b. Les cycles de purification des âmes
Les trois Juges répartissent non plus les âmes
immortelles182 suivant deux catégories comme sous le
règne de Kronos, mais suivant cinq catégories. À chaque
catégorie correspond
181 Zeus instille la justice chez les vivants comme l'a fait pour
les hommes lors de la deuxième rectification, voir Chapitre II, 2, b, p.
45.
182 Sur l'immortalité de l'âme, voir Chapitre I, 3,
a, p. 23.
une sentence différente qui implique une destination
différente. Quel parcours suit une âme lorsqu'elle vient de se
désincarner ? Nous nous rappelons que la terre est ronde et immobile au
centre du monde183. Elle est elle-même composée de
trois sphères concentriques : la première est la terre
supérieure, qui est le paradis terrestre où les dieux et les
bienheureux habitent, la deuxième est la terre moyenne, là
où les vivants tels que les hommes séjournent, la
troisième est la terre inférieure, autrement dit l'Hadès.
Il existe aussi un abîme central : le Tartare. Les sphères ne sont
pas isolées ; des dépressions, de nombreux fleuves dont les plus
fameux sont Océan, Achéron, Pyriphlégéton, Cocyte
et des lacs tels que l'Achérousias et le Styx184 forment le
paysage dans lequel les âmes des défunts cheminent.
Suivons le cheminement d'une âme. Après le
trépas, son démon, c'est-à-dire le gardien de son
existence, conduit l'âme vers la plaine du jugement. Le voyage dans
l'Hadès est long, tortueux, et douloureux pour les âmes
attachées aux plaisirs corporels185.
![](mouvement-revolution-circulaire-pensee-platon13.png)
183 Voir Chapitre I, 2, b, p. 19.
184 Le Styx, aussi nommé « fleuve du grand Serment
», car c'est par le fleuve des Enfers que jurent les dieux, et le serment
qu'ils font ainsi entraîne pour le parjure des conséquences
terribles. Op. cit., p. 59 (Homère, Iliade II, y.
755).
185 Op. cit., p. 280 (Gorgias 524 a). Op.
cit., p. 293-302 (Phédon 107 d-113d).
Les auteurs de grandes fautes jugées incurables sont
précipités dans le Tartare, dans lequel ils séjournent
éternellement, étant par là-même privés de
réincarnation. Les criminels sont bloqués dans le Tartare par une
porte mugissante et subissent un châtiment qui inspire la peur : «
C'est alors [...] qu'il vit des hommes sauvages et couverts de flammes qui se
tenaient tout près et qui, prenant conscience du mugissement, se
saisirent de certains d'entre eux pour les emmener ; mais pour Ardiaios et pour
quelques autres, ils leur lièrent les mains, les pieds et la tête,
ils les jetèrent à terre et les écorchèrent, ils
les traînèrent de côté sur le bord du chemin et les
frottèrent sur des buissons d'épines186 ». Les
criminels dont les fautes ne sont pas sans remède séjournent au
Tartare jusqu'à ce que ceux qu'ils ont lésé leur
pardonnent leurs crimes. Le but des plaidoiries des criminels est de gagner
l'absolution des victimes- juges. La victime est la juge de son criminel, car
c'est à elle que revient le droit d'apprécier la gravité
du préjudice subi, et donc la gravité du châtiment à
faire subir au criminel. Cette justice a donc une fonction réparatrice,
pour la victime, mais aussi pour le criminel, car il n'a pas fait le mal
volontairement ; le jugement fait aussi office de repentance et de purification
(katharsis, êÜèaðæéñ).
À la suite de ce processus, les âmes comprennent la portée
de leurs actes malfaisants et retrouvent une certaine innocence : « ce qui
convient à tout être qu'on châtie, quand on le châtie
justement, c'est de devenir meilleur et de tirer profit de la punition, ou de
servir d'exemple aux autres, afin qu'en le voyant souffrir ce qu'il souffre,
ils prennent peur et s'améliorent »187 . Si le pardon
est accordé au criminel, il peut quitter le Tartare ; dans le cas
contraire, ils y sont rejetés avant de pouvoir retenter de faire
fléchir les victimes. Nous remarquons alors qu'en plus du cycle de
réincarnations des âmes, qui les fait migrer du séjour des
vivants au royaume des morts, il existe un cycle spécifique aux
criminels. En effet ceux- ci, lorsqu'ils ne sont pas
irrémédiablement jugés mauvais, passent du Tartare
à l'Hadès188 et de l'Hadès au Tartare
jusqu'à ce que, via leurs supplications, ils soient graciés par
leurs victimes-juges. Ce cycle des condamnés a ceci de commun avec le
cycle des réincarnations qu'il vise à la purification des
âmes189.
