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Le Réseau Formation Fleuve au Sénégal : pour une régulation participative de l'offre de formation agricole et rurale

( Télécharger le fichier original )
par Xavier MALON
Université Toulouse 1 Sciences sociales - Diplôme d'Université - Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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III.1- LA NAISSANCE DU RESOF : UNE FINALITÉ ÉQUIVOQUE

La vocation première d'une organisation des acteurs de la FAR en réseau semble évidente aujourd'hui : impacter significativement sur la montée en puissance d'une régulation, sous forme participative, de l'offre de services ; il en est attendu une amélioration de la qualité de celles ci, devant en principe passer par des procédures normatives d'agrément, ainsi qu'une meilleure articulation avec les attentes des acteurs situés sur la demande.

La dynamique qui a porté en 1999 la SNFAR sur les fonds baptismaux s'est heurtée à un défi gigantesque pour appliquer au niveau opérationnel les principes et orientations retenus : tout ou presque était à faire, depuis l'alphabétisation de tous les ruraux jusqu'à la réforme de l'enseignement supérieur !

L'urgence de l'action, amplement démontrée par les constats d'alors, a sans doute contribué (selon notre perception) à brouiller les cartes de « l'opérationnel », en regroupant des objectifs parfois contradictoires au sein des programmes d'action.

Ainsi, le document « Bilan et perspectives de la phase 1999-2002 » du programme d'appui au renforcement des capacités des acteurs du monde rural au Sénégal50(*) présente t-il le troisième chantier financé comme suit : « étude de faisabilité de Pôles régionaux de formation / recyclage des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs ».

S'appuyant sur l'une des stratégies d'intervention recommandée par la SNFAR, il y est question de mettre en réseau au sein d'une même région les compétences dispersées dans les diverses structures publiques et privées (centres de formation, de recherche, bureaux d'études et ONG, sociétés de développement).

Cette réorganisation sur une base territoriale était dictée par le soucis i) d'articuler l'offre à la spécificité de la demande locale, ii) d'exploiter le potentiel dispersé de l'offre de formation, et iii) de responsabiliser les élus, les OP et les opérateurs privés dans le pilotage et le financement de la formation agricole et rurale.

Des économies d'échelle importantes en étaient attendues, à travers une réponse concertée et efficace à la demande de formation.

Ce Bilan rappelle qu'à Ziguinchor, l'initiative a été prise par le Conseil Régional qui a mis sur pied un comité régional de planification stratégique de la FAR, regroupant les principales Organisations Professionnelles et les établissements publics et privés de formation.

A Saint-Louis, ce sont les structures de formation qui ont conduit la concertation ayant abouti à la mise sur pied d'un réseau regroupant OP, écoles, ONG et services d'appui.

Dès leurs débuts, ces deux entités (distantes de près de 800 km) se sont attelées à l'élaboration d'un répertoire de compétences.

Le document du Bureau d'Appui conclut le chapitre consacré à ce troisième chantier en précisant que l'analyse de la demande et la réalisation de programmes-test de formation permettront de structurer et de consolider la démarche.

Ce document nous inspire deux remarques :

- au niveau de l'intitulé du chantier qui nous intéresse

« étude de faisabilité de Pôles régionaux de formation / recyclage des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs ».

il s'agit bien de mettre en réseau les compétences des différents offreurs de formation, pour mieux répondre à la demande régionale ; de ce fait, les acteurs sur la demande devraient rester à l'extérieur du réseau.

En ce sens, la configuration idéale ressemble de très près à celle d'un réseau de santé, dans lequel la demande du patient va s'adresser à un interlocuteur unique qui va coordonner l'intervention de multiples compétences médicales et administratives en vue d'apporter une réponse globale au problème à traiter.

Nous reviendrons par la suite sur la façon dont a évolué la représentation des acteurs de la FAR au sein du RESOF (et bien que nous ayons déjà eu à signaler que chaque acteur est un prestataire de services en puissance).

