La protection des brevets et l'accès aux médicaments en Afrique( Télécharger le fichier original )par Serge eric Gnakri Kouassi Université catholique de l'Afrique de l'ouest - Maitrise en droit Privé 2006 |
INTRODUCTION GENERALE :L'humanité a été de toute époque marquée par l'émergence de personnalités qui se sont illustrées par leur génie créateur, qualité dont la manifestation physique sous la forme d'invention aura influencé avec certitude le niveau de vie des sociétés humaines. Nous citerons à titre d'exemple les cas de Pfizer ou de F. A. Faught et C. J. Pilling qui se sont faits remarquer dans le domaine médical, avec respectivement pour l'un la mise au point d'un procédé de production à grande échelle de la pénicilline 1(*)découverte en 1928 par Alexander Fleming, et pour les seconds, qui contribuèrent ensemble à la fabrication d'un appareil destiné à mesurer et à indiquer la pression artérielle. Ces deux inventions aurons non seulement contribué à l'amélioration du vécu de leurs contemporains et plus encore, elles auront été d'une valeur économique certaine pour leurs auteurs. Fort de tout ce qui précède, il est apparu nécessaire et même indispensable à la société d'accorder une certaine reconnaissance à ses plus illustres inventeurs à quelques niveaux et domaines ou ils se trouveraient, d'ou l'opportunité de la protection de la propriété de l'invention par la matière juridique qu'est le droit de la propriété intellectuelle. Celle-ci se manifeste dans de nombreux pays soit sous la forme du droit d'auteur pour les oeuvres littéraires et artistiques, soit sous la forme de propriété industrielle qui touche plus amplement les inventions scientifiques. Le premier texte légal véritable en matière de droit de la propriété intellectuelle (DPI), a fait son apparition en Angleterre en 1709 2(*)sous le nom de << statut of queen Anne>>. Ce texte avait pour centre d'intérêt le droit d'auteur. En outre, étant appelés à s'adapter aux évolutions de la société, les normes de protection des droits de propriété intellectuelle ont étendu leur champ d'action aux marques et signes distinctifs; ou plus spécifiquement aux brevets d'invention qui touchent de nos jours tous les domaines technologiques pour s'étendre à l' industrie pharmaceutique dont les produits et procédés sont aujourd'hui protéges par le brevet selon l'article 27 de l'accord sur les aspect des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce(ADPIC) signés le 15 décembre 1993 à Marrakech en terre marocaine .En effet, le savoir développé et codifié, devient une arme commerciale pour les entreprises lorsque celles-ci le protègent et en font leur propriété exclusive conformément aux dispositions légales relatives aux droits de la propriété intellectuelle. Entendu comme l'octroi aux inventeurs et aux artistes de droits exclusifs, la notion de propriété intellectuelle, est une notion ni nouvelle ni statique surtout lorsque les recherches sont menées dans les pays développés ou industrialisés d'Europe et d'Amérique. En somme, ces Etats ont très tôt compris que la protection des nouvelles inventions sous la forme de brevet dans ces économies de marché, s'apparenterait à une motivation nécessaire à la bonne promotion des esprits innovants, à la divulgation et à l'investissement dans l'exploitation industrielle et commerciale de l'invention, ainsi que le brevet encourageait les créateurs à s'inspirer des inventions protégées afin de pousser plus loin encore les capacités intellectuelles des humaines. Pour autant qu'il soit un titre délivré par les pouvoirs publics, conférant un monopole temporaire d'exploitation sur une invention à celui qui la révèle, en donne une description complète et revendique ce monopole, le brevet se conçoit tel un contrat social. En vertu de ce contrat, l'inventeur obtient le droit exclusif d'exploiter ou d'empêcher quiconque de fabriquer d'utiliser ou de vendre le produit ou le procédé breveté pour une période de temps déterminée (20 ans minimums selon l'article 33accord ADPIC). En contrepartie, le titulaire du brevet est tenu de révéler au public et aux personnes du métier les détails de son invention par le truchement de l'industrie. En d'autres termes, le déposant de la demande de l'acte doit fournir les conditions les plus favorables pour une large diffusion du produit (médicaments dans le domaine pharmaceutique) dans la société; d'ou la question de l'accessibilité des produits aux populations en leur qualité de consommateurs.
Signé en 1994 à Marrakech en terre Africaine, l'accord sur les ADPIC dans un contexte de mondialisation, prescrit à tous les Etats membres de l'OMC de fournir une protection par brevet à tout inventeur de produits ou de procédés pharmaceutiques, ce qui constitue une nouveauté dans le domaine. Ainsi, avec ces nouveaux accords, tous les pays africains membres de l'OMC sont obligés d'accorder des brevets pour des médicaments dans des Etats dont la plupart des ressortissants sont chaque jour la proie d'épidémies de toutes sortes à cause d'un faible approvisionnement en médicaments ou de leur faible pouvoir d'achat. Autrement dit, ces accords multilatéraux3(*) (OMPI - OMC) initiés par les (4(*)) grandes firmes pharmaceutiques, toutes soutenues pars les Etats Unis et l'Union Européenne, ne répondent pas toujours aux attentes du patient africain qui est non seulement harcelé par la pauvreté mais sera conduit dans les fausses communes les prochaines années parce que ne disposant d'aucune garantie d'accès aux produits de première nécessité. En outre, dans un monde de plus en plus ouvert à la course effrénée vers le profit économique, les Etats africains se sentent acculés par la communauté internationale qui leur fait obligation de délivrer des brevets pour des médicaments d'une part, et d' autre part, les revendications de leurs populations qui ont la ferme conviction d'être oubliées du reste marginalisées par les majores du secteur pharmaceutique mondial dont le seul intérêt est celui de tirer profit financier des médicaments au détriment de la préservation de la santé publique. La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 affirme que tout homme « a droit à la santé » en son article 25. De façon rationnelle, tout Etat a le devoir de garantir ce droit inaliénable, par la conduite de politiques sanitaires justes et suffisamment ouvertes aux populations quelque soit leur groupe social ou ethnique, aussi au moment où l'humanité tout entière s'est accordée un ensemble d'objectifs, dits objectifs du millénaire, notamment l'accès aux médicaments à tous les peuples de part le monde, la question aujourd'hui se pose de savoir en quoi la protection des droits de propriété intellectuelle peut s'avérer un frein à l'accès aux médicaments en Afrique? Plus encore, quelle méthode de conciliation faut-il adopter dans le souci de faire un savant dosage entre les droits du breveté et ceux des consommateurs, afin de garantir un accès plus efficient aux médicaments de première nécessité sur le continent noir ? Etant africain, particulièrement concernés par ce problème qui est de plus en plus récurrent sous nos cieux, nous nous sommes fixés comme objectif de fournir des solutions des plus adéquates à un double niveau tant juridique qu'économique pour un accès aux médicaments essentielles en Afrique (DEUXIEME PARTIE) Toute fois, pour prétendre fournir une tentative de solution à une situation aussi problématique soit elle, il faut mettre en exergue les causes qui conduisent à la persistance de cet état de fait que l'on veut résoudre; aussi dans premier temps nous nous attacherons à un exposé des difficultés d'accès aux médicaments en référence à la protection des droits de propriété intellectuelle (PREMIERE PARTIE).
* 1La moisissure de pénicilline, servit de point de départ à la fabrication du premier antibiotique. Découverte par Alexander Fleming en 1928, elle ne fit l'objet d'un emploi thérapeutique généralisé qu'à partir du milieu des années quarante. Pendant la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis autorisèrent 19 laboratoires pharmaceutiques à produire, à l'aide d'un procédé mis au point par Pfizer, de la pénicilline destinée au traitement des soldats blessés. Produit dès le départ à grande échelle, ce premier médicament miracle ne fut jamais breveté. (Extrait Revue droit de la propriété intellectuelle, Bureau des programmes d'information internationale, département D'état Américain) * 2 Ce premier texte de loi en matière de propriété intellectuelle a été adopté pour protéger non seulement les imprimeurs locaux après l'invention de la presse d'imprimerie par Gutenberg mais aussi les oeuvres étrangères importées en Angleterre. * 3 Les accords multilatéraux concernent des accords de coopération signés entre l'OMPI et l'OMC dont l'un des plus importants a été signé en 1996 entre les deux organisations en leur qualité d'institutions spécialisées de l'ONU. * 4 Quelques exemples de firmes pharmaceutiques qui opèrent partout a travers le monde entier : Bristol Myers-Squibb, Smith Kline Beecham, Merck & Co, Pharmacia et Upjohn toutes d'origine Américaines ou Européenne. |
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