Une voie plus heureuse est destinée à ceux qui
ont eu une vie sainte. Les Justes sont libérés des régions
intérieures de la terre et accèdent au paradis,
précédés par les philosophes, lesquels, en s'étant
consacré à la recherche de la vérité
(alêthéïa,
ÜëÞèåéa) leur vie durant, sont affranchies
du cycle des réincarnations et deviennent de purs esprits. Car
l'âme qui a
186 Op. cit., p. 515 (La République, X, 615
e-615a).
187 Op. cit., p. 281 (Gorgias 525 c).
188 À la hauteur du lac Achérousias, pour
être précis. Op. cit., p. 302 (Phédon
113d-114c).
189 Op. cit., p. 204 (Les Lois, X, 904 c-e).
contemplé quelque chose de la vérité de
manière satisfaisante est exemptée d'épreuve
jusqu'à la révolution suivante. Ses ailes lui permettent de
s'échapper, elle reste dans le ciel et est délivrée du
cycle des réincarnations pour un temps estimé à mille
ans190. En choisissant trois fois de suite une vie vouée
à la recherche du beau et de la connaissance de l'intelligible, une
âme est exemptée du cycle des réincarnations.
Les trépassés à l'existence moyenne,
c'est-à-dire le plus grand nombre des âmes, naviguent sur le
fleuve de l'Achéron avant de se purifier des injustices commises par
leurs actes et de récolter les récompenses qu'ils
méritent. Une fois ce temps accompli, ils continuent leur voyage en
barque, naviguant sur les eaux des fleuves et des lacs, avant d'être
réincarnés et de poursuivre le cycle des réincarnations.
Une fois réincarnée, l'âme a de nouveau la
possibilité de se racheter en menant une existence vertueuse, Platon
semblant reprendre la tradition orphique191 de l'éternel
retour : « Certains disent que le corps (sôma,
æõìa) est le tombeau (séma) de l'âme,
parce qu'elle y est ensevelie pendant cette vie. Comme d'autre part c'est par
lui que l'âme signifie ce qu'elle veut dire, on dit qu'à ce titre
aussi le nom de sèma (signe) lui convient. Mais ce qui
me paraît le plus vraisemblable, c'est que se sont les orphiques qui ont
établi ce nom, dans la pensée que l'âme expie les fautes
pour lesquelles elle est punie, et qu'elle est enclose dans le corps, comme
dans une prison, pour qu'il la maintienne saine et sauve ; il est donc, comme
son nom l'indique, le sôma (sauveur) de l'âme,
jusqu'à ce qu'elle ait acquitté sa dette192 ».
La vérité et le bien sont indissociables et
relèvent d'un même élan. L'âme qui n'a pas
suffisamment contemplé la vérité et qui a succombé
à la perversion, par sa faute ou par faiblesse, s'en trouve alourdie, si
bien qu'elle retombe sur terre, c'est-à-dire qu'elle est
réincarnée dans des existences qui sont liées à son
mérite : « Dans toutes les réincarnations, l'homme qui a
mené une vie juste reçoit un meilleur lot, alors que celui qui a
mené une vie injuste en reçoit un moins bon »193.
Le cycle de transmigration des âmes ressemble un peu au fonctionnement
d'un alambic. Purgation et purification forment les deux pôles du
mouvement des âmes. Les âmes sont purifiées jusqu'à
ce qu'elles soient assez légères pour devenir
éthérées et pour s'émanciper de leur corps ; celles
qui sont trop lourdes et irrémédiablement
190 Op. cit., p. 121 (Phèdre 248 c).
191 Le mythe fondateur de l'Orphisme peut être
résumé comme suit : Dionysos Zagreus, fils de Zeus, est mis en
pièces et dévoré par les Titans, ce qui symbolise la
chute. Mais le coeur de Zagreus va être sauvé. Absorbé par
Zeus, celui-ci donne naissance au nouveau Dionysos, nommé Orphée.
