B. Du contrat de travail maritime à l'agence de
manning
Aujourd'hui, seuls 1500 marins français (environ)
bénéficient du contrat de travail maritime décrit
ci-dessus, liant davantage le marin à l'entreprise maritime qu'au navire
tel que cela était pratiqué dans le passé. Mais qu'en
est-il des 1 227 000 marins, dont 72% provenant du tiers monde, navigant sur
à peine plus de 40 000 navires (ces deux nombres varient
considérablement en fonction des sources et des définitions) ?
70, 5% de la flotte mondiale est actuellement pavillonnée
sous complaisance.
On observe, sur le marché du travail maritime, les
restes d'une structure en voie de liquidation, car les droits des marins des
nations maritimes anciennes sont soumis à la concurrence permanente du
non-droit de ceux du reste du monde.
Les conditions extrêmes sont les plus connues, parce que
médiatisées. Salaires impayés, navires abandonnés
couverts de dettes, ou de rouille, ou des deux, marins surexploités et
mal nourris, conditions sanitaires effroyables, intimidation et meurtres au
besoin, sans voie de recours. Navires exténués, risques mortels
pour les marins, mais pas pour le propriétaire
généralement bien assuré. De la criminalité
économique, on passe aisément à la criminalité tout
court, sous l'impunité des mondes sans loi, facilitée par
l'existence des nombreux outils juridiques abordé
précédemment, rendant difficile quand ce n'est pas impossible
l'identification des armateurs responsables et leur mise en demeure.
On s'approche de l'esclavage. Nombre d'armateurs, et surtout
des marchands d'hommes travaillant pour leur compte, ont mis au point des
moyens liberticides d'obtenir la docilité des marins. L'un de ceux-ci,
très répandu, consiste à taxer le marin pour lui procurer
un emploi, couramment d'un ou deux mois de salaire. N'ayant évidemment
pas cette somme, le travailleur embarque endetté, ce qui crée --
en plus de la spoliation -- une sujétion. Une autre méthode
réside dans le retard de paiement du salaire : quelles que soient les
conditions de travail et de vie qu'on lui impose, le marin se refuse à
quitter un navire qui est le seul gage de récupération des
salaires impayés. Ici encore, spoliation et sujétion vont de
pair, et d'une manière trop récurrente pour qu'on puisse
l'attribuer à des difficultés économiques
passagères. Les moyens directs d'intimidation sont pires, les listes
noires, une pratique courante.
Il ne faut pas croire que la dégradation de la relation
de travail se limite à une frange maudite d'armateurs-voyous, si large
soit-elle. Jusque dans les armements les plus réputés, dans les
trafics des grands porte-conteneurs modernes, la situation se tend :
réduction des équipages, augmentation des rythmes de voyages et
cadences de travail, réduction des couvertures sociales, pression sur
les salaires. La pratique des équipages multinationaux se
généralise (six ou sept nationalités, couramment, sur une
vingtaine de personnes) et favorise la surexploitation, mais aussi le
déclin des pratiques syndicales, ou tout simplement revendicatives. Tel
est le cas dans l'ensemble des armements français tel Maersk Maritime,
CMA CGM, La Morbihannaise, la compagnie des Iles du Ponant, et bien d'autres.
N'échappent à cette situation que les compagnies restées
sous pavillon National métropolitain tel la tristement
célèbre SNCM, la CMN ou Sea France. Ne parlons pas de la Dreyfus,
ancien fleuron de la flotte marchande française ayant
dépavilloné en masse à l'orée des années
1980 et ne possédant plus aucun navire sous registre national si ce
n'est les navires spécialisés tels les sismiques ou
câbliers.
C'est donc dans l'ensemble de la marine marchande mondiale que
le marché du travail est de plus en plus ouvertement
débarrassé de ses contraintes et régulations. Cela s'est
d'abord fait sous le couvert des pavillons de complaisance, puis des «
pavillons-bis » sous le couvert desquels les nations maritimes cherchent
à concurrencer les précédents (en France, les pavillons
Kerguelen, TAAF, et Wallis et Futuna). Le chaos qui s'ensuit se restructure
spontanément, sous le fort déterminisme d'une concurrence
débridée, selon deux « attracteurs étranges »,
deux lignes de force générale : le marchandage et la
discrimination.
LE RIF, nouveau registre français, créé
dans le but d'attirer les navires français dépavillonés et
les navires étrangers sous pavillon national n'est que l'expression de
cette évolution. Car le texte du RIF fait un pas en avant en
matière de recrutement international, introduisant dans le droit
français et international la reconnaissance à la discrimination
nationale et au marchandage. Évolution qui permet à ces pratiques
de sortir de l'ombre et évoluer au grand jour.
Le texte accorde, en effet, aux « manning agencies »
internationales, rebaptisées « entreprises de main-d'oeuvre
maritime », un statut légalisant la pratique de marchandage de
main- d'oeuvre que nous avons définie ci-dessus. C'est le seul point sur
lequel on trouve une référence précise à une
convention de l'OIT, en l'occurrence la convention n°179 sur le
recrutement et le placement des gens de mer. Mais, en réalité,
cette référence est fallacieuse car « recrutement et
placement » signifient que le marin obtient un contrat de travail avec
l'armateur, ce qui n'est pas le cas quand il y a, comme dans le RIF, «
embauche et mise à
disposition ». Cette interprétation abusive risque
néanmoins de faire école, créant ainsi une brèche
sérieuse dans un domaine du droit international qui manque encore de
jurisprudence.
Conditions pour un français navigant sous pavillon
étranger :
Un officier ou un opérateur radio ne peut servir
à bord d'un navire battant pavillon étranger que si son brevet a
été " reconnu " par ce dernier pays. Ceci constitue une
obligation au plan international.
Pour naviguer sous pavillon étranger, un marin
français titulaire d'un titre STCW 95, devra s'adresser aux
autorités compétentes du pays du pavillon sous lequel il souhaite
embarquer. S'il y est autorisé, il sera alors soumis aux dispositions
spéciales prévues dans le cadre du pavillonnement du navire ou du
contrat passé avec son armateur/marchand d'hommes, dans les limites
minimales du droit international.
COMPARAISON DES COÛTS D'E<PE OITATION DES
NAVIRES: TYPES ET PAVIE E ONS
5
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000
|
000
|
4
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000
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000
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hiffres en euros 3
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000
|
000
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par an 2
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000
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000
|
1
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000
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000
|
|
|
0
|
Pav. Pav. Pav.
Français Tiers Tiers
(TAAF) (I.E)
Pétrolier VE CC
Transporteur de produit pétroliers 7000 TPE
Vraquier Capesi@e
Roulier 22000 TPE
Source : armateurs de France, 2005.
Conditions pour un étranger navigant sous pavillon
français :
Un officier détenteur d'un brevet étranger
désirant naviguer sous pavillon français devra
faire reconnaître son brevet par la France. Lorsque le pays du marin
figure sur la liste blanche50, on peut entamer une
procédure appelée : "visa de reconnaissance". Le marin
dépose un dossier
50 Liste regroupant tous les États suivant les
dispositions de la convention STCW 95 ; celle-ci est éditée et
tenue à jour par l'O.M.I
auprès de son armateur qui dirigera son dossier vers
les services des affaires maritimes. Il recevra en retour une attestation de
dépôt (valable 3 mois) lui permettant de naviguer pendant que le
service des affaires maritimes effectue les vérifications d'usage
(authenticité du titre, expérience du marin...).
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