DEUXIEME PARTIE
LA PERCEPTION DU DISCOURS
POLITIQUE ET PERSPECTIVE
EXPLICATIVE.
« L'observance systématique des
dispositifs de communication politique et des
modèles
d'interaction proposés aux populations (ou
aux acteurs sociaux), justifie, en outre, le questionnement sur la
concordance réelle entre la visibilité médiatique et la
lisibilité sociale
ou entre le discours politique et l'expérience
vécue » 66
La communication politique construit une
spécularité particulière : l'identité
définie pour le destinataire de la communication lui donne une
place d'acteur différente de celle qui est occupée par
l'énonciateur. C'est la raison pour laquelle on peut articuler
la communication politique à l'exercice d'un pouvoir. Elle articule
aussi les discours des acteurs à leurs stratégies, pour
construire leur signification et la faire apparaître dans l'information
qu'elle diffuse. Mais élaborer des stratégies politiques, c'est
justement donner aux actes et aux décisions euxmêmes,
en dehors de leur effet sur le réel et sur les situations,
une dimension symbolique qui les rend
interprétables. En période
électorale, par exemple, les médias engagent des
stratégies énonciatives visant à assigner à
leurs lecteurs, une place d'acteurs particuliers dans l'espace public :
il s'agit moins, pour eux, de fonder des identités que
d'instituer des acteurs et des stratégies : de faire de leurs
destinataires les électeurs de tel ou tel autre candidat.
L'objet de cette seconde étape de notre recherche,
consistera à apprécier la perception que l'électorat
sénégalais se sera faite du discours de l'AFP et du PS. Ce qui
revient pour nous, à en
66 MOUCHON J., La politique sous l'influence des
médias, L'Harmattan, collection communication et civilisation,
1998
envisager les éventuels effets. En effet, lors de la
campagne en vue du scrutin présidentiel de l'an 2000, les formations
politiques auront beaucoup communiqué et émis des messages
en direction des électeurs. Il faut aussi reconnaître que,
dans certains cas, tels que la campagne électorale, les individus se
tournent vers les médias pour y chercher des informations
susceptibles de leur servir de guide et éclairer quelque peu leur
choix.
L'étude des éventuels effets de cette
communication occupera sans doute une importance substantielle (Chapitre
1) ; ce qui ne nous exemptera pas pour autant du devoir d'explication
de ces effets eu égard à plusieurs facteurs
susceptibles d'agir sur l'électorat (Chapitre 2 ).
Chapitre 1 : Les effets de la communication politique
du PS et de l'AFP.
Si pour Murray EDELMAN « Dans le monde
politique contemporain, la construction du
spectacle fournit un élément de réponse
important, car l'invention d' événements artificiels et
la diffusion des informations les concernant provoquent
des émotions - des angoisses et des aspirations, des
insécurités et des réconforts qui créent un
besoin incessant des symboles légitimants » 67
, on doit admettre que le sujet qui suscite le moins de
consensus dans la recherche sur les médias et la communication en
général, concerne certainement leurs effets.
S'il y'a autant de débats à ce propos, c'est
parce que l'on ne possède aucune mesure fiable pour prouver avec
exactitude la part de leurs effets dans le comportement, les opinions
et les attitudes.
En réalité, au coeur des discussions, se
retrouve moins l'existence ou la nonexistence des effets ; chacun
reconnaissant que les relais de la communication et la communication
elle même laissent des traces ; c'est plutôt le degré
d'influence des médias qui prête à discussion.
67 EDELMAN M., Pièces et Règles du jeu
politique ; Editions du Seuil, Collection la couleur des idées,
Paris,
1991, p.227
Les scores enregistrés par le PS et par l'AFP lors de
ces élections, ne manquent pas de révéler
des effets réels sur les récepteurs de leur
discours politique, tout au long de la campagne. En effet, loin d'avoir
prêché 'dans le désert', des effets auront
été notés, qu'ils aient été
'puissants'
ou 'limités' ; le discours sera apparu plus ou
moins opérant (Section 1) quoique l'impact soit à
relativiser (Section 2).
Section 1 : Un discours aux effets réels .
Le discours politique relayé par une information
médiatée se voit reconnaître une influence sur
ses destinataires. C'est même, sans doute, cela
qui caractérise cette forme d'information médiatisée
par rapport à l'autre forme de l'information, celle qui
s'inscrit dans la communication intersubjective. En effet, la
communication intersubjective constitue des identités, elle ne
constitue pas des statuts ; elle porte sur des sujets et non sur des acteurs.
Ce sont les médias et les formes de la communication politique
qui articulent leur consistance symbolique (discours, images,
représentations) aux engagements de leurs destinataires dans la pratique
effective de leurs décisions et de leurs actes. C'est,
d'ailleurs, pourquoi, dans la communication politique, il est possible de
distinguer le rôle des énonciateurs et celui de leurs
destinataires : à la différence de la communication
intersubjective, la communication politique construit une
spécularité particulière : l'identité
définie pour le destinataire de la communication lui donne
une place d'acteur différente de celle qui est
occupée par l'énonciateur. En effet, la communication politique
peut être articulée à l'exercice d'un pouvoir.
Dès lors comment expliquer pareil
intérêt chez les citoyens sénégalais du moins
ceux qui auront exprimé leur voix à l'endroit de ces
deux formations politiques que sont le PS et l'AFP ?
Nous pouvons trouver les raisons des effets réels de la
communication de l'AFP et du PS dans
le contexte même de cette élection par le biais du
jeu des alliances et du rôle de relais joué par
les médias (A) mais aussi dans la dimension personnelle
des leaders progressiste et socialiste
(B).
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