La notion de pôles régionaux de formation traduit généralement l'idée de concentration et de complémentarité des forces présentes, et de leurs avantages comparatifs, pour les canaliser au service d'un but commun ; en l'occurrence la mission assignée consistait en « la formation / recyclage des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs ».

Cependant, la mise en réseau des compétences ne signifie pas nécessairement participer à la régulation du sous-secteur de la FAR.

De même, la mise en réseau des compétences (dispersées) semble assez éloignée d'un objectif de responsabilisation des élus, des OP et des opérateurs privés dans le pilotage et le financement de la Formation Agricole et Rurale.

- au niveau des porteurs de l'initiative, que sont les seules structures de formation

Cette prise de responsabilité laisse à penser que cette catégorie d'acteurs était inquiète, à la suite de la mise en évidence de ses lacunes importantes (diagnostic de la SNFAR), et qu'il était stratégique pour elle de piloter ce processus de réseautage pour ne pas être mise à l'écart par la suite.

De là à imaginer que la motivation première des prestataires « institutionnels » de formation reposait davantage sur la conquête de nouveaux marchés (ou la consolidation de leurs créneaux traditionnels), il y a un pas que nous ne franchirons pas encore ; cependant le doute est d'ores et déjà permis...

Chronologiquement, l'aboutissement de la SNFAR et le programme d'appui à la formation agricole et rurale évoqué plus haut se situent au même moment : ce dernier est en effet le cadre d'application de l'accord de coopération signé en juin 1999 entre la Suisse et le Sénégal. C'est donc bien dans le cadre du troisième chantier de ce programme d'appui que sont créées les conditions qui amèneront à la création du RESOF, le 21 juin 2000.

Nous relevons dans le rapport d'activité de la coopération suisse de décembre 2000 les constats suivants (points 104 à 107 du rapport) :

· Une méconnaissance, par la majorité des partenaires potentiels du pôle (élus locaux, OP, privés) de la stratégie nationale qui sous-tend la création de pôles régionaux de formation.

· Des acteurs locaux qui peinent à clarifier le rôle du pôle et à aller au delà de la seule mise en place d'un cadre organisationnel.

· La prégnance des écoles et centres de formation dans la dynamique nouvelle, avec « le risque de limiter le pôle à une simple expression de l'offre de formation ».

Cette absence de vision partagée par tous les acteurs est pointée comme une faiblesse majeure, de nature à provoquer l'enlisement de la démarche.

Du côté des élus locaux, il faut bien comprendre que les nouvelles responsabilités à assumer sont très larges ; depuis les lois de décentralisation de 1996, les collectivités locales se sont vues transférer neuf domaines de compétences, et elles n'ont pas les moyens de leur politique. Elles bénéficient d'une dotation globale de l'Etat central sous évaluée, et peinent à récupérer les impôts et taxes locales.

Le conseil régional de Saint-Louis a pourtant mis en place son Agence Régionale de Développement, censée être le bras technique des différents échelons des collectivités locales, sans que toutes les ressources humaines et financières n'y soient affectées ; il a également piloté l'élaboration d'un Plan Régional de Développement Intégré, dont la mise en oeuvre bute sur les mêmes difficultés.

Dans ce contexte, on peut comprendre la prudence des collectivités locales à s'engager, et leur réticence à mettre en commun leurs ressources et leurs compétences.

D'autre part, au plan des logiques institutionnelles, leurs nouvelles responsabilités en matière d'éducation et de formation professionnelle les ont peut être porté à croire que le sous secteur des formations agricoles et rurales, éclaté entre de multiples tutelles, était marginal dans le dispositif éducatif global.

Il s'y ajoute le fait, comme cela nous fut rappelé à plusieurs reprises, que l'agriculture ne figurait pas au nombre des compétences nouvelles transférées.