Ce dernier devient synonyme du salut pour l'âme. Les moyens pour obtenir
le salut sont la réminiscence et la philosophie.
192 Op. cit., p. 417 (Cratyle 400 c).
193 Op. cit., p. 122 (Phèdre 249 b).
impures sont jetées dans le Tartare. En
conséquence, le mal absolu et la sainteté sont les termes du
cycle de transmigration des âmes. Il existe une hiérarchie, qui va
de la culpabilité absolue à la sainteté. L'organisation
géographique de la Terre correspond d'ailleurs à ce
fonctionnement. Il existe, selon le décret
d'Adrastée194, neuf types d'existences humaines, qui vont de
la plus vertueuse à la plus mauvaise :
- Premier type d'incarnation : L'homme qui aspire au savoir
(philosophos,
èéëüæïèïñ) ou au
beau (philokalos) et qui est inspiré par les Muses et Eros.
- Deuxième type d'incarnation : L'homme royal qui
obéit aux lois et qui est doué pour la guerre et pour le
commandement.
- Troisième type d'incarnation : L'homme politique
(politikos,
ðïëéçéêïñ) qui
gère la cité et produit des richesses pécuniaires.
- Quatrième type d'incarnation : L'homme qui aime l'effort
physique et qui prend soin de son corps.
- Cinquième type d'incarnation : L'homme devin ou
praticien d'initiation. - Sixième type d'incarnation : L'homme
poète et imitateur.
- Septième type d'incarnation : L'homme agriculteur et
démiurge.
- Huitième type d'incarnation : L'homme sophiste et
démagogue.
- Neuvième type d'incarnation : L'homme tyrannique.
Le type d'incarnation correspond à la qualité de
leur contemplation de l'intelligible durant leur incarnation antérieure.
Mais l'âme n'est pas entièrement sous la domination de
Nécessité (anankê,
ÜíaãêÞ), puisque c'est l'âme qui choisit
son démon et la vie à laquelle elle sera liée par la
nécessité : « il s'agit en effet de savoir si on est en
mesure de connaître et de découvrir celui qui nous donnera la
capacité et le savoir requis pour discerner l'existence
bénéfique et l'existence misérable, et de toujours et en
tous lieux choisir l'existence la meilleure au sein de celles qui sont
disponibles195 ». Il est donc octroyé à
l'âme une marge de liberté, laquelle détermine d'ailleurs
son parcours dans le cycle de transmigration. Une fois le choix accompli, la
déesse Lachésis assigne à l'âme le démon que
celle-ci avait sélectionné pour être son gardien, afin
qu'il l'aide à accomplir sa destinée. Clotho scelle le destin de
l'âme et Atropos le rend irréversible. Après être
passées sous le trône de Nécessité, déesse
fille de Cronos et mère
194 Ibid., pp. 121-122 (Phèdre 248 c-249
c).
195 Op. cit., p. 518 (La République, X, 618
b).
des Moires196 chez Platon, les âmes attendent
dans la plaine du Léthé. À cause de la chaleur
étouffante, les âmes ont soif, et celles qui ne possèdent
pas assez de raison boivent plus que la mesure prescrite, et perdent ainsi
définitivement leurs souvenirs. Par conséquent, seules les
âmes raisonnables garderont des souvenirs de leur vie antérieure,
une fois leur incarnation accomplie. De là vient que «
l'acquisition d'un savoir se trouve n'être rien d'autre qu'une
réminiscence (anamnêsis,
ÜíÜìíçæéñ)
»197 . Les âmes retombent ensuite toutes sur terre
à la manière d'étoiles et sont liées à leurs
corps respectifs, avant de poursuivre le cycle, le nombre des âmes
étant constant. Chaque existence humaine est entrecoupée par un
jugement qui envoie l'âme dans des prisons souterraines si elle s'est mal
conduite, ou qui l'envoie vers le ciel si elle a été vertueuse.
Quand l'âme quitte son corps, elle a une vue directe sur l'intelligible,
alors que quand elle est incarnée, elle doit, en examinant la
symétrie dans les phénomènes, tenter de se souvenir des
Formes, afin de percevoir à travers le sensible des traces de
l'intelligible. Réussir la réminiscence est un acte difficile,
qui passe pour de la folie pour le plus grand nombre des hommes, lesquels ne se
fient qu'à l'opinion et qu'au vraisemblable1 98 . Ainsi, le
sensible est porteur d'indices menant au ciel, il n'est pas seulement un lieu
d'illusion et d'égarement pour les vivants. Mais la réminiscence
est avant tout un moyen d'arriver à la perfection : « l'homme qui
fait un usage correct de ce genre de remémoration, est le seul qui
puisse, parce qu'il est toujours initié aux mystères parfaits,
devenir vraiment parfait199 ».
