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La communication politique dans les élections au Sénégal: l'exemple du PS(Parti Socialiste) et de l'AFP(Alliance des Forces de Progrès) en l'an 2000

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par Hamad Jean Stanislas Ndiaye
Université Gaston Berger de Saint-Louis (Senegal) - Maitrise de Sciences Politiques 2004
  

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Section 2 : De « La politique par le bas »

Cette « politique par le bas » participe de la naissance de nouveaux acteurs et de nouveaux modes de légitimation ainsi que de nouvelles formes de représentation sociale et politique. Ce

102 Wal Fadjridu 14 mars 2000.

qui aboutira à un engagement politique en nette évolution dans le champ politique sénégalais lors de la présidentielle de l'an 2000. Un engagement politique défini en sociologie électorale comme comprenant plusieurs degrés de participation au fait politique. « Il s'agit de l'inscription sur les listes électorales en passant par le vote, la recherche d'information politique, la participation actives aux activités de campagne électorale des différents partis, le militantisme dans un parti politique... ». 103

Il va de soi que dès lors que les valeurs et les modes de représentation sociale et politique échouent ou laissent entrevoir leurs limites, les citoyens se prennent à 'recréer l'ancien', mais avec leurs propres logiques et par de nouveaux modes d'action populaires et politiques.

L'expression que nous empruntons à BAYART, MBEMBE et TOULABOR104, nous fera évoquer le rôle éminemment important des médias et de la société civile sénégalais lors du scrutin de l'an 2000 (A) ; ce qui ne saurait occulter l'action des citoyens qui fera advenir « les conquêtes de la citoyenneté »(B).

A Médias et société civile, les « gardiens du temple » démocratique.

Le scrutin présidentiel de l'an 2000 aura été le lieu de voir l'action majeure et sans doute inédite de la société civile sénégalaise et des intellectuels de manière générale. Cette société civile se sera érigée en éveilleur et en meneur, telle cette 'dame liberté' guidant le Peuple d' Eugène DELACROIX. Les médias sénégalais vont fortement participer à cet élan prouvant, par cette occasion, la citoyenneté par la conscience que l'on a de ses devoirs et de ses droits mais aussi des moyens que l'on se donne pour atteindre cette citoyenneté. En ce sens, les médias et la société civile sénégalais auront été, à bien des égards, « gardiens du temple »105 de cette démocratie.

103 Cours de sociologie électorale

104 cf. La politique par le bas en Afrique noire : contribution à une problématique de la démocratie, Paris, 1992,

268 p

105 KANE C. H., Les gardiens du temple, Paris, Stock, 1995

Le défi qui se pose aux démocraties consiste à décentraliser le pouvoir politique. Il ne s'agit pas

de remplacer 'l'homme fort' du pays par des centaines 'd'hommes à poigne' à l'échelon local, mais bien au contraire de faire participer l'ensemble des citoyens dans toutes le territoire du pays. Beaucoup d'associations qui militent en faveur de la société civile à travers le monde s'emploient principalement à financer, ne seraitce qu'en partie, les activités susceptibles de promouvoir la participation des citoyens à la vie politique locale et régionale. Il demeure aussi que le débat s'installe et que le mot d'ordre est à la discussion des moyens d'améliorer la gestion des affaires publiques.

Les caractéristiques qui font de la démocratie une affaire parfois bruyante et troublante sont précisément celles qui lui donnent son dynamisme et sa souplesse.

C'est par l'entremise de l'inclusion et en considérant leurs adversaires politiques comme des concurrents et non comme des ennemis que les citoyens peuvent sauvegarder leur démocratie.

Dans ce jeu, la société civile a sa partition à jouer.

La société civile peut jouer un rôle clé dans la défense des intérêts du public, l'analyse de l'action des pouvoirs publics, la mobilisation des partisans de la réforme et le maintien de la transparence.

Les associations que forment des citoyens désireux d'améliorer leur société peuvent éduquer l'opinion publique sur des dossiers fondamentaux, mobiliser les esprits, plaider les causes d'intérêt général et suivre le comportement et les réalisations des élus. Manifestement, ce sont

là des fonctions qui ne gagnent pas toujours les faveurs de la presse ni celles des personnalités

publiques, mais cette caractéristique ne les rend que plus précieuses. Dans tous les cas, les citoyens militants doivent garder à l'esprit que l'objectif doit être d'améliorer la gestion des affaires publiques, et non pas de démolir les institutions de l'État.

