I.5.2- LA NAISSANCE DU RESOF EN
2000 : DES AMBITIONS COMMUNES AFFICHÉES, MAIS UNE INITIATIVE
EXTERNE
Notre entretien avec Jacques FAYE, sociologue rural et ancien
directeur général de l'Institut Sénégalais de
Recherche Agronomique (ISRA) au moment des faits, éclaire les conditions
dans lesquelles a émergé l'idée de faire travailler en
réseau les acteurs de la formation agricole et rurale, dans la
Vallée du Fleuve Sénégal. C'est lorsqu'il travaillait sur
le nouveau projet d'établissement de l'ISRA, qui a conduit à la
création du Fonds National de Recherche Agricole et Agroalimentaire, que
cette idée a germé.
La question centrale était alors la suivante :
« Comment s'organiser pour en faire davantage, sachant que nos pays
disposent de moyens limités ? »
Le constat était unanimement partagé : des
personnels nombreux, répartis dans de nombreuses institutions oeuvrant
dans le développement rural. Il paraissait donc logique de les faire
travailler ensemble, pour permettre d'additionner les avantages comparatifs de
chaque institution, tout en décloisonnant des institutions qui
travaillaient pour le même bénéficiaire final.
La question qui venait immédiatement après
était donc : comment on va s'y prendre ?
Deux options se présentaient alors :
1) fusion de ces institutions
Mais très rapidement, les nombreux freins
identifiés incitèrent à penser que cette solution ne
menait nulle part.
2) les faire fonctionner en réseaux (sur
des sujets d'intérêt commun).
Dans ce cas, il fallait que quelque chose motive les gens
à aller dans ce sens car une limite apparaissait
immédiatement : les moyens financiers. En effet,
« outre le fait qu'il n'est pas illimité, l'argent qu'on
« flaire » attire du monde, et pas nécessairement
pour la bonne cause ».
Le contexte général était cependant
favorable pour conduire certaines réformes ; le ministre de
l'époque (Robert SAGNA) souhaitait redonner une image positive au
ministère, et le gouvernement voulait remettre un peu d'ordre dans le
secteur.
Il était également question de créer une
véritable Direction de la Formation Professionnelle Agricole ; le
président de la République avait donné le feu vert, et la
Banque Mondiale et la Coopération Française étaient
également d'accord pour l'appuyer.
Tous les décideurs s'accordaient sur la
prégnance d'un exode rural déjà bien visible à
cette époque. Il paraissait évident que tous les jeunes ruraux ne
pourraient pas s'installer en tant qu'agriculteurs, et que la Formation
(Agricole et Rurale) était un moyen de donner aux jeunes les clés
pour entrer dans l'économie urbaine, et les armer pour qu'ils puissent
affronter cette mutation avec un minimum de chances de réussite
d'insertion.
« Au départ, l'idée était
aussi de concéder le service public aux ONG et opérateurs
privés qui souhaitaient gérer des centres de formation. Cette
idée valait également pour le Conseil agricole, car selon moi,
l'ANCAR ne devait pas disposer de personnels de terrain (contrairement à
la version actuelle qui a été mise en place dans le cadre du
programme des Services Agricoles et d'Appui aux Organisations de
Producteurs(trices) PSAOP). »
« On a donc dit à ces acteurs, qui se
situent dans le champ de l'opérationnel : « Si vous vous
mettez en réseau, en nous expliquant pour quoi faire, on vous donnera
les moyens de travailler » ! C'est la
« carotte » que nous avions trouvé pour les inciter
à aller dans ce sens. »
Six ans plus tard, Jacques FAYE reconnaît que les
avancées sont minces, et en attribue d'abord la cause à
l'alternance politique de 2000, la nouvelle équipe gouvernementale
aurait découragé les acteurs impliqués en mettant
« au placard » les dossiers en cours, hérités
de l'équipe précédente.
En vérité, au nombre de ces acteurs figuraient
en bonne place les paysans eux-mêmes, et ils ne semblent pas s'être
beaucoup investi dans les réseaux émergents, peut être en
raison du fait que cette initiative n'était pas parti d'une demande
formelle de leur part.
Pourtant, l'idée de départ se limitait à
rendre visible quelque chose qui existait en partie déjà dans les
faits, au quotidien. Ainsi, les représentants de la profession, comme le
président de l'imposante Fédération des
Périmètres Autogérés, et l'Ecole Nationale
d'Economie Appliquée, travaillaient déjà ensemble sur les
problématiques du Conseil et de la Formation Agricole.
Cet éclairage nous incitera à nous
intéresser au point de vue des divers membres du RESOF, lorsque cette
idée leur a été proposée en 2000, pour mieux
appréhender leurs motivations respectives et mieux comprendre comment
celle-ci pouvait trouver sa place dans les dynamiques en cours.
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