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a. L'âme du monde comme principe du mouvement
Nous avons vu que le corps du monde est sphérique, et
que l'âme du monde est constituée par le démiurge lorsque
celui-ci fait le mélange entre l'Etre intermédiaire, le
Même intermédiaire et l'Autre intermédiaire64.
L'être qui anime l'univers est l'âme du monde (psuchê
toû kosmou, çïí
êïæìïí). Elle est le principe du mouvement
circulaire du corps du monde, de part son auto motricité et son
immortalité. Il est indispensable d'éclaircir la notion
de mouvement chez Platon, dans la mesure où cela fait
partie intégrante de la problématique.
En effet, l'âme du monde est la source du mouvement de
révolution circulaire, lequel régit les cycles célestes
aussi bien que ceux qui s'appliquent aux hommes65. Il convient donc
ici de montrer en quoi consistent les mouvements de l'âme, puis de
distinguer les diverses fonctions qui lui incombent.
L'immortalité de l'âme découle de son
mouvement incessant. Le mouvement est associé à la vie, sans lui
il n'existe pas de vie. L'âme est par nature immortelle, et son
immortalité est indissociable de son mouvement à jamais
ininterrompu. De plus, l'âme se meut elle-même, ce qui implique
qu'elle est toujours, qu'elle est un être vivant66 et qu'elle
est, par conséquent, la source de ce qui est mû. Elle est
l'origine et le commencement. L'âme est donc le principe du mouvement,
est inengendrée et par là incorruptible. Ainsi, l'âme
appartient au domaine des principes, à un ordre de réalité
principiel, or le Principe (archê, aðj) est
immortel67. Cette proposition est posée comme un axiome par
Platon qui est défini comme tel : « Or, comme
c'est une chose inengendrée, c'est aussi
nécessairement une chose incorruptible. A supposer, en effet, que le
principe soit anéanti, jamais ne pourraient venir à l'être
ni ce principe à partir de quelque chose ni autre chose à partir
de ce principe, s'il est vrai que toutes choses viennent à l'être
à partir d'un principe68 ». Cependant, il faut signaler
que l'antériorité de l'âme est postulée dans
Phèdre et les Lois, alors que dans
Timée c'est le démiurge qui fabrique l'âme.
64 Voir Chapitre I, 1, a, p. 7.
65 Cela sera exposé au chapitre II, p. 29.
66 Op. cit., p. 181 (Lois X, 895
c).
67 ROUX Sylvain, La recherche du principe chez
Platon, Aristote et Plotin, Paris, Librairie Philosophique, J. Vrin, 2004,
p. 33.
68 Op. cit., p. 117 (Phèdre
245 d).
Dans les deux cas, il faut comprendre qu'elle est immortelle,
bien que dans le second cas elle ait été engendrée par le
démiurge.
Dans les Lois, dix types de mouvements sont
distingués. Il existe deux mouvements circulaires ; le premier tourne
autour d'un centre immobile et correspond au mouvement des astres fixes,
c'est-à-dire au cercle du Même. Le second est du même type,
mais correspond au mouvement des planètes, c'est-à-dire au cercle
de l'Autre. Le centre commun est la terre, puisque Platon pense à partir
d'un monde géocentrique. Contrairement aux mouvements circulaires
autonomes des deux cercles, les six types de mouvements linéaires
décrivent des corps qui en rencontrent d'autres. Il existe la
combinaison (sugkrisis) et la séparation (diakrisis),
la croissance (auxesis) et la décroissance (phtisis),
la génération (génesis) et la corruption
(phthora). De plus, la sphère du monde meut ce qui se trouve en
elle, sans pour autant être à la source du mouvement. Il reste le
mouvement circulaire de l'âme, seule à être motrice et
automotrice69. Une hiérarchie est établie entre les
dix mouvements et celui de l'âme est jugé supérieur
à tous les autres, pour la simple raison qu'elle est le principe du
mouvement, comme nous l'avons dit plus tôt. Comme l'âme du monde
est la seule à engendrer le changement, elle est la cause de l'animation
des myriades de choses mises en mouvement. Ce qui se meut soi-même est
donc antérieur à tout autre changement. C'est pourquoi
l'âme est antérieure au corps, au feu, à l'eau, à la
terre ou à l'air. De plus, si l'âme peut exister sans corps, un
corps ne peut naître et perdurer sans âme et sans mouvement. Pour
résumer, l'âme est le principe de toute chose, car elle est
antérieure à tout, car elle est la plus puissante et la cause de
tout mouvement, et enfin parce qu'elle est la source de toutes les
vies70, en plus d'être elle-même vivante.
L'être de l'âme réside en ce qu'elle se
meut sur elle-même et qu'elle est immortelle (athanatos,
ÜèÜíctçïñ). Elle est animée,
contrairement à ce qui a besoin d'une cause extérieure pour se
mouvoir, c'est-à-dire contrairement à ce qui est inanimé.
En somme, seul l'être qui est au principe de son mouvement est
animé. Par conséquent, seule l'âme est chargée de
mouvoir ce qui est inanimé. Pour que l'âme mette en mouvement un
corps, il faut qu'elle soit en contact avec le corps en question, et qu'elle
soit affectée par des impressions corporelles. C'est pourquoi
l'âme est instituée par le démiurge comme moteur
(kinoun, êéíïýí) du mouvement
du monde : « cet être ne peut ni être anéanti ni venir
à l'être ; autrement le ciel tout entier et tout ce qui est soumis
à la génération s'effondreraient, s'arrêteraient et
jamais ne
69 Op. cit., pp. 177-179 (Lois X, 893
c-894 c).
70 Ibid., p. 184 (Lois X, 896 b).
retrouveraient une source de mouvement leur permettant de
venir de nouveau à l'être71 ». Le mouvement de
l'âme est le plus parfait qui soit, il est donc constitué d'une
« rotation uniforme dans le même lieu et sur
lui-même72 », rotation circulaire semblable à
celle du ciel. Il existe plusieurs types de mouvements. Les révolutions
cosmiques de l'âme immortelle sont composées de sept mouvements
possibles composés de six directions linéaires qui la font
avancer d'avant en arrière, de droite à gauche et de haut en bas,
ainsi que dans un sens circulaire73. L'âme du monde fait donc
tourner les astres, à la manière des dieux, permettant ainsi au
temps de s'écouler : « Au sujet de tous les astres, de la lune, des
années, des mois et de toutes les saisons, quel autre discours
pourrions-nous bien tenir si ce n'est celui-là même : puisqu'une
âme ou des âmes sont apparues être les causes de tous les
mouvements, et puisque ces âmes ont la bonté d'une excellence
totale, nous déclarerons que ce sont des divinités, soit qui fait
d'elles des êtres vivants, soit de quelque autre
façon74 ». Le mouvement est nécessairement
lié au temps, dont les astres sont la mesure75.
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