III- Les autres institutions internationales : UIT, OMC,
PNUD, OIF, BM...
L'UNESCO s'appuie dans son combat contre la fracture
numérique sur un large éventail de partenaires du système
des Nations Unies (PNUD, UIT, OMPI et la Banque mondiale). Il est
également assisté par d'autres organisations internationales et
régionales (telles que l'Union européenne), des ONG et
communautés professionnelles actives dans ses domaines de
compétence et bien sûr le secteur privé. Nous ne nous
intéresserons ici de façon brève qu'à quelques
organismes internationaux dont le rôle devient de plus en plus
déterminant en terme de contribution financière par rapport aux
intérêts économiques et culturels en jeu dans la
maîtrise de l»information et de la communication sur
l'échiquier international.
En effet, les institutions internationales et
régionales jouent pour la plupart un rôle clé lorsqu'il
s'agit d'intégrer l'utilisation des TIC dans le processus de
développement et de mettre à disposition les ressources
nécessaires pour édifier la société de
l'information et pour évaluer les progrès réalisés.
Les Nations Unies, en particulier, constituent une arène
intergouvernementale aidant à la prise de décision
concertée au niveau mondial. Elles représentent des plateformes
multi-acteurs basées sur le dialogue. Elles favorisent la
réflexion, la prise de décision et l'action autour de
problèmes globaux majeurs qui ne peuvent trouver des solutions
qu'à travers une véritable concertation internationale. De plus
en plus, elles rassemblent les différents acteurs de la
société autour d'une même table de négociation,
comme ce fut le cas lors du Sommet Mondial sur la Société de
l'Information (SMSI, Genève - Tunis).
Mais face au débat sur le financement des mesures
visant à réduire la fracture numérique, l'Organisation
Internationale de la Francophonie (OIF) est la première organisation
internationale à avoir reconnu officiellement le principe de
solidarité numérique et à avoir contribué
financièrement à la dotation initiale du Fonds de
Solidarité Numérique (F SN). Certains observateurs pourraient
expliquer cette prompte diligence de l'Organisation Internationale de la
Francophonie par le fait qu'il a à sa tête le Président
Abdou Diouf, ancien Chef d'Etat du Sénégal qui a transmis le
pouvoir à Maître Abdoulaye Wade, actuel président du
Sénégal et initiateur du FSN. Toujours est-il que l'OIF n'est pas
reconnue par les Nations Unies comme le chef de file des institutions
internationales pour l'édification de la société de
l'information.
Ce privilège revient plutôt à l'Union
Internationale des Télécommunications (UIT) dont « Les
compétences fondamentales dans le domaine des TIC - assistance pour
réduire la fracture numérique, coopération internationale
et régionale, gestion du spectre des fréquences
radioélectriques, élaboration de normes et diffusion de
l'information - sont déterminantes pour l'édification de la
société de l'information. » Le choix de l'UIT comme
institution onusienne organisatrice du SMSI, au détriment de l'UNESCO
traduit la tendance «technicoéconomique» de la priorité
stratégique pour les bailleurs de fonds états-uniens
d'accélérer la diffusion des réseaux au Sud.
L'intégration des TIC dans toutes sociétés est la
priorité affichée aux dépens de son développement
culturel et intellectuel. C'est la volonté d'équipement de la
planète toute entière, en réseaux et en ordinateurs qui
semble prioritaire afin de permettre la croissance économique via
l'ouverture de nouveaux marchés.
C'est la raison pour laquelle, nous allons nous attarder
particulièrement sur cette agence spécialisée des Nations
Unies en charge du secteur et du domaine des télécommunications.
Créée depuis 1865, l'UIT, avec ses 189 Etats membres et plus de
676 opérateurs du secteur, est selon le terme employé par
Jean-Louis Fullsack50 « la vieille dame des
télécommunications ». Elle a pour mission principale de
favoriser le développement et l'extension des réseaux et services
de communication et des TIC dans le monde entier. D'où son projet
présenté au SMSI et intitulé «Connecter le
monde» : un projet qui vise à connecter 800.000 villages à
l'horizon 2015. Mais ce projet ne saurait pour l'heure qu'être une
incantation récurrente et sans grande crédibilité. L'Union
Internationale des Télécommunications a également
signé un mémorandum d'accord avec la société Oracle
et avec Cisco Systems en vue de créer cinquante centres de formation
dans le monde. Mais l'UIT reconnaît que ses ambitions ne suffisent pas
pour relever le défi de la fracture numérique. L'UIT lance alors
un appel à d'autres organisations pour appuyer ses actions : « Les
efforts déployés en vue d'utiliser ces technologies pour
réduire la fracture numérique, ne relèvent plus du domaine
réservé de l'UIT »51.
Cet appel n'est pas tombé dans des oreilles de sourd
puisque très tôt, la Banque mondiale a pris de multiples
initiatives, dont son célèbre Programme d'information pour le
développement (InfoDev). InfoDev vise notamment la diffusion des
conseils sur la politique à suivre en matière d'utilisation des
TIC pour le développement et sur la conduite à tenir à cet
égard.
Le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD) n'est pas en marge de cette forte mobilisation internationale autour des
inégalités socio-numériques de la planète. Avec son
réseau unique 132 bureaux et son équipe de conseillers
spécialisés régionaux et mondiaux, le PNUD est en bonne
position pour promouvoir l'utilisation à grande échelle des TIC
au service du développement grâce à sa vaste
expérience dans ce domaine, notamment les projets et programmes de TIC
au service du développement : « Certes, il est indéniable
que nombre des merveilles technologiques qui fascinent le Nord ne sont d'aucune
utilité pour le Sud. Il n'en demeure pas moins que les activités
de recherche et développement ciblant des problèmes qui touchent
plus spécifiquement les pauvres -- de la lutte contre les maladies
à
50 Membre du Conseil d'administration de CSDPTT.
Directeur-adjoint honoraire de France Télécom, ancien Expert
principal près l'UIT. Il a rédigé un article
intitulé « L 'UIT, la vieille dame des
télécommunications, dans la tourmente néolibérale
» et dans lequel il dénonce les dérives de l'UIT
à travers ses choix et décisions contestables contraires aux
intérêts de la communauté mondiale, en particulier à
ceux des PeD, et en tous cas contre-productifs pour leur
développement.
51 www.itu.int/ITU/PDE/2128-089-FR.doc
l'enseignement à distance -- prouvent immanquablement
que, loin de se contenter de venir couronner le développement, la
technologie en est un instrument indispensable. »52
En outre, à la demande du G8, le PNUD
réfléchit avec la Banque mondiale aux moyens de réduire la
fracture numérique en encourageant des partenariats entre les secteurs
privés et publics. Disposant d'un Fonds d'affectation thématique
spéciale TIC, le PNUD a entrepris d'aider les pays d'Afrique en
commençant par la création de milliers de "cybercafés". Le
rôle du PNUD est, avant tout, celui d'un catalyseur de projets
plutôt que d 'investisseur. Le PNUD a par ailleurs des contacts avec des
grandes entreprises occidentales du secteur dont par exemple la
société américaine Hewlett Packard53 qui a
annoncé son intention d'investir pour un milliard de dollars, de
manière non lucrative, dans les pays en développement sur un
projet d'équipement en site Internet que piloteront des fondations
privées. Il ne serait pas superflu de signaler que la plupart des
organismes des Nations Unies sont concernés par les technologies, soit
parce qu'ils les utilisent, soit parce qu'elles ont une incidence sur le
contenu et l'exécution des programmes de coopération
technique.
C'est d'ailleurs pour cette raison que la Conférence
des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED),
grâce à son Programme relatif aux Pôles commerciaux, cherche
à encourager les petites entreprises des pays en développement
à se lancer dans le commerce électronique afin de
s'intégrer aux marchés internationaux et aux filières de
plus-value. Un autre constat important au niveau de tous ces efforts
déployés par les organisations internationales est celui du
manque de coordination entre ces projets. Cette pléthore d'initiatives
témoigne certes d'une prise de conscience récente de la
communauté internationale sur la question des fractures. Mais on en sait
peu sur l'efficacité réelle de ces programmes et projets qui,
profitant souvent des frontières poreuses de la communication
internationale, en viennent même à concurrencer les initiatives
locales, les politiques publiques en défiant ainsi la
souveraineté nationale des pays censés bénéficier
de ces projets.
52 PNUD, Rapport mondial sur le
développement humain : Mettre les nouvelles
technologies au service du développement humain, De Boeck,
2001.
53 Hewlett Packard a lancé
World e-inclusion, un projet qui prévoit la livraison
de matériels informatiques aux pays en sous-développement pour
une valeur d'un milliard de dollars. Cette livraison, qui doit concerner
"près de 1 000 villages" en Afrique, en Inde ou encore en
Chine, sera en partie gratuite et en partie financée par des programmes
de développement gouvernementaux ou internationaux.
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