Vingt mois plus tard, en janvier 2002, le rapport annuel du RESOF présente dans son préambule le « pôle » comme suit : « un cadre de concertation, de réflexion et d'échanges entre ses membres et avec l'extérieur, dans le domaine de la FAR ».

L'évolution semble notable, et notoirement éloignée de l'idée originelle de pôle régional de formation, si tant est qu'un pôle de formation a vocation à faire de la formation (cf. notre précédent parallèle avec un réseau de professionnels de santé).

Les objectifs déclinés dans ce même document le confirment : il s'agit désormais de faciliter la réflexion collective sur des thèmes fédérateurs et les échanges de pratiques, de diffuser les expériences, de faciliter la mobilisation des ressources et de contribuer à l'élaboration de la politique régionale de FAR.

Un dernier objectif (en réalité, le premier de la liste) a trait à la promotion de la qualité dans la conception et la réalisation des programmes de formation.

Ceci est du reste confirmé dans le projet de programme de mise en oeuvre du pilotage régional de la FAR. Ce document, proposé par le Secrétariat du RESOF en mai 2006, réaffirme son ambition « de faire une place primordiale à la régulation participative de la FAR dans la mise en oeuvre de la Stratégie Nationale dans la Vallée du Fleuve Sénégal ».

Le démarrage du RESOF fut laborieux ; d'abord assurée par la structure hébergeante51(*) au cours des neuf premiers mois, son animation sera confiée en mars 2001 à l'assistant des programmes de formation du CIFA, qui deviendra ainsi l'animateur principal du RESOF. Au nombre de ses missions, figurent (déjà) la re-dynamisation du réseau et la mobilisation des acteurs majeurs présents dans son environnement.

D'ailleurs, si à la naissance du RESOF en juin 2000, quinze organisations ont payé la cotisation annuelle (5 000 Francs CFA, soit moins de huit Euros), elles ne sont plus que trois l'année suivante, dont la structure hébergeante. (malgré l'adhésion de deux nouveaux opérateurs privés en 2001).

Lors de la dernière Assemblée Générale du 29 décembre 2005, le décompte des membres ressort à 46 organisations (cf. Annexes). Celles-ci se répartissent à peu près équitablement sur les deux catégories de l'offre et de la demande.

Cette longue introduction, relative aux finalités du réseau, tente de montrer que chacun des acteurs pressentis à l'origine pour participer à cette dynamique de rupture avec le passé est venu avec en perspective sa propre stratégie :

· pour les uns, peu nombreux, il s'agissait de contribuer à mettre en place un instrument destiné à assainir les pratiques dans le secteur, et à faire évoluer la réponse-formation globale par des échanges de pratiques et la diffusion d'expériences originales ;

· pour d'autres, les plus nombreux, il s'agissait davantage de se positionner, en perspective de remplir son carnet de commande ;

· pour les organisations professionnelles et quelques associations de développement communautaires, le réseau semblait représenter un espace intéressant pour faire valoir leur point de vue en tant que demandeurs de formation.

· quelques autres enfin, ont « acheté leur ticket, pour voir » ; il s'agit essentiellement des services d'appui au développement rural.

Ces attentes multiples, et l'équilibre qui en est résulté, ont sensiblement modifié l'idée originelle de pôle régional de formation jusqu'à sa forme actuelle, plus proche d'un cadre de concertation.

Nous verrons cependant par la suite que les activités conduites mêlent encore parfois les deux finalités, apportant parfois de la confusion lorsque le réseau commandite et prend en charge des actions de renforcement de capacités au bénéfice d'individus issus de ses organisations membres, ses situant alors en position de concurrence avec certains de ses membres, opérateurs, voire financeurs de formation.

* 50 Conçu et financé par le Bureau d'Appui à la coopération sénégalo-suisse, unique soutien financier du RESOF.

* 51 En l'occurrence le Centre Interprofessionnel de Formation aux métiers de l'Agriculture (CIFA), situé à Ndiaye, à 30 km de Saint-Louis.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille