisse la garde et s'exécute. On dit souvent que
la publicité est un homme, beau qui aime les bimbos aux corps
irréprochables. C'est la fameuse ménagère de moins de
cinquante ans et qui en réalité a un peu plus de vingt, mince,
belle, parfaite, heureuse et qui aime s'occuper d'elle, de ses enfants, de son
mari et bien sûr de sa maison parfaitement bien tenue. Et puis,
voilà qu'un jour cette ménagère disparaît et devient
active, travaille et passe moins de temps à la maison. C'est ainsi que
cette notion purement marketing a disparu pour laisser place à la CSP+
active qui utilise les produits de beauté « parce qu'elle les
vaut bien », des « parfums qui changent sa vie »
tout en luttant sans cesse contre la vieillesse grâce à des
marques qui « tiennent leurs promesses ». C'est en somme la
super woman.
Et les hommes dans tout ça ?
Après avoir séduit les femmes, le publicitaire
s'est attaqué aux hommes et les dote de petits surnoms auxquels ils ne
comprennent rien dans un premier temps, puis finissent par s'y attacher :
ils sont tantôt métro-sexuels, ou uber- sexuels.
Le deuxième est viril mais n'est pas macho. Il prend
soin de lui sans pour autant être égocentrique. En somme c'est
l'homme d'aujourd'hui. Ce terme purement marketing nous vient de la
célèbre JWT worldwide directrice de planning stratégique
Maria Salzman qui après avoir donné du grain à moudre
à tous les marketers avec le concept du métro-sexuel, revient
avec le terme d'uber-sexuel que l'on pourrait traduire littéralement de
la langue allemande par : le super homme. Malgré cette
dénomination, cette nouvelle catégorie masculine ne
désigne pas un surhomme macho mais plutôt un homme à
l'écoute des femmes et qui assume pleinement sa part de
féminité. (Stratégie 2005). Ainsi, selon Maria Salzman,
celui-ci « se tourne un peu moins vers lui-même et un peu plus
vers les autres. Il en devient plus fort. »,elle ajoute cependant
qu'être uber-sexuel « n'est pas une excuse pour retomber dans
les travers machistes ». Donc l'uber-sexuel est un homme post
féministe, bien dans sa peau et qui a accepté que la femme soit
son alter-ego. Quant au premier, il est apparu pour la première fois en
1994 dans un article du journaliste Mark Simson qui le définit comme
étant « un homme, urbain, de n'importe quelle orientation
sexuelle, ayant un sens développé de l'esthétique et qui
dépense énormément de temps et d'argent dans son apparence
et son style de vie ». D'après L'Express (Express.fr 2004)
c'est un mélange de dandy et de gay, qui redécouvre l'art du
rasage, s'épile, se met des crèmes sur le visage, n'hésite
pas à accentuer son regard par une touche de khôl
spécialement concocté pour lui.
Le dernier né, est ce une rumeur ou une
réalité ? ne serait autre que le HIMBO : tout
simplement l'équivalent masculin de la BIMBO.
Ce HIMBO n'a qu'une obsession : plaire à tout prix
en misant sur son physique. Alors il n'hésite pas à passer sur le
billard pour ressembler le plus possible à un idéal de
beauté, doté de pectoraux irréprochables, d'abdominaux en
béton et exhibe son corps tel un trophée.
Pour le séduire les publicitaires n'hésitent pas
à lui concocter des accroches à consonances
macho-féminines qui fonctionnent parfaitement telle que :
« Nivéa : Que c'est beau d'être un
homme » Il est viril mais assume sa part de
féminité.
Ainsi est crée le couple parfait en publicité
qui serait le métro/uber-sexuel accompagné une fois de plus d'une
femme parfaite, grande, mince, sans cellulite car elle utilise encore une fois
les produits adéquats, ceux qui réduisent miraculeusement la peau
d'orange, que l'on ne voit jamais d'ailleurs.