La liberté d'association a permis un renforcement et une diversification toujours plus forte de la société civile, qui constitue un autre symptôme de la vigueur du pluralisme au sénégal. Les syndicats et les associations professionnelles ne sont plus de simples appendices du parti au pouvoir.

Une société civile robuste et dynamique encourage trois éléments essentiels à la démocratie : la transparence, la participation et la dynamique de la réforme politique. De par sa nature même,

le concept du gouvernement dans les règles de l'art suppose la transparence des institutions politiques et bureaucratiques. La société civile doit exercer une pression sans relâche si elle veut sortir gagnante du combat livré à la corruption dans les institutions publiques. Faute de quoi, sa croisade se trouverait ravalée au rang de la démagogie pure et simple.

Une société civile bien organisée donne des moyens d'action aux démunis et elle décuple leur voix collective dans la vie politique.

Les organisations sur lesquelles elle repose servent à éduquer les citoyens sur leurs droits et leurs devoirs. Elles incitent les citoyens à se battre pour les droits dont la jouissance est indispensable à l'amélioration de l'existence.

On est bien obligé d'admettre que les alliés les plus fidèles de la réforme durable du régime politique se situent généralement en marge du gouvernement. Il n'empêche que les pouvoirs publics et la société civile ont besoin d'agir d'un commun accord pour parvenir à imposer des réformes véritables.

Qu'on ne s'y trompe pas : la société civile ne saurait être un ersatz des partis politiques ni d'un encadrement politique responsable. Bien au contraire. L'idée n'est pas de substituer la société civile aux partis politiques, mais plutôt de faire en sorte que cellelà complète ceuxci.

De même, il serait erroné de croire que la société civile est par nature hostile au gouvernement.

Loin de constituer ce que Foucault, parlant de Don Quichotte, appelle « un signe errant dans

un monde qui ne le reconnaissait pas »106, la société civile sénégalaise se sera beaucoup investie dans l'élection de l'an 2000 et son impact aura été notable. En effet, elle va susciter beaucoup

de débats sur son existence et sa réalité et tout au long de la longue histoire politique du

Sénégal, elle n'aura pas perdu cette « capacité d'un groupe d'intellectuels donné à produire du sens social, c'estàdire un ensemble d'idées signifiantes socialement et donc en mesure d'informer une praxis collective » 107 C'est donc le réveil et la gestation d'une 'société civile' en dehors de l'espace institutionnel. Ainsi voit on une frange de l'intelligentsia exiger une présence plus significative dans l'Etat qui est le vecteur même de la modernisation. En

106 FOUCAULT M., L'ordre du discours, Paris, Gallimard, 1999, 82 p

107 El KENZ A., L'Algérie : de l'espérance du développement à la violence identitaire, in Les libertés intellectuelles en Afrique, 1995, Dakar CODESRIA, pp. 4558

disqualifiant ainsi les acteurs de la politique politicienne faite de clientélisme, de prébende et

de prédation, ces intellectuels entendent rénover la pratique politique en la rationalisant par leur propre expertise, par la technocratie.

Dans le scrutin de l'an 2000, la société civile sénégalaise aura joué un triple rôle ; d'abord de sensibilisation pour une inscription massive et d'éclairage des électeurs ; ensuite de médiation entre les différents acteurs dans la confection des listes et cartes électorales ; enfin de contrôle

et d'observation. Elle aura ainsi montré que vigilance et alerte doivent toujours l'occuper, du fait de sa neutralité présumée visàvis des acteurs du jeu social et politique.

Et comme le rappelle Bouba DIOP, Président du CONGAD, « il ne faut pas que les autorités attendent que la situation devienne complexe pour parler d'approche communautaire. Cela doit être un acte quotidien ».

La presse sénégalaise aura beaucoup contribué dans le combat pour un jeu démocratique transparent lors de ces scrutins de l'an 2000. En effet, le processus enclenché d'implication dans l'espace public et politique, par les jeunes bul faale( T'occupes pas! Laisse passer!) 108)

et leurs prédécesseurs du set setal (assainir, rendre propre), aura trouvé son achèvement à travers le rôle joué par les jeunes reporters et autres journalistes qui ont couvert les élections. C'est ainsi que « l'émergence d'une presse privée a d'abord fortement réduit le contrôle monolithique et l'influence qu'exerçait le pouvoir politique sur les médias d'Etat. Les journalistes ont joué un rôle capital dans l'ouverture d'un débat sur la citoyenneté et les capacités citoyennes, en traquant l'information et en la mettant à la disposition du public, cette information permettant la création d'une opinion et l'ouverture de débats sur des questions importantes » 109 . Le rapport du PNUD sur le développement humain rappelle à ce propos qu'avec la presse privée, « les populations sénégalaises disposent désormais de sources

108 le terme a d'abord été utilisé par le Positive Black Soul PBS, un des groupes de rap pionniers du mouvement hiphop sénégalais. Il deviendra ensuite plus populaire grâce à un jeune champion de lutte, Mohamed NDAO Tyson , considéré, comme le leader de la génération bul faale. Il donnera au concept/slogan un contenu, en prônant en direction des jeunes les notions d'effort, de rigueur, de discipline, de persévérance et de respect de l'autre

109 DIOUF M., communication à la table ronde sur Les médias contribuentils au développement de la citoyenneté au Sénégal ? organisée par l'Institut Panos, BREDA, 30 avril 1998, pp.1317

d'informations variées, ce qui a un impact direct sur leurs relations avec les classes dirigeantes mais aussi avec le personnel politique dans son ensemble » 110.

En l'an 2000, les médias sénégalais, surtout privés, se sont fait les supports et les révélateurs des mutations économiques, sociales et culturelles, parfois lentes et accélérées qui ont généré ruptures et remaniements comportementaux mais également de nouveaux types de représentation et de vision des choses. Ils auront sans doute contribué à l'amorce de profonds mouvements, de type citoyen, qui vont traverser la société sénégalaise (et la traversent encore aujourd'hui), tout en permettant aux populations urbaines comme rurales, d'avoir une perception plus globale et un plus grand champ de vision des réalités sociales, économiques et culturelles du pays.

Les journaux et radios privés, grâce à des initiatives et innovations comme les émissions interactives ( lu xew tey ou wax sa xalaat sur Sud FM et Walf FM ) ont incité les citoyens à une plus grande implication dans les affaires de la cité et à une facilité d'expression du désenchantement, des frustrations et des aspirations au développement. Grâce au rôle des médias privés et à la mobilité sociale entre le monde rural et les villes, les populations ont commencé à voir le lien de cause à effet entre la dégradation des conditions générales d'existence et la responsabilité du pouvoir en place.

Et tout cela a trouvé à s'exprimer et à se matérialiser lors de cette élection par le traitement et la diffusion de l'information instantanément grâce notamment au téléphone mobile et à Internet. Par cette magie du mobile et de l'instantané, la presse va briser cette linéarité et cette bipolarité, en aidant à l'instauration de réseaux de communication et de courroies de liaison plus vastes. Ces médias ont ainsi été d'efficaces outils d'unification, de démocratisation et de diffusion des aspirations populaires et des manifestations de liberté. Ils auront constitué un grand et solide espace de construction et d'expression d'une conscience citoyenne, d'une identité collective, de référents patriotiques et de réseaux de resocialisation. Ils auront surtout permis une certaine désacralisation de la classe politique, en se faisant l'écho et la critique des actions et de la gestion des autorités politiques et des pouvoirs publics. « Ils ont ainsi su représenter pour les populations un puissant phare qui jette un éclairage quotidien sur les péripéties et les tumultes, les erreurs et les dérapages des pouvoirs. Ce faisceau lumineux a révélé d'immenses plages de liberté d'expression à des populations jusqu'à présent cantonnées

110 PNUD, Rapport national sur le développement humain, année 2000, p.175

à des rôles de récepteurs et a représenté une caisse de résonance pour l'opposition politique à

l'ancien régime socialiste et à tous les sans voix qui n'avaient pas droit au chapitre » 111

La presse aura donc été audelà de sa mission informative, en s'impliquant dans un esprit d'éveil des consciences, dans une démarche d'éducateur, de pédagogue. Participant ainsi à l'édification d'une conscience citoyenne notamment par l'usage des langues nationales et particulièrement le wolof censé être plus véhiculaire. Ce qui a eu une portée pédagogique certaine, dans la mesure où il a été imposé aux protagonistes du jeu politique qui, jusqu'ici, affectionnaient le français à l'endroit d'un peuple grandement analphabète. Cette

'sénégalisation' des programmes radiophoniques est sans conteste une reconquête de l'identité

culturelle sans laquelle le renouveau social est un simple fantasme.

Et dans le domaine purement électoral, quand l'opposition spécule sur la fraude, la presse fournit des pièces à conviction et renforce la vigilance des citoyens. Ce faisant, la frange de l'Administration peu acquise au principe de la neutralité, est mise en demeure de rester fidèle à

la loi sous peine d'être jetée en pâture à l'opinion publique.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo