B L'AFP pour un «changement sans Diouf ».
La stratégie de NIASSE, candidat de l'AFP et
de la CODE 2000 au second tour du scrutin
s'inscrit dans une logique de fermeté et de
détermination. Le schisme se confirme et le camp progressiste persiste
dans son discours de déconstruction du régime socialiste.
Parler d'une prégnance du changement, nous oblige
en conséquence, à tenter de voir la conception que l'on
s'en fait dans le camp de l'AFP et de la CODE 2000. Etant tête de file
de cette coalition, le leader progressiste va naturellement placer en orbite
son parti, l'AFP qui va désormais incarner la vision de l'ensemble du
groupe politique mis sur pied.
En l'an 2000, l'AFP se voulait « être un moteur de
l'alternance politique en laquelle le peuple
sénégalais avait placé tant
d'espérance » et militera pour un changement
radical: un changement de régime politique, de la constitution et des
institutions, un changement dans la volonté réelle de changer le
pays et de le faire évoluer, un changement des mentalités par
le biais d'une éthique sociale et d'une éthique
républicaine.
La base devait se résumer dans sa devise : FOI,
PATRIOTISME, SOLIDARITE.
40 Quotidien Le Matin du Mardi 29 février 2000
41 Quotidien Le Matin du 14 mars 2000
Ainsi le parti du progrès voulait « participer
à l'élargissement des aspirations légitimes vers de vrais
changements dans le mode de gouvernement du pays et pour une prise
en charge consciente et organisée des responsabilités (...) vis
à vis du peuple sénégalais » 42.
La priorité réside aussi dans la
moralisation de l'espace politique sénégalais pour la
consolidation et le renforcement de la démocratie, en un moment
où celleci se trouve gravement « malmenée par des
dérives morales et des comportements politiques qui ont tendance
à tourner le dos à l'éthique de responsabilité et
à l'éthique de conviction ». Lors de ces
élections, comme les précédentes, la dénonciation
de la corruption du régime socialiste sera
au coeur du débat.
Dans ce contexte où tout bascule pour le PS,
ayant suffisamment tâté le pouls de ses concitoyens, le
leader de l'AFP va rapidement trouver un slogan qui a le double avantage de
'faire mouche' et de conférer une identité
politique par rapport au mouvement sopi, à travers
son « na dem ! na dem ! na dema dema dem ! » (Qu'il
parte ! Qu'il s'en aille !).
C'est ainsi qu'aux appels à l'unité autour
de DIOUF entre les deux tours, NIASSE, s'étant inscrit
dès le début de la campagne dans une stratégie visant
à saper le régime socialiste, ne pouvait faire volteface.
Il durcit le ton et maintient le cap ; ce qu'il va exprimer de
manière très imagée par « la voiture dans
laquelle je me trouve est déjà en marche et ne peut pas faire
marche arrière ».
En réalité, NIASSE opposait ainsi un
fin de nonrecevoir à toutes les tentatives de
réconciliation avec DIOUF et dès le 28 février 2000,
lendemain du premier tour, il ne laisse planer aucun doute sur son refus de
reporter ses éventuels suffrages sur le candidat socialiste43
.
42 Allocution de Moustapha NIASSE, commémoration du
3ème anniversaire de l'AFP, Dakar, samedi 24 août
2002 Hôtel Méridien Président
43 Quotidien Le Matin du lundi 28 février 2000
La logique sera confirmée quelques jours plus tard avec
l'appel à « voter WADE », le candidat
de l'opposition le mieux placé et étant
arrivé en seconde position derrière DIOUF44
. Il appréciera ce report de votes sur le candidat de la
CA 2000 comme étant « une attitude de logique...et non
d'appréciation ou de choix ».
Aussi, pour faire advenir ce changement, le point focal de la
campagne de la coalition dirigée par Moustapha NIASSE se trouvera
être le combat de tout le reste de l'opposition : lutter pour
un scrutin transparent et régulier.
L'exigence de transparence du scrutin et la
sécurisation du processus électoral vont rythmer les
débats de la campagne surtout dans le camp de l'opposition
politique45 . Et même si elle incarne une coalition
avec la CODE 2000, l'AFP rejoint tous les autres partis qui
s'érigent contre le pouvoir socialiste, dans la cadre du FRTE.
Pour sa part, la formation de NIASSE entend s'inscrire dans la voie de la
légalité, avec la présence active et nombreuse
d'observateurs aux élections, afin d'éviter des pratiques
frauduleuses telles que « votes multiples, votes d'absents ou de
mineurs et même de morts... ». Il s'agit donc d'opposer des
contre ruses aux éventuelles ruses du pouvoir. Le discours est
significatif car il provient de quelqu'un qui sort du régime socialiste
luimême et le connaît parfaitement.
La sécurisation du processus électoral
cache le débat de « l'affaire des cartes
israéliennes » pour laquelle, « l'AFP veut enfoncer
l'ONEL » selon les journalistes Jean DEMBA et Alioune FALL et
« rejette les aveux de Lamine CISSE » d'après Diaw
MBODJI46 .
Cette affaire des cartes israéliennes était,
une occasion pour les candidats de l'opposition de tirer à bout portant
sur l'organisation des élections. La mise à nu de la fabrication
secrète de cartes d'électeurs en Israël est une
aubaine pour mettre davantage de pression sur l'Administration, le
Ministre de l'Intérieur et le PS qu'aucun leader politique ne
voulait épargner. Moustapha NIASSE, qui va révéler
le « scandale » y est allé crescendo dans les
révélations, tenant en haleine les sénégalais
mais aussi ses partenaires du FRTE et même le Ministre de
l'Intérieur. Ce dernier n'a pu qu'avouer l'opération
secrète de fabrication de ces cartes et s'enfoncer davantage en
révélant sa correspondance « de rattrapage »
adressée à l'ONEL pour l'en informer.
44 Quotidien Wal Fadjri du mercredi 1er mars 2000
45 Lire à ce sujet l'entretien accordé par le SG de
l'AFP à Sud Quotidien le 14 janvier 2000
46 Quotidien Le Matin du jeudi 13 janvier 2000 p.2
Le chef de file de la CODE 2000 n'en oublie pas le régime
socialiste et c'est ainsi qu'à Kaolack lors du congrès
d'investiture de l'AFP, les révélations étaient aussi au
rendezvous.
Il enfonce le clou en accusant nommément le duo
'CISSETanor' (le Général Lamine CISSE ministre de
l'intérieur et Ousmane Tanor DIENG, premier secrétaire du
PS) et dévoilant comment le Ministre de l'Intérieur et le
Premier Secrétaire du PS auraient radié les militants de l'AFP du
fichier électoral. En effet, « ...les jeunes, âgés
de 18 à 25 ans, qui se sont inscrits en masse sur les listes
électorales, ont été éliminés du fichier.
Cela montre que le PS se sait déjà perdant et veut
frauder... »47 . Sans doute, le leader
progressiste ne manquait pas d'informations pour devancer tous ses
alliés dans la bataille pour la transparence et la
régularité
du scrutin mais il est allé un peu plus loin dans sa
conquête du leadership de l'opposition et du
pouvoir, annonçant en prime qu'il serait à la
tête de la manifestation du FRTE du 2 février 2000 dans les rues
de la capitale. Cette marche aura eu pour but de réclamer la
transparence dans le scrutin comme l'indique son nom.
Dans cette bataille, le système et le fichier
électoraux vont occuper une place prépondérante. Le cadre
est donc trouvé au sein du FRTE qui regroupe cinq candidats à
l'élection présidentielle à savoir Abdoulaye WADE,
Moustapha NIASSE, Djibo Leity KA, Mademba SOCK et Iba Der THIAM. En ce sens,
les partis de l'opposition vont exercer un contrôle rapproché du
processus électoral à travers les demandes relatives à la
fiabilité du fichier électoral, la contestation de l'impression
des cartes d'électeurs en Israël48, la
distribution des cartes d'électeurs et le contrôle du
déroulement du scrutin.
Cette démarche va se traduire par la pression
exercée sur les services du Ministère de l'Intérieur
intervenant dans le processus électoral, la contestation du choix du
président DIOUF nommant
à la tête de l'ONEL un de ses proches (le
Général Abdoulaye DIENG), le débat autour des
cartes électorales `sénégalaises' et
`israéliennes' ou le trafic de pièces d'état civil et de
fausses cartes d'identité.
Le FRTE va donc s'ériger en sentinelle pour la
sécurisation du processus et du fichier. Et le point culminant de ses
protestations a été la marche organisée le 2
février 2000 pour remettre
en cause les conditions de l'impression secrète de cartes
d'électeurs en Israël. 49
47 Quotidien Le Matin du lundi 17 janvier 2000 p.2
48 Lire la résolution du FRTE en date du 10 janvier 2000
dans Sud Quotidien du 11 janvier 2000 ainsi que I. SENE, « le contentieux
sur les cartes israéliennes : les tenants et les aboutissants »
dans Le Matin des 17 et 18 février 2000. Lire aussi Wal Fadjri des 11,
16 et 27 février 2000
49 Voir le CR de la marche du FRTE, Wal Fadjri du 3
février 2000
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