Deuxième Partie :
Le statut du guérillero
en DIH.
Section 1 : Le guérillero entre Terroriste
et
combattant de la liberté
La notion de « terrorisme » connaît de nos
jours une ampleur considérable sur la scène internationale,
l'accroissement fulgurant des organisations dites terroristes en est la preuve.
En outre on a tendance à confondre terrorisme et guérilla. Quelle
est donc la nature de la relation entre les deux ? Le guérillero est-il
un terroriste ou un combattant de la liberté ? Nous essaierons
d'établir quelque critère de distinction entre les deux dans un
premier temps, ensuite nous verrons la nature de la relation entre
guérilla et population civile.
1- Guérilla et Terrorisme.
Comme pour « la notion de conflit armé non
international », il n'existe pas de définition précise de la
notion de « terrorisme ». Ce terme reste chargé de
connotations politiques et idéologiques (25).
Cette situation d'ambiguïté profite principalement
aux Etats. Là encore, la définition de la notion de terrorisme
dépend strictement du caractère qu'ils veulent lui attribuer. En
effet, si plusieurs dispositions du DIH condamnent les actes terroristes, ces
dernières ont laissé le champ libre aux Etats de les
interpréter à leur guise. L'appréciation des actes
terroristes relève donc strictement de la compétence de l'Etat.
Pour eux, tout acte émanent d'un groupe dissident doit être
considéré comme acte terroriste.
Concernant, la différence entre combattant de la
liberté et terroriste, il faut signaler que la distinction entre les
deux émane d'un critère subjectif et non pas objectif : comme le
prouve un célèbre adage « Le terroriste des uns est le
combattant des autres ». Il est difficile d'établir un
critère précis qui permette de distinguer la notion de combattant
de la liberté de celle de terroriste, aux yeux des Nazis par exemple les
maquisards français étaient bien des terroristes, tandis que pour
tout français désirant l'indépendance de son pays, ces
derniers étaient des résistants et des combattants de la
liberté. La même situation paradoxale s'appliquait au cas de la
France coloniale vis-à-vis des mouvements de résistance au
Maghreb ; la guerre d'Algérie en est un exemple.
Selon un témoignage : « Face aux obus des chars,
aux bombardements
(25) BOUCHET SAULNIER Françoise,
Dictionnaire pratique de droit humanitaire, op.cit, p.517.
des avions F-16, aux missiles des
hélicoptères Apache de l'armée d'occupation, que pouvons
nous faire d'autre qu'envoyer nos enfants se faire tuer en Israël ?
», disait tristement Ismaïl Abou Shanab l'un des fondateurs du
Hamas au journaliste britannique Phil Rees(26).
Pour Phil Rees, les Palestiniens sont des résistants,
au même titre que les israéliens sous le mandat britannique
(1922-1948) et les Français sous occupation nazie.
Donc, si aujourd'hui le Hamas est considéré
comme groupe terroriste par Israël et compagnie, tel n'est sûrement
pas le cas pour une grande partie des palestiniens.
De nos jours, Les Etats Unies tendent à définir
comme terroriste toute organisation portant atteinte à leurs
intérêts ou à ceux de leurs alliés, et à
condamner tout mouvement ou régime qui résistent à leur
hégémonie (Iran, Venezuela...).
Cependant, si le critère de distinction reste
principalement subjectif, on peut quand même établir certains
critères de distinction entre terroriste et guérillero.
Tout d'abord, signalons que la guérilla et les MLN
jouissent d'un statut international dans le cadre du principe du droit des
peuples à l'autodétermination, alors que le terroriste ne peut en
aucun cas avoir un statut international ni songer à en avoir.
Le fait que la guérilla et les MLN ne soient pas des
organisations terroristes, ne les empêche pas d'avoir recours au
terrorisme. Le terrorisme est un fait, et les théoriciens de la
guérilla le proclament ouvertement(27).
(26) ERIC ROULEAU , « Le bien, le mal et le terrorisme
», Le monde diplomatique, mai 2007 -- Pages 24 et 25.
(27) Extrait de la communication du professeur Henry
Meyrowitz, Centre de droit international de l'institut de l'université
libre de Bruxelles (Centre Henri Rolin), Droit humanitaire et conflits
armés, Colloque des 28- 29et 30 Janvier 1970, édition de
l'université de Bruxelles, Bruxelles, 1970, p 198 et 199.
Le Guérillero et le résistant ont recours
à la terreur uniquement comme moyen, ils visent
généralement des symboles de l'Etat, comme ses institutions, ses
représentants ou ses défenseurs. Contrairement au terroriste qui
à côté des symboles étatiques, n'hésite pas
à s'attaquer à la population civile et fait de la terreur une fin
en soi.
Une autre différence est que le terroriste ne porte ni
de signe distinctif reconnaissable à distance, ni ouvertement les armes,
il cherche à garder l'anonymat et agir en toute clandestinité
afin d'optimiser-avec un minimum d'effectifs- le degré de terreur
jugé nécessaire à l'accomplissement de son acte.
D'autre part, si le soutien de la population civile est un
élément vital pour le guérillero, le terroriste peut s'en
passer, il n'en n'a aucunement besoin pour atteindre son but et il n'a pas
l'obligation de respecter le DIH.
Malgré le fait que les guérilleros recourent
souvent au terrorisme, ceci ne peut servir comme prétexte aux Etat
belligérant pour leur refuser ou leur retirer la reconnaissance comme
belligérant, ni pour leur dénier le statut de prisonnier de
guerre.
Les insurgés doivent néanmoins, respecter les
dispositions du DIH, non pas pour le respect du DIH, mais pour la population
civile, les violations abusives de ce dernier peuvent ternir l'image des
insurgés auprès de la population civile elle- même, et donc
après avoir joui du soutien volontaire de la population, cette
dernière pourrait se retourner contre eux. Dans ce cas ils seraient
obligés de s'imposer à la population civile par la force, ce qui
nuirait d'avantage à leur image et à la cause qu'ils
défendent.
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