La publicité conventionnelle c'est aussi un monde
où les banquiers sourient, chantent, dansent et aiment leurs clients,
où les voitures ne polluent pas et roulent souvent sur des routes sans
embouteillages, où lorsqu'on parle d'écologie ou d'environnement,
ce sont des entreprises tel que Total ou Véolia qui montent au
créneau. Sans parler des publicités qui vantent le tourisme et
qui se gardent de signaler qu'il contribue à la pollution de l'air,
puisque le rejet de CO2 d'un avion équivaut au bilan
énergétique d'une maison sur une année. La
publicité conventionnelle c'est surtout le temple du cliché qui
fait vendre. Car ayant peu de temps pour faire passer un message, elle s'appuie
sur des idées reçues, des stéréotypes afin de mieux
marquer les esprits.
Mais il lui arrive aussi d'utiliser des personnages ou des
concepts atypiques pour se faire remarquer, se démarquer et avoir plus
de visibilité. Ainsi les publicitaires par ces moyens traditionnels
souhaitent faire appel à nos instincts ou sentiments fort pour sortir du
lot, Georges Bernanos n' affirmait-t-il pas que la publicité s'appuie
sur les 7 pêchés capitaux ? C'est donc un univers particulier
fait de nos désirs et de nos penchants qui s'offre à nous tous
les jours, c'est celui du rêve, des images épurées de toute
laideur, de toute imperfection : lorsque des insectes font irruption ils
sont immédiatement chassés, lorsque l'on a grossi, l'on maigri en
un temps record, mais encore faut il que ces femmes soi disant grosses, le
soient vraiment ! Lorsque l'on a des rides, elles s'estompent facilement.
C'est le monde de l'instantané, de l'économie du geste et du
temps mais non de l'argent. On voit rarement des femmes de soixante ans nous
vendre des produits anti- rides, elles sont jeunes, ont la peau parfaitement
tendue et n'ont pas de temps à perdre à résoudre de
bêtes problèmes grâce à tous ces produits
miraculeux.
Les images s'éloignent et pourtant les consommateurs
achètent et finissent par y croire, par adhérer à ces
concepts et c'est là toute la magie des publicitaires. La
publicité séduit les consommateurs. Alors pourquoi aujourd'hui
changer son fusil d'épaule et abandonner le rêve, la baguette
magique, pour la triste réalité, remplacer les mannequins par des
simples consommatrices qui ressemblent à tout le monde, banales ?
Que s'est il passé ?
Pour comprendre ce revirement nous avons décidé
de mener une enquête auprès de professionnels de la
publicité (cf : interviews sonores in annexe).
Enquête sur le phénomène :
« la tendance réaliste »
Après plusieurs recherches sur le net et après
avoir interviewer des professionnels de la pub (la directrice marketing de
Vichy et le concepteur rédacteur de l'agence V qui a crée la pub
neuf Télécom) voici ce qu'il en ressort.
Etait il question d'un manque de créativité,
d'économie, de soucis de transparence, de lassitude des consommateurs
face à la publicité dite « classique », ou
même d'un déficit de crédibilité ?
La réponse fut simple et direct et peut être
synthétisée en:
« Les consommateurs en ont marre de nous, ils ont
l'impression qu'on se fout d'eux ! ». Il a fallu, alors, prendre
les choses en main et s'armer contre cette nouvelle menace qui est la
défection du public en adoptant un univers
« uber-pragmatique » dit réalité.
Les publicitaires ont donc opté pour plus de
proximité vis-à-vis de leurs consommateurs, et pour ce faire ils
ont choisi de se rapprocher de la réalité en collant le plus
possible à la vie réelle.
En somme le consommateur n'est plus séduit par cet
univers peuplé de Barbies et de Ken, le charme est rompu, l'enfance est
consommée. C'est ainsi que le publicitaire a compris qu'un nouveau
consommateur est né et qu'il fallait changer les règles des jeux.
Il fallait passer à un autre univers : peuplé d'ados
crédules (ex : Free), de femmes et d'hommes mûrs ayant des
fuites urinaires et des problèmes de dentiers.
Il ne s'agit plus de vendre des rêves mais aussi de se
préoccuper des bobos de tous les jours. Le produit n'est plus le centre
de l'annonce, il est détrôné par le consommateur !
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