TROISIEME PARTIE : L'importance de la Boucle du
Blouf dans le développement socio-économique de la
région
Introduction
Le Blouf est une région accessible par la mer dans sa
partie Ouest. Mais la part du transport maritime dans le déplacement des
populations et de leurs biens est faible ; ce qui fait que la voie
routière est la plus fréquentée. C'est cette importance
qui donne à la Boucle du Blouf la place qu'elle occupe dans le
développement socioéconomique de la région.
1. Dans l'organisation de l'espace
En observant l'espace ou le paysage du Blouf on constate que
la majorité de la population de cette région occupe pour la
plupart un flanc de la route. En entrant par Tendième, on note une
disposition des villages sur le flanc droit ; parfois la route passe au
milieu d'un village. Le centre du Blouf est vide et si une telle disposition
existe, c'est parce que les populations ont toujours cherché à
occuper un espace accessible qui leur permet non seulement d'être en
relation avec les autres régions, mais aussi de pouvoir écouler
les produits de leurs activités économiques.
Or, on ne peut pas envisager un développement
quelconque sans infrastructures de communication.
Les populations en général, leurs chefs en
particulier (surtout Sagna Sagna et Arfang Bessire) l'ont compris. Durant la
période coloniale beaucoup d'hommes et de femmes ont été
bastonnés parfois à mort au moment de la construction des routes
parce qu'ils ont manqué à l'appel. On raconta l'histoire de cette
femme enceinte que Sagna Sagna fit bastonner (qui a par la suite rendu
l'âme) lors de la construction du tronçon
Diégoune-Balingor ; ce qui a d'ailleurs précipité la
chute de ce chef.
Dans presque tous les villages du Blouf les quartiers proches
de la route sont plus densément peuplés que les autres. A Thiobon
les populations d'un quartier plus à l'intérieur réclament
le passage de la nouvelle route en construction (le projet
d'amélioration de la Boucle du Blouf) dans sa périphérie.
2. Dans le développement
socio-économique.
Des villages comme Tendimane, Balingor Mandégane
étaient dynamiques depuis l'époque coloniale jusqu'au
début des années « 80 » parce que la route du
Blouf était praticable à ces endroits.
De grandes boutiques y existaient et attiraient une
clientèle de presque tout le Blouf. A cette période Balingor
était le centre du Blouf (durant le règne du chef de canton Alpha
Bodian).
Aujourd'hui c'est l'autre côté, l'axe
Diégoune-Kagnobon jusqu'à Thionck-Essyl, Tendouck. Des cars, par
cette voie déversent des centaines de voyageurs, des marchandises, des
produits agricoles. Tous les villages situés le long de cet axe sont
approvisionnés en denrées de première
nécessité à partir de Bignona ou Ziguinchor ou encore de
Dakar (les cars du jeudi et du samedi). C'est par là aussi que passent
pour la plupart les produits de la cueillette (madd, toll, balais), les
mangues, les oranges, etc.
C'est par la route que l'on évacue les malades vers
Bignona et Ziguinchor.
Les récoltes de mangues, d'oranges permettent aux
populations de couvrir une partie importante de leurs besoins alimentaires.
Vers les années 2003-2004, quand la Boucle du Blouf était
très dégradée, les populations ont beaucoup souffert,
surtout pendant l'hivernage. Des mangues ont pourri parce qu'il n'y avait pas
d'acquéreurs du fait de la non praticabilité de la route.
D'après le commerçant Mamadou Dia, quand la
production est abondante il peut remplir plus de 10 camions de 16 tonnes
d'oranges, jusqu'à 20 camions de mangues de toutes
variétés. Or, il n'est pas seul à intervenir dans ce
commerce ; ils sont nombreux dans ce secteur. Si cette importante
production devait être invendue à cause de l'état de la
route, ce serait une perte énorme pour les populations du Blouf. Dans la
quasi-totalité des villages du Blouf, c'est l'homme qui donne à
manger à toute la famille pendant l'hivernage (souvent depuis le
démarrage des travaux champêtres jusqu'à la récolte
du riz période où la femme prend le relais). Avec l'insuffisance
des pluies et la crise agricole qui en découle, ce système a
changé et compte beaucoup sur ses arbres fruitiers pour couvrir ses
besoins alimentaires. Pour cela, il faut toujours compter sur une bonne
production mais surtout sur la praticabilité de la route.
La route a aussi un impact dans la santé des
populations du Blouf. Dans cette région les infrastructures sanitaires,
jusqu'à l'ouverture il y a deux ans du Centre de Santé de
Thionck-Essyl, se limitaient aux soins de santé primaires et pour les
cas graves les malades sont évacués à Bignona ou à
Ziguinchor. Dans beaucoup de ces cas d'évacuation le échappait
difficilement à la mort. En 2002 par exemple, on a assisté
à des évènements insolites à Thionck-Essyl :
deux femmes du quartier de Niaganane sont décédées
à la suite de leur évacuation à Ziguinchor ; elles
ont été enterrées la même heure dans le même
cimetière avec toute l'émotion que cela a provoqué. La
même année les vieux Mamadou Bassène Sambou et Ayi Le
Colonel Badji sont morts en cours de route sans arriver à Ziguinchor
où on les évacuait.
Parallèlement à cette situation le prix du riz a
connu une hausse. Le sac de riz qui coûtait 9500f à Bignona
était vendu à plus de 12000f dans certains villages surtout ceux
du centre qui n'avaient de débouché que Bignona. Pendant ce
temps, la voie maritime (Thionck-Essyl - Ziguinchor, Elana - Ziguinchor,
Bouteum - Ziguinchor, Affiniam - Ziguinchor) se développait, mais ne
pouvait même pas faire le quart de la route du Blouf.
Les populations excédées, ont agi par des
correspondances, des cris de détresse au cours des tournées des
autorités administratives, des politiciens ; par des marches dont
celle de Mars 2005 du Blouf à Bignona.
Comme on le constate, la Boucle du Blouf est à l'image
de « la route de l'espoir » en Mauritanie, et comme le Rhin
en Allemagne elle organise l'espace du Blouf.
Conclusion
Sans voies et moyens de communication il est difficile de
développer une région, voire y vivre. Le Blouf n'échappe
pas à cette logique au moment où nous vivons la mondialisation
dont le socle réside dans le développement des communications.
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