Faute et Châtiment. Essai sur le fondement du Droit pénal chez Friedrich Nietzsche( Télécharger le fichier original )par Rodrigue Ntungu Bamenga Faculté de Philosophie saint Pierre Canisius Kimwenza, RDCongo - Bacchalauréat en Philosophie 2005 |
II.2.2. Origine et fonctions du châtimentC'est un principe acquis qu'il n'y a pas de châtiment sans faute. La faute est un écart de conduite par rapport aux normes établies, c'est pourquoi elle rend nécessaire la punition. La gravité de cette punition dépend alors du caractère plus ou moins inhabituel de la faute, caractère qui doit être prouvé par le juge. Ainsi, les généalogistes du droit ont longtemps soutenu que « expliquer une faute, c'est la justifier ». Le regard du juge paraît donc tronqué, partiel, puisqu'il ignore l'origine de la faute. Le travail de l'avocat au contraire consiste à en expliquer les causes. C'est la connaissance des causes qui diminue l'étonnement sur la faute, et partant sa gravité même. L'acte du criminel est démontré alors comme une nécessité parce que, dans ces conditions, nul homme à sa place n'aurait agi autrement.64(*) Tout bien pesé, expliquer interdit de châtier, puisque le châtiment résulte d'un défaut de connaissance, d'une entrée superficielle dans les vues et les intentions du criminel. La justice punitive aurait par contre quelque importance, si la faute gardait son caractère obscur et injustifiable. D'où l'inutilité du châtiment. Jusqu'ici, nous avions confiance au sens du châtiment proposé par les généalogistes du droit, quand le "but" (par exemple la vengeance) passait pour l'origine même du châtiment. Par exemple, nous croyions autrefois que la main était créée pour saisir. Maintenant, il nous est permis d'en douter. Il faut dire que Nietzsche trouve impossible de dire aujourd'hui pourquoi l'on punit, de même qu'il reconnaît la difficulté à définir le concept de châtiment. Car « n'est définissable que ce qui n'a pas d'histoire ». Or le châtiment correspond à une longue tradition historique des peuples. Il n'est nullement un instrument « pour améliorer celui qui châtie »65(*), pour dissuader ou pour exercer une vengeance sous le couvert du droit. Le châtiment est plutôt un objet complexe où Nietzsche demande de distinguer deux choses : d'une part l'usage, l'acte, "le drame", donc la procédure ; d'autre part le but et l'attente associés à la mise en oeuvre de cette procédure.66(*) II.2.2.1. La procédure pénaleHabituellement, la procédure du châtiment (répression) est régie par un Code de Procédure pénale (CPP), où interviennent des dispositions juridiques assez complexes. Pour rester fidèle aux textes de Nietzsche, nous n'y puiserons qu'un brin de détail. Toutefois, chez Nietzsche, la procédure du châtiment est une affaire aussi vieille que le monde. User du drame pour punir un malfaiteur a été une pratique relativement permanente dans l'histoire des sociétés. Que ce soit dans les civilisations préhistoriques ou chez les peuples mentionnés au chapitre précédent (aristocrates, Allemands, etc.), l'application du châtiment à des fins diverses se cristallise dans une unité difficile à résoudre : le besoin de faire payer la faute à son auteur. Pour Nietzsche, ce besoin jaillit de la colère que suscite la faute dans la société. C'est dans cette même colère qu'il faut chercher à la fois l'origine et le but du châtiment. * 64 Réflexion que nous a inspirée la lecture de certaines pages Web consacrées à Nietzsche. * 65 GS, p. 206. * 66 GM, p. 127. |
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