2- La Population civile :
La population civile forme partie des catégories des
personnes protégées par les quatre conventions de Genève
et leurs protocoles additionnels. Toutefois, malgré son caractère
apparemment inoffensif, cette dernière peut s'avérer d'une
importance transcendantale en tant que force indirecte de soutien aux
guérilleros
(29).
La population civile est un élément vital pour
les insurgés et sans lequel ils ne peuvent survivre, aucun mouvement
rebelle n'aurait de chance de réussir s'il n'a pas le soutien de la
population civile (30). Elle forme une catégorie de «
combattant indirect » qui est typique des mouvements de guérilla.
Cette dernière vit par l'environnement civil ; c'est la population
civile qui dans tous les sens du mot nourrit la guérilla
(31).
Pour Mao Zedong, le combattant de la liberté doit
s'immerger dans la population comme « un poisson dans l'eau
», il y trouve en principe la complicité et la sympathie
nécessaires pour son ravitaillement, son financement tout en offrant une
couverture contre la répression étatique. Quand le soutien est
assez fort les forces armées de l'Etat parviennent difficilement
à bout des insurgés qui se confondent au sein de la population
civile.(32)
La population civile remplit une fonction stratégique
et tactique pour cette lutte, elle représente l'environnement qui
nourrit l'insurrection contre le pouvoir en place. Néanmoins, elle ne
lui y est utile qu'à condition de rester dans l'état
(29)Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz,
op.cit, p 190.
(30) El Bouhairi Youssef, op.cit, p 221.
(31) Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz,
op.cit, p190.
(32) El Bouhairi Youssef, op.cit, p 221.
civil.(33)
Cette relation entre population civile et guérilla met
cette dernière gravement en danger. Cette situation peut les mener
à être victime d'innombrables abus de la part des forces
gouvernementales, ou de groupes anti-insurrectionnels comme les AUC en
Colombie, qui se charge d'éliminer toute personne
soupçonnée d'appartenir à la guérilla ou de lui
apporter soutien.(34)
Il faut signaler aussi que cette même population civile
peut être victime de la propre guérilla dans le cas où elle
se montrerait récalcitrante. En effet, la population demeure
protégée et bien traitée lorsque cette dernière
collabore volontairement, dans le cas contraire la guérilla
n'hésite pas à recourir à la terreur pour l'y obliger.
Si la population civile est un composant aussi vital pour la
réussite de tout mouvement d'insurrection que l'est l'eau pour le
poisson, c'est pour cette raison que le combattent de la liberté doit
veiller à la protéger et à la préserver, puisque
dans le cas contraire tout mouvement de guérilla sera voué
à l'échec, comme l'affirme Mao « si l'eau se retire ou
se tarit, le partisan n'échappe pas à la mort », donc
si la guérilla perd le soutien de la population, elle ne pourra plus
atteindre son objectif.
En Colombie, si pendant plusieurs années les groupes
armées dissidents jouissaient d'une certaine popularité
auprès de la population civile, tel n'est plus le cas actuellement. En
effet, on pourrait dire que par leurs méthodes condamnables les groupes
armés dissidents sont parvenus à faire de leur premier
(33) Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz,
op.cit, p190.
(34) Lors d'un interview télévisé, Carlos
Castaño, chef des AUC pour justifier les massacres commis par ses
troupes, disait qu'elles ne faisait que s'attaquer à des
guérilleros habillés en civils ou à leurs
collaborateurs.
soutien leur première victime.
En Amérique latine, jamais un mouvement de
Guérilla n'a été aussi sanguinaire et n'a commis autant
d'atrocités comme la Guérilla colombienne ces dernières
années.
Signalons qu'en Colombie, les affrontements les plus sanglants
ont lieu entre la Guérilla et les groupes paramilitaires, la nature de
ces affrontements n'a pas uniquement une connotation politique, mais
relève d'une grande importance stratégique, puisque ces derniers
se disputent généralement des points de passage
stratégique vitaux au trafic illicite.
L'usage d'armes non conventionnelles comme les cylindres
à gaz représente un énorme danger pour les civiles. En
2002, lors d'un affrontement avec les AUC, les FARC avaient bombardé une
église où s'étaient réfugiées plusieurs
personnes, l'explosion causa plus d'une centaine de morts dont 40 enfants, et
plusieurs dizaines de blessés. Le pape Jean-Paul II qualifiât cet
acte, d'acte terroriste. Cet événement est connu sous le nom de
« Massacre de Bojaya ».(35)
Bien qu'en théorie les guérilleros et les
paramilitaires soient ennemis jurés, ceci ne les empêche pas de
s'allier de temps en en temps lorsque des intérêts communs
relatifs au trafic de stupéfiants entrent en jeu. (36) . Ce
qui nous, mène à l'idée que le trafic de drogue est un
facteur non négligeable du conflit armé colombien.
Les Nations Unies, Amnisty international, et Human Rights Watch,
ont accusé les FARC d'avoir commis de graves violations du DIH. Parmi
les
(35)Rapport du bureau colombien du haut
commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Bureau colombien du
haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, 2 mai 2002.
(36)Farc y las Águilas Negras se
alían en negocios de narcotráfico en el sur de Bolívar,
Semana, Bogota, avril 2008.
violations les plus importantes, on trouve, le recrutement de
mineurs (37),traitement inhumains et dégradent à
l'égard des otages (38), déplacement
forcé(39) et la prise d'otages (40) .
Concernant le recrutement, selon Human Rights watch, les FARC
recruteraient des enfants de moins de 18 et 15 ans. Le nombre d'enfant soldats
en Colombie est estimé à environ sept mille mineurs.
Ajoutons aussi le fait que les FARC soient
considérées comme les plus grands poseurs de mines
antipersonnelles au monde, elles n'hésitent pas à les poser aux
alentours d'endroits protégés comme les églises, les
écoles et les parcs, la Colombie est le pays ayant le plus grand nombre
de victimes de mines antipersonnelles.(41)
Autre technique très courante chez les FARC est le
recours à la prise d'otage. La prise d'otage peut être à
des fins lucratives ou à des fins politiques et dont la plus tristement
célèbre est Madame Ingrid Betancourt, kidnappée depuis
2002 et dont les médias français sont parvenus à en faire
un vulgaire produit télévisé (42). J'ajouterai
même que le véritable souci des français n'est pas la
libération d'Ingrid mais simplement le fait de vouloir apparaître
comme ses libérateurs, chose que jusqu'à présent, ils
n'ont pas réussi à faire. En outre, le fait de commettre des
attentats par l'utilisation d'animaux, de cadavres et de véhicules
protégées comme les ambulances, n'améliore pas les choses
pour les FARC.
(37) Rapport de Human Rights Watch: «Colombia: Armed Groups
Send Children to War», 22 février 2005. Version en ligne 1
septembre 2006.
(38) Human Rights Watch: Traitement inhumain à
légard des capturés.
(39) Human Rights Watch: Déplacement des civiles
causé par les FARC.
(40) Human rights watch -- le DIH et la conduite des farc.
(41) Human rights watch -- le DIH et la conduite des farc.
(42) les souffrances humanitaires demeurent un produit
télévisé, bien construit, bien manipulé par les
médias. El BOUHAIRI Youssef, op.cit, p.358.
Face à des guérilleros qui commettent autant de
violations au DIH, il est très difficile de les qualifier de combattant
de la liberté. Cependant, aussi atroces soient leurs actes ces derniers
ne perdent pas en principe leur statut de combattant.
La guérilla doit respecter le DIH, non de façon
dogmatique, ni pour se voir attribuer un statut juridique donné, puisque
le respect du DIH n'est pas basé su la réciprocité et que
le fait de le respecter n'entraîne pas la reconnaissance de la partie qui
l'applique, mais uniquement dans un souci humanitaire pour le bien de la
population civile.
Après avoir vu quelques critères de distinction
entre guérillero et terroriste, et la relation du guérillero avec
la population civile, nous essaierons d'aborder au cours de la dernière
section la question des garanties auxquelles a droit le guérillero et
leur degré d'applicabilité.
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