L'âme est aussi complémentaire du corps, puisque
« c'est ce qui, présent dans le corps, est pour lui la cause de la
vie, en lui procurant la faculté de respirer et en le
rafraîchissant ; dès que ce principe rafraîchissant
l'abandonne, le corps périt et meurt : voilà pourquoi, selon moi,
ils l'ont appelé âme (psukhé,
ôòóÞ)200 ». Une âme n'est
pas un élément monolithique, elle est un char composé d'un
cocher et de deux chevaux. De plus, l'âme n'est pas uniquement
liée à l'homme, elle peut aussi appartenir aux dieux,
démons et aux bêtes. Commençons par décrire
l'âme des divinités. Au ciel, Zeus dirige l'armée des dieux
et des démons, laquelle est rangée en onze sections. Les
divinités tentent continuellement, via des évolutions
circulaires, de rejoindre l'intérieur de la sphère des cieux.
L'ascension se fait sans jalousie et tous peuvent
196 Les Moires sont les déesses Lachésis (Moire du
passé), Clotho (Moire du présent) et Atropos (Moire de l'avenir).
Ibid., p. 517 (La République, X, 617 c).
197 Op. cit., p. 228 (Phédon 72 e). Voir
aussi op. cit, p. 343 (Ménon 82 a).
198 « Quand, en voyant la beauté d'ici-bas et en
se remémorant la vraie, on prend des ailes et qu' [...] on porte son
regard vers le haut et qu'on néglige les choses d'ici bas, on a ce qu'il
faut pour se faire accuser de folie ». Op. cit., p. 123
(Phèdre 249 d). Voir aussi op. cit., pp. 228-237
(Phédon 72 e-77 a).
199 Op. cit., p. 123 (Phèdre 249 c).
200 Op. cit., p. 416 (Cratyle 400 b).
s'y joindre, car il y règne une justice divine : «
chacun tient le rang qui lui a été assigné201
». Malgré cette équité de principe, les dieux sont de
fait avantagés, à cause justement de la qualité de ce qui
compose leur âme. En effet, le cocher, qui symbolise l'intellect, dirige
dans l'âme des dieux deux chevaux attachés à l'opinion
vraie, alors que pour les autres, un des chevaux est attaché au
désir, ce qui ralentit et alourdit l'attelage. C'est pourquoi les
âmes humaines ont beaucoup de peine à contempler l'intelligible,
mais elles essaient tout de même de suivre Zeus et les dieux. Celles qui
y arrivent peuvent rester dans les cieux pendant mille ans, durée qui
correspond à un cycle. La plus grande maitrise de leurs âmes
permet aux âmes immortelles des dieux de passer au-delà de la
limite de la sphère de l'univers. Ils poursuivent alors « leur
révolution circulaire et contemplent les réalités qui se
trouvent hors du ciel »202, étant ainsi au plus proche
de la perfection et des réalités intelligibles.
![](mouvement-revolution-circulaire-pensee-platon14.png)
Ce schéma tente de rendre le fonctionnement d'un
cycle plus évident (à lire dans le sens des aiguilles
d'une montre, en commençant par le haut).
201 Op. cit., p. 119 (Phèdre 247 a).
Op. cit., pp. 235-238 (La République, IV, 432 b-434
d).
202 Op. cit., p. 119 (Phèdre 247 c).
Toutes les âmes se retrouvent dans le ciel
(ouranos, ïýðOEíüñ) durant mille
ans, chaque fois qu'un cycle de dix mille ans est accompli. Un cycle - dont la
périodicité est de dix mille ans - est donc divisé en dix
périodes d'égale durée. Après cette période
de contemplation de l'intelligible, l'âme retombe sur terre pour
effectuer sa première réincarnation du cycle dans un corps
d'homme, en vivant selon un des neuf types d'existences humaines, toujours
selon le décret d'Adrastée. Les huit périodes suivantes,
de mille ans chacune, offrent la possibilité à l'âme de
s'incarner soit dans des corps d'homme, soit dans des corps de bêtes,
selon leur rapprochement ou leur éloignement de la vérité.
