Première partie :
Cadre théorique et
méthodologique de la recherche
Première partie : Cadre théorique et
méthodologique de la
recherche
Chapitre 1 : Contexte théorique
I- Genèse de la société de
l'information : Un bref détour historique
La Déclaration de principes de Genève
adoptée au lendemain de la première phase du Sommet Mondial de la
Société de l'Information (SMSI) par les gouvernements - avec des
apports importants de la société civile -, signale dans son
premier article : « Nous (...) proclamons notre volonté et
notre détermination communes d'édifier une société
de l'information à dimension humaine, inclusive et privilégiant
le développement, une société de l'information, dans
laquelle chacun ait la possibilité de créer, d'obtenir,
d'utiliser et de partager l'information et le savoir et dans laquelle les
individus, les communautés et les peuples puissent ainsi mettre en
oeuvre toutes leurs potentialités en favorisant leur
développement durable et en améliorant leur qualité de
vie, conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations
Unies ainsi qu'en respectant pleinement et en mettant en oeuvre la
Déclaration universelle des Droits de l'Homme ».
Société post-industrielle, ère technétronique,
société de l'information, société de la
connaissance.... Autant de pseudoconcepts pour qualifier et identifier la
portée des changements technologiques caractéristiques de notre
époque. Finalement, c'est l'expression « Société de
l'information » qui s'est imposée comme terme
hégémonique et ce comme le précisait Sally Burch, «
non pas nécessairement parce qu'elle exprime une clarté
théorique mais en raison du «baptême» qu'elle a
reçu dans les politiques officielles des pays développés
en plus du couronnement qu'a représenté un Sommet mondial
organisé en son honneur. »
Cette notion soulève des ambigüités, et des
controverses qui la rendent floue et sans définition précise.
Elle ne veut pas dire, par exemple, que chaque personne soit aujourd'hui en
possession d'une grande quantité d'informations et de connaissances,
mais indique plutôt un déplacement de l'activité humaine de
la fabrication de biens vers le traitement de l'information et du savoir. Cette
approche fait justement référence à l'apparition du terme
information society en 1973 dans l'ouvrage du sociologue et économiste
Daniel Bell intitulé Vers la société post-industrielle
: une tentative de prévision sociale. Fritz Machlup (1962) et Alain
Touraine (1969) précèdent Daniel Bell dans la lignée des
précurseurs de la nouvelle société de l'information. A en
croire Jeremy Rifkin, l'ère du capitalisme industriel est bien finie,
nous devons maintenant passer à autre chose : notamment à une
société caractérisée par
la prééminence du secteur tertiaire, la
centralité de l'information et de la connaissance et l'émergence
des nouvelles élites techniciennes et de nouveaux principes de
stratification sociale. Gaëtan Tremblay, dans l'une de ses interventions
au cours des séminaires visioconférences GPB7 organisés
par le GRESEC trouvait dans l'expression société de
l'information, « une tentative d'appréhension globale des
sociétés contemporaines ». D'autre part, la «
société de l'information », en tant que construction
politique et idéologique, s'est développée dans le cadre
de la globalisation néolibérale qui visait principalement
à accélérer l'instauration d'un marché mondial
ouvert et « autorégulé ». Cette politique était
menée en étroite collaboration avec des organismes
multilatéraux comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds
monétaire international (FMI) et la Banque mondiale afin que les pays
peu développés abandonnent les réglementations nationales
ou les mesures protectionnistes risquant de « décourager » les
investissements. Le mythe de la société de l'information a donc
été souvent utilisé pour déréguler les
marchés des TIC en creusant davantage le fossé numérique
Nord/Sud. Il n'y a alors selon Anne-Marie Laulan3 « aucun
étonnement devant l'enthousiasme industriel, financier, puis
administratif à proclamer la naissance d'une nouvelle civilisation,
fondée sur les dispositifs et systèmes que l'économie
mondialisée maîtrise fort bien, (et à son profit quasi
exclusivement). » Manuel Castells4, l'un des chercheurs qui a
le plus développé ce sujet préfère quant à
lui qu'on parle de « société informationnelle »
plutôt que de « société de l'information » en
signalant que si la connaissance et l'information sont des
éléments décisifs dans tous les modes de
développement, « le terme «informationnel»
caractérise une forme particulière d'organisation sociale, dans
laquelle la création, le traitement et la transmission de l'information
deviennent les sources premières de la productivité et du
pouvoir, en raison des nouvelles conditions technologiques apparaissant dans
cette période historique-ci ». Ce fondement d'une nouvelle
« société de l'information et du savoir » est largement
critiqué par les chercheurs des SIC qui y relèvent une sorte de
déterminisme « informationnel ». Alain Rallet (2004) le
substitue d'ailleurs à la notion de « société
numérique », alors que Bernard Miège5 trouve plus
approprié de parler de société de « communication
médiatisée » fondée sur la maîtrise non du
contenu, mais des producteurs, et médiateurs de la communication telles
que les firmes multinationales, ou les organisations internationales.
3 LAULAN Anne-Marie, Machine à
communiquer et lien social. Un texte prononcé à Tunis (SMSI)
en novembre 2005, à la table-ronde de la SFSIC.
4 CASTELLS Manuel, L'ère de
l'information, 3 tomes, Fayard, 1998-1999.
5 MIEGE Bernard, L'information - Communication,
objet de connaissance, de Boeck, 2004.
Les diverses contradictions et les multiples
définitions de la société de l'information partagent
toutes cependant la caractéristique commune d'être empreintes de
déterminisme, que ce déterminisme soit technologique ou
social.
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