Le Réseau Formation Fleuve au Sénégal : pour une régulation participative de l'offre de formation agricole et rurale( Télécharger le fichier original )par Xavier MALON Université Toulouse 1 Sciences sociales - Diplôme d'Université - Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007 |
I.2.3.2- La formation professionnelle des producteurs
I.2.3.2.1- L'offre de formation initiale (non diplômante, en totalité)
On le constate donc, le tableau d'ensemble est sombre et il n'est pas exagéré d'affirmer que, si la formation initiale des jeunes futurs agriculteurs s'est de tout temps cantonnée dans la marginalité, elle a quasiment disparu du paysage aujourd'hui. Sans vouloir analyser ici en détail cet échec manifeste, qui fait l'objet d'un développement dans le cadre du dossier élaboré en lien avec le module de base du cours Systémique de cette formation Master, nous pouvons toutefois donner quelques éléments d'ordre explicatif. Commençons tout d'abord par ce constat irréfutable : Dans un pays majoritairement rural, dont la moyenne d'âge est de 15 ans et où la majorité des ruraux vivent principalement ou accessoirement des activités agricoles et d'élevage, force est de reconnaître que l'offre plurielle de formation professionnelle agricole initiale n'attire pas les jeunes, ni aujourd'hui, ni même hier ! Selon les données du Recensement National Agricole de 1999, il existait 450 000 exploitations agricoles au Sénégal ; or, sur la base d'un renouvellement générationnel tous les 30 ans, nous en déduisons approximativement que ce sont environ 15 000 exploitations familiales qui changent de main annuellement. Il est donc périlleux d'affirmer dans ces conditions que la demande de formation (au moins potentielle) est inexistante ; vraisemblablement, il semble s'agir plutôt d'un problème de pertinence et/ou d'attractivité de l'offre de formation proposée. Pour essayer d'éclairer cette hypothèse, nous sommes tentés de résumer la philosophie qui prévalait dès la fin des années 60 par la « sentence » suivante, qu'il nous arrive encore d'entendre parfois, à l'occasion d'un discours introductif dans tel ou tel séminaire : « l'avènement d'un secteur agricole productif et performant passe par le remplacement de nos paysans traditionnels, cultivant sur un mode archaïque, par une nouvelle race d'agriculteurs modernes, pilotes, capables d'exploiter des équipements et des techniques de pointe, identiques à ceux qu'utilisent les agricultures des pays développés du nord ». Ainsi, de ce postulat découle l'idée simplificatrice qu'il suffirait de former des jeunes, plus réceptifs, à l'utilisation de techniques importées et performantes, pour progressivement doter le secteur agricole au sens large de ressources humaines de qualité. Avec le recul, on le sait désormais, c'était aller un peu vite en besogne, en faisant totalement abstraction de l'environnement global du secteur productif en milieu rural, et de ses nombreuses contraintes qui rendent pour le moins hypothétique le bénéfice attendu d'un simple transfert de technologie. Cependant, cette logique correspondait à tout point de vue à celle des tutelles successives du dispositif CIH ( Education nationale, puis Formation Professionnelle, en enfin Agriculture depuis 1998 jusqu'en 2003), mais aussi des autres acteurs (Maisons Familiales exceptées, nous y reviendrons). Dans les programmes de ces formations, le focus est mis systématiquement sur la création d'un nouveau profil de professionnel : le paysan moderne ! A aucun moment, l'enseignement mis en place n'essaie de comprendre comment les paysans environnants pratiquent, ni quelles sont les raisons qui les poussent à pratiquer de la sorte. C'est en quelque sorte sur une négation délibérée de la réalité quotidienne environnante que se sont implantés dans le paysage rural ces centres de formation professionnelle, avec pour principale conséquence que les produits formés se sont retrouvés dans l'impossibilité technique, financière mais aussi sociale de reproduire à leur retour dans leur famille ce qu'ils avaient appris durant leur formation. La distance certaine entre l'institution Education Nationale et les problématiques de développement rural explique sans doute en partie ce parti pris d'isolement, fondé sur la croyance que rien d'intéressant ne pouvait être emprunté aux pratiques multi séculaires d'un paysannat massivement analphabète. Si elle l'explique en partie, elle n'explique cependant pas tout ; en effet, la plupart des centres de formation agricoles (et leurs programmes) a été largement inspirée par le modèle de l'enseignement agricole français (LEGTA, CFPPA), qui a participé directement à les façonner, soit par des partenariats directs avec des lycées agricoles, soit par le détachement d'enseignants français en position de coopérants techniques. Là encore, le mirage du transfert de savoirs et de technologies, comme réponse unique et irrécusable aux problèmes rencontrés par les agricultures du sud, n'a pas facilité l'ancrage et l'adaptation de ces centres de formation dans leur terroir. La tentative d'implantation à l'identique du système des Maisons Familiales Rurales Françaises s'avérera également trompeuse : bien que s'attelant cette fois à construire à partir de l'existant, pour l'améliorer, la formation initiale en alternance sur le modèle français atteindra vite ses limites (en raison principalement de son coût, mais pas uniquement) avant d'être purement et simplement abandonnée.) Ce dispositif se cherche actuellement un second souffle ; c'est d'ailleurs en ce sens qu'il a demandé en 2006 l'appui du dispositif MFR français, qui l'a répercuté au Comité mixte Franco-Sénégalais pour le développement du secteur agricole, qui s'est réuni en septembre 2006 à Gorée, sous la présidence de l'ancien directeur général de l'Enseignement et de la Recherche du Ministère français de l'agriculture, Monsieur Henri-hervé BICHAT.
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