Une bête peut donc être réincarnée en homme, et
inversement. Par exemple, les tyrans et les injustes se réincarneront en
loups, faucons et milans, tandis que les espèces sociables peuvent
réintégrer l'espèce humaine203. Il n'y a pas de
limite temporelle à la succession des cycles, puisque « le ciel,
sans discontinuer, d'un bout à l'autre du temps a été, est
et sera204 ».
Il est maintenant clair que Platon prend en compte la
diversité des types d'âmes, qui ne sont plus soit bonnes, soit
mauvaises, soient accueillies dans les îles Fortunées, soient
rejetées dans le gouffre du Tartare. Les trois Juges appliquent une
justice distributive dans laquelle la règle est la proportion. La
proportionnalité est assurée entre la gravité du crime et
la gravité de la sanction, ou entre la qualité des bonnes actions
et la récompense. La justice est donc adaptée au cas particulier
; elle s'adapte aux actes de manière à être juste,
équilibrée et harmonieuse. Nous retrouvons dans la justice et
dans le royaume des morts le rôle prépondérant
attribué à la proportion dans la formation et le découpage
de la bande du Même et de l'Autre. Les mathématiques sont
comprises comme une loi universelle synonyme d'harmonie et de bonté qui
s'impose aussi bien à la matière qu'au divin et à la
recherche du juste. Le lien avec l'harmonie cosmique n'est pas oublié ;
attardons nous sur la description dans La République de la
lumière qui se répand d'en haut à travers toute la
voûte céleste et sur la terre : « on peut embrasser du regard
une lumière qui se répand d'en haut à travers toute la
voûte céleste et sur la terre, droite comme une colonne, et
rappelant tout à fait l'arc en ciel, mais plus brillante et plus
pure205 ». Au milieu de cette lumière, des liens
tiennent ensemble la révolution céleste. Cette description rappel
l'axe qui traverse le tout et qui enroule la terre évoquée dans
Timée :
203 Ibid., p. 122 (Phèdre 248 b).
Op. cit., pp. 246-247 (Phédon 82 a-82 b).
204 Op. cit., p. 128 (Timée 38 b).
205 Op. cit., p. 515 (La République, X, 616
b-616 c).
« la terre [...] enroulée autour de l'axe qui
traverse le tout206 ». L'axe que les âmes voient juste
avant de passer devant Nécessité est donc l'axe qui traverse
à la fois le ciel et la terre. Aux extrémités des liens
lumineux est attaché le fuseau de la déesse
Nécessité. Le discours rapporté d'Er décrit «
le fuseau de Nécessité, par l'intermédiaire duquel tous
les mouvements circulaires poursuivent leurs révolutions207
». Ce fuseau208 cosmique tourne sur les genoux de
Nécessité, tandis sur les pesons209 circulaires les
Sirènes produisent la musique des sphères. Les Moires
accompagnent l'harmonie unique produite par les sirènes en chantant
harmonieusement avec elles. Du chant des sirènes est produite la musique
des sphères. Ainsi, celles qui tissent la destinée des âmes
assurent aussi le mouvement de l'univers : Atropos fait tourner le cercle de
l'Autre grâce à sa main gauche, Clotho fait tourner le cercle du
Même grâce à sa main droite, alors que Lachésis
participe au mouvement des deux cercles. C'est à la destinée des
âmes qu'est ordonnée la structure du monde et de la terre, qui
sont intégrées à l'ordre moral, à la justice et
guidées par le bien. Il convient donc de dire que le mouvement de
transmigration des âmes est un mouvement qui est de même nature que
celui qui anime le cosmos, le moteur? étant dans les deux cas le
même, puisqu'il s'agit des filles de Nécessité.
206 Op. cit., p. 132 (Timée 40 b).
207 Op. cit., p. 514 (La République, X, 616
c).
208 Broche conique autour de laquelle on envide le fil de coton,
de soie, de dentelle, etc. En géométrie : Portion d'une surface
de révolution découpée par deux demi-plans passant par
l'axe de cette surface.
209 Instrument de mesure de poids, constitué dans sa
partie inférieure d'un crochet, auquel on accroche un objet, et dont le
poids est indiqué par un curseur se déplaçant le long
d'une surface